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Disparition inquiétante à Liège…

Il y a vingt ans, titrait le journal La Meuse, nous quittait la dernière tenancière de la buvette du football de Tilleur, à l’âge respectable de 78 ans. Ce vendredi, les délégués de La Meuse boivent le verre de l’amitié avec les survivants de la famille de la défunte.
Cette commémo d’une disparition a du sens.
À la Maison de la Presse, la profession va lever le coude pour saluer une triste fin. Il y a juste vingt ans, le 23 mars 1998 disparaissait le dernier journal d’opinion à Liège : La Wallonie !
Dorénavant, les nouvelles allaient être malaxées et reconstruites, sous prétexte de neutralité, par la droite propriétaire du journal « La Meuse » seul en piste.
Le journal de la rue de la Régence couvrait l’actualité nationale et surtout régionale.
La fin du millésime marque la révolution d’un pan entier de l’écrit, par le développement prodigieux d’Internet qui coïncide avec la mort de l’imprimerie plomb, créée en Europe par l’imprimeur Gütenberg (1400-1468).
La presse papier ne s’en est pas encore remise. Celle-ci perdure par l’obstination de quelques mécènes et par l’intérêt qu’elle suscite encore chez des financiers qui le sont moins. La reconversion est difficile, on n’ouvre pas un site comme on déplie un journal.
La Wallonie était la propriété de la Fédération des Métallurgistes de Liège, fondé par ce syndicat en 1920.
Le syndicat ouvrier était à l’époque dirigé en sous-main et parfois ouvertement par le parti socialiste, depuis son état-major de la puissante fédération liégeoise. Le journal avait été créé pour s’opposer au journal La Meuse, ouvertement populiste dans l’intention de répandre une opinion très à droite. Ce qu’il est encore.
Le manque de lecteurs pour la vente au numéro dans une petite ville comme Liège et les financements difficiles auront eu la peau d’une presse qui avait au moins le mérite d’élargir les points de vue, et offrir un choix pour une pluralité de l’opinion, dans une démarche démocratique.
Quand on compare les contenus de La Wallonie avec une presse résolument d’avant-garde comme Mediapart, on se demande si le journal La Wallonie n’a pas disparu pour deux raisons. La première est technique. Il aurait fallu anticiper sur la disparition de la presse plomb, sentir que la presse offset n’était possible qu’en grands tirages et se lancer dans la réflexion d’Edwy Plenel, pour refonder La Wallonie version Mediapart.
Ce ratage est imputable à la deuxième cause qui est politique. Le journal La Wallonie a souffert de ne pas être franchement objectif, plombé comme il l’était par les dérives d’un socialisme complètement dénaturé par son ralliement au social-libéralisme dont on perçoit aujourd’hui les limites et en subodore la fin. Joignant à cela le déclin de la Fédération des Métallurgistes par la baisse de l’exploitation du fer dans le bassin liégeois, le cocktail était trop détonant pour ne pas faire un mort de plus dans la presse.
Le socialisme à Liège avec son organisation des chefs quasiment militaire est probablement la plus bête de toutes les Fédérations de ce parti ouvrier. Un de ses défauts : il n’y a plus un seul ouvrier à sa direction, ni même à la FGTB, son surgeon dans les usines.
S’il y avait eu à Liège un Edwy Plenel y trainant ses grolles fin des années quatre-vingts, alors que tout était encore possible pour un virage à 180°, les socialistes et les syndicalistes n’en auraient pas perçu l’intérêt, tant les casés d’office, les nécessaires têtes de liste, les incontournables de la Loge, les recommandés d’Haut-Lieu, avaient bouché toute perspective de changement.

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Pour le reste, on a bien senti à l’époque que cette spécialisation du journal pour le sport régional, surtout le football des petites divisions, n’allait pas entraîner le lecteur à se ruer sur les résultats de Comblain contre Poulseur, les tournois de ping-pong d’Aywaille, même si les fanatiques de ces villages faisaient exploser les ventes du lundi de la gazette, à la librairie du coin. C’était entrer dans le piège à con du journal La Meuse « Toi tu fais les buvettes du foot, moi j’exploite les faits-divers des tribunaux ».
Qu’aurait-il fallu faire ?
Mais prendre exactement l’actualité dont se servait La Meuse et la faire parler autrement. Montrer le divorce entre le justiciable et la justice, faire ressortir par une étude du milieu la fatalité qui conduit au sordide, bref décortiquer cette société, enlever les apparences, faire tomber les masques !
Hélas ! le socialisme à la liégeoise portait lui-même un masque, tandis que les ouvriers de la métallurgie étaient évincés de leur propre syndicat par des intellectuels sans emploi.
Il y eut pourtant une tentative de redressement par René Piron, directeur du journal en 1994, parce que chef du syndicat des Métallos (une autre aberration cette double casquette). Ce dirigeant, certes animé de bonnes intentions, a supprimé des emplois de journalistes de la page sportive, en proposant une nouvelle gazette « Le Matin », mauvaise idée de licencier du personnel dans le seul souci d’économie, nanti d’un seul vague projet et sans personne de qualité pour le mettre en pratique.
Sur la fin, même les métallurgistes syndiqués avaient perdu le goût de lire La Wallonie !
À l’heure où ces lignes sont écrites, la réunion des Anciens et des spécialistes de la presse locale n’a pas encore eu lieu.
On voit d’ici le genre de discours qui seront prononcés et les fines analyses qui y seront faites.
Comme d’habitude des « petites phrases » passeront entre les flots de regrets, aucune évidemment n’abordera franchement les causes profondes de la mort du journal.
Tant que l’hypocrisie règnera à gauche, celle-ci aura toujours du mal à subsister.

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