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Traduire et informer.

Je suis partagé entre l’admiration et la colère à propos du dernier article de « La Meuse » sur la situation au Venezuela. Rien que le titre est déjà un petit chef-d’œuvre de pousse-au-crime « Trump évoque désormais une possible option militaire... au Venezuela ». Les trois points de suspension sont là pour rappeler que la veille, c’était Kim-Jong Un qui était dans le collimateur de la démocratie américaine.
Le titre du magazine 7/7 est différent « Trump acceptera de parler avec Maduro dès que la démocratie sera rétablie ».
Pourtant, les deux organes de presse ont hérité du même contenu d’agence. Les tons diffèrent parce que les objectifs ne sont pas pareils. La même source d’information est traitée par des sensibilités différentes.
7/7 est plus responsable et équilibré. « La Meuse » défend une opinion politico-économique de droite.
L’information de l’organe de presse liégeois est un outil de propagande. Elle n’est pas propre au journal local. Sans qu’il y ait concertation, une certaine presse de Belgique et de France a un air de famille. Les journaux de droite se reconnaissent entre mille.
La situation internationale se lit de façon identique de la Dernière Heure, La Libre Belgique, le Soir, Sudpresse et au Figaro.
Entre les Etats-Unis et le Venezuela, la première association d’idées tient dans ce membre de phrase de La Meuse « le président Nicolas Maduro, mis au ban de la communauté internationale ».
C’est une affirmation purement mensongère. Elle associe adroitement la communauté internationale aux seules droites. Elle dispense les sensibilités de nuancer toute condamnation, puisqu’elle implique « toutes les Nations » dans la même réprobation.

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L’interview du président Trump, club de golf à la main, est une interprétation de quelques mots lâchés entre deux trous. Les responsables politiques ne se méfient pas assez de leurs propos. Avec presque rien, des intervieweurs font croire qu’on est au bord de la troisième guerre mondiale. Le sensationnel fait vendre.
Obama l’avait bien compris. À force d’expliquer ses propos, une impression courait les rédactions, selon laquelle Obama n’avait jamais eu grand-chose à dire.
Vladimir Padrino, le ministre vénézuélien de la Défense, n’a pas qualifié d’«acte de folie» la déclaration du président Trump sur le terrain de golf, si l’on s’en tient à la traduction correcte de l’espagnol au français, mais « de propos inappropriés ».
Tout ce qui touche à la personnalité de Trump doit avoir un rapport avec « la folie du président », puisque c’est ainsi que l’opinion s’est emparée du personnage.
Que Trump soit un démagogue, un homme d’affaire cynique et réaliste, un personnage égocentrique et rusé, cela est fort possible, même mégalomane. Mais, il n’est pas fou (1). Ce n’est pas un psychopathe. Le faire passer pour tel, c’est en prévision d’un dérapage de la politique américaine qui mettrait en cause le système. Les conservateurs chauds partisans de l’économie mondiale dans son statuquo actuel feraient porter la faute « au fou ». Dans le système de défense du capitalisme, Trump est gardé en réserve comme bouc émissaire !
Transposé à la relation de Maduro avec l’économie mondiale et pétrolière, cela veut dire qu’il faut faire barrage à toute initiative venant du président du Venezuela, à commencer par les dernières élections de l’Assemblée constituante. Comme elles ne sont pas favorables au brain-trust pétrolier, elles sont contestées. Il n’y a que des soupçons de fraude donc il faut se rabattre sur « un scrutin marqué par des violences qui ont fait dix morts. » (La Meuse)
Le même journal poursuit « Rejetée par l’opposition et des pays occidentaux, cette assemblée… », c’est la deuxième fois que La Meuse associe les pays occidentaux à l’opinion de droite. Quant à l’opposition au Venezuela, elle est composée de casseurs, d’éléments d’extrême-droite et d’agitateurs lobbyistes. Mais, ça, on n’en parle pas.
La suite n’est qu’un mélange d’opinion et de faits. « La Maison Blanche a révélé que M. Maduro avait effectivement sollicité une conversation avec M. Trump vendredi, mais a implicitement indiqué que sa demande n’avait pas été acceptée » (La Meuse). Comme manque de diplomatie, l’Administration américaine s’inspire du président peu intelligent.
Comme quoi, les journalistes dans leur volonté de faire du zèle, laissent parfois passer quelques vérités contreproductives.
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1. Un psychiatre peut s’exprimer sur des questions psychiatriques générales. Il n'est pas éthique pour un psychiatre, comme pour n’importe quel médecin, de poser un diagnostic sans avoir examiné la personne et sans avoir obtenu l’autorisation de le diffuser.

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