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C’est pas sérieux…

Ça arrive à n’importe qui. On voudrait tant que ce qu’on souhaite survienne, qu’on finit par être de mauvaise foi, même quand on est sincère.
Quand je les vois en chouette costard se faire filmer en groupe après une réunion urgentissime qui traite de nos viandes (sujet où ils n’entendent rien), je me dis « ce n’est pas possible, ça va se voir que ce sont des tordus, des pas grand-chose qui nous les cassent en notre nom, payés par nous, bien décidés à nous emmerder le plus longtemps possible ».
Je suis sans doute de mauvaise foi, puisque cela n’a pas l’air d’inquiéter les autres, mieux, j’en vois en admiration permanente pour « le travail », l’abnégation et le sacrifice de ceux que je considère comme la pire engeance, attachés à mes arpions pour me foutre la maladie de Lyme, borréliose suprême, carne d’étrons.
Les uns sont de bonne foi, je suis de la mauvaise.
Alors, je cherche un point de convergence, puisque je suis né comme tout le monde après neuf mois de gestation, que je parle français et qu’il m’arrive de réfléchir ; car la bonne et la mauvaise foi s’enracinent l’une et l’autre dans la vision différente de l’existence.
C’est la même distanciation entre le sérieux et l’humour.
Un JC Junker qui prend ses petits camarades par l’oreille, c’est un facétieux ou Napoléon qui récompense un grognard ? C’est un geste familier aimable ou celui d’un saligaud pétri de prétentions ?
L’homme du sérieux estime qu’on ne peut pas jouer avec l’existence. Admettons !
Il choisit un parti. Les chefs de ce parti décident de nommer un premier ministre qui pose son choix sur des ministres issus des députés ou des sénateurs. Nous sommes déjà à la quatrième action de pouvoir après le notre. De fait, il est tellement délayé ce pouvoir que nous croyions nôtre, qu’il n’a plus aucune espèce d’importance dans le pot bouille de notre « démocratie ». Le citoyen est inexistant !
On dit que les gens sérieux manquent d’humour. C’est une erreur. Mais ils ne le montrent pas. Ils s’opposent seulement à la légèreté.
Toute la question est de savoir si on a de l’humour en n’étant pas léger ?
Faut-il s’empresser de rire de tout, avant que le sérieux ne nous accable ?
L’homme du sérieux est fort sensible aux agressions extérieures qui touchent à sa personne. De lui au monde entier, il n’y a qu’un pas qu’il franchit. Il est malheureux des crimes qui se perpètrent partout. Il vit dans un univers permanent de menace.

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Il faut croire que c’est l’époque qui veut ça, mais Daech tombe à point pour nous condamner au sérieux. Voilà qui convient on ne peut mieux à l’engeance qui nous dirige, tant celle-ci déteste le pas sérieux. Elle se méfie de l’humour !
Un cerveau dérangé par les pratiques religieuses se lève un matin en se disant qu’il va se farcir un mécréant. Ce n’est pas difficile, personne ne croit aussi fougueusement que lui. Il n’a que l’embarras du choix. Il sort de chez lui un marteau à la main, il tue ou blesse quelques passants avant de se faire descendre par la police dépêchée sur les lieux.
Le lendemain, l’indignation est à son comble. La une des gazettes ne parle que de ça
C’est un drame considérable. Tout le monde en convient.
Des centaines d’automobilistes tuent chaque année des milliers de gens, bien sûr, la plupart le font de manière accidentelle, mais un certain nombre se beurre copieusement à l’alcool avant de se faire un passant, d’autres, sobres ceux-là, mais avec peu d’esprit citoyen, écrasent leurs victimes sans le faire exprès, mais au lieu de donner les premiers soins et d’appeler les secours, ils fichent le camp sans demander leur reste.
Le fatras d’anecdotes de ce type est tellement considérable, le nombre de victimes tellement important que Daech, en comparaison, aurait honte du peu d’efficacité de ses imprécateurs meurtriers, de ses illuminés au couteau de cuisine.
Un crime est un crime, pourquoi un tel émoi à propos des uns et si peu d’émotion, comme une routine, le drame perpétré par les autres ?
Qu’y a-t-il de plus sérieux que le comptage du nombre de victimes ?
Le sérieux s’oppose à l’insouciance. Être sérieux, c’est vivre dans un univers désenchanté.
Probablement que le drame façon Daech convient mieux que l’autre à notre époque ?
L’homme « sérieux » est persuadé qu’à force d’attention, il parviendra à déjouer les pièges de l’existence.
Il y a bien des raisons à ne pas laisser le dernier mot au sérieux. Non qu’il faille le discréditer, mais ne convient-il pas toujours de le considérer comme une attitude essentielle, mais non définitive ?
Cioran n’a-t-il pas écrit aux noms des artistes que toute inspiration procède d’une faculté d’exagération ?
Coluche conclurait par « ce n’est parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison ».

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