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Le Club des Cinq a encore frappé !

Parmi mes relectures d'été, Jeremy Bentham.
Ce n’est pas folichon, d’accord. Mais le livre reste instructif.
– Qui c’est lui ? dirait n’importe qui au Carré, au départ d’une guindaille.
Puis n’y penserait plus en tournant le dos au rabat-joie.
Si cela vous intéresse, tapez Wikipédia.
Si vous avez la flemme, voici en trois coups de cuillère à pot : Jeremy Bentham, 1748-1832 est Londonien, philosophe et réformateur britannique. Il a trainé ses grolles à l’Université d'Oxford, The Queen's College, Westminster School, brillant élève d’abord, enseignant doué, ensuite.
Seule curiosité, mais celle-là bien anglaise, le corps momifié de Jeremy Bentham est conservé dans la bibliothèque universitaire de l’University College de Londres. C’est saisissant. On ouvre une porte et derrière Bentham, embaumé, est assis sur une chaise en costume bourgeois du début du XIXme s. (absolument authentique !)
Il forme un quintet avec Alexis de Tocqueville, John Locke, Thomas Hobbes, Adam Smith que ceux du MR, quand ils lisent un peu, mais surtout par ouï-dire, portent au pinacle du système capitaliste.
Vous vous doutez bien qu’une lecture pareille au mois de septembre signifie qu’il pleut, que je suis seul et sans aucun espoir de passer une soirée agréable dans des roucoulements de pigeonnier.
Ce n’est pas par esprit sadique que j’avance Jeremy Bentham sur le tapis des discussions, mais parce qu’à cette nouvelle lecture, je me suis persuadé qu’il fallait être un MR radicalisé dans l’économie capitaliste, pour avoir loupé l’incongru de cet Anglais, toujours tapi derrière la porte, à se ficher du monde.
En gros, Bentham part du principe que les individus ne conçoivent leurs intérêts que sous le rapport du plaisir et de la peine. C’est assez juste. Sauf que certains prennent plus souvent leur pied que d’autres. Il y en a même qui cumulent énormément de peine pour peu de plaisir. Mais bon, ce n’est pas là-dessus que je chipote.
Puisque l’humanité a survécu – bougonne Jeremy Bentham – les égoïsmes ne l’ont donc pas anéantie. Ils s’harmonisent naturellement et produisent le bien de manière mécanique !
Voilà qui va faire plaisir au MR, eux qui sont déjà si « harmonieusement égoïstes », les voilà qui l’étaient de façon innée et ils ne le savaient pas !

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Mais ce n’est pas tout. Le meilleur est après.
L’humanité pourrait-elle subsister une seconde, si chaque individu était occupé à favoriser l’intérêt de son prochain, au détriment du sien, demande Jeremy, sûr de la réponse.
– Non, mille fois non, rugit Bentham, qui fit des études par désœuvrement, puisqu’il avait hérité d’une belle aisance.
Nous sommes bien loin des notions altruistes, du dépassement de soi, de la solidarité, d’OXFAM, des sauvetages en mer des refugiés et même des pompiers bénévoles !
Ah ! le voilà le vrai visage du capitalisme ! Inutile de dire que ce passage de la bible libérale de ces messieurs est expurgé dans l’édition réservée aux étudiants des sciences économiques, sans quoi ça se saurait.
Le chapitre s’appelle « L’identité naturelle des intérêts », en termes feutrés, dans des morceaux fort peu lus de nos jours, on croirait entendre Charles Michel, quand il prend sa petite voix douce, pour nous dire quelque chose de désagréable.
L’art de la politique consisterait donc à gouverner les individus par leur intérêt. Autrement dit, la principale clientèle, dont on s’occupe en premier lieu est celle qui en présente beaucoup. Par contre, celle qui par la peine qu’elle a pour en extraire un peu de plaisir, en un mot, le peuple au boulot, elle n’a manifestement que peu d’intérêt aux yeux de nos élites.
Que fait-on pour ces gens-là, qui ont si peu d’intérêt que cela ne vaut pas la peine d’en parler ?
Rien ! C’est écrit noir sur blanc. On ne fait strictement rien !
Voilà pourquoi seul l’État qui a la capacité de mettre un terme à la guerre de tous contre tous, vu le système économique, ne fait rien pour la multitude.
Enfin rien, n’exagérons pas. Quand même un tout petit quelque chose, juste assez pour que les ouvriers ne retournent pas une main sur la gueule des patrons.
Ce sera un chouia de consensus démocratique, un petit plaisir pour un petit intérêt.
Logique !

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