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Devoirs d’été.

Les gens sont formidables, les parlementaires de droite et les autres aussi ! Je dois leur présenter toutes mes excuses en priant le ciel pour qu’ils me pardonnent et qu’ils les acceptent. Je les ai grossièrement malmenés et proféré toutes sortes d’injures, d’insultes et de comparaisons outrageantes sur leur aspect physique, par ailleurs admirablement proportionné, n’en déplaise à ma méchanceté naturelle, leurs mœurs que j’ai crues douteuses et qui sont exemplaires, enfin leur probité qui est légendaire, trop peut-être ?
Je n’oublierai pas non plus de rougir de honte et de confusion à mes hardiesses sur l’harmonie de leurs visages marqués par l’effort du travail accompli, visages qui approchent celui angélique de Kate Bush, quand elle avait vingt ans, pour ces dames (j’ai dit approche car nulle n’égalera jamais celui de Kate) et celui, ô combien à la fois spirituel et viril d’Errol Flynn dans le Robin des Bois de 1938, à l’âge de vingt-neuf ans, pour les messieurs, y compris Di Rupo à sa sortie de piscine.
Comment voulez-vous qu’un esprit tordu comme le mien puisse concevoir la beauté et l’amour du prochain, alors que c’est depuis la caverne de l’Hydre que je les observais !
En politique, les manières sont un sujet négligé. C’est un tort. Nous voulons une civilisation enchanteresse et nous commençons par nous injurier !
J’avais même pensé faire une ode célébrant Charles Michel ! D’abord je me suis enquis de l’importance de ses travaux, je n’ai rien trouvé. Je me suis rabattu sur son physique afin d’en célébrer la beauté. Je n’ai pas pu ! Crier sur tous les toits « Voilà un bien bel homme ! » était au-dessus de mes forces !
Alors, désespéré, je n’ai imaginé d’autre solution que mon absolue contrition pour mes impardonnables comparaisons offensantes et mon manque d’esthétisme !
L’importance de la courtoisie et de l’affabilité en politique devrait ouvrir le débat de chaque session parlementaire. La stabilité de la société est en jeu !
La beauté n’est pas synonyme d’honnêteté et d’efficacité… oui, mais ça aide !... Chez eux, elle est intérieure. C’est pour cela qu’on ne la voit pas. Ils la cachent par modestie !
La politesse serait une survivance des mœurs passées, ces temps heureux où l’on se voussoyait à tour de bras, ce qui n’empêchait pas de jeter à la rue, la jeune bonne qui s’était faite engrosser par le chef de la maison empressé de s’en débarrasser, mais avec politesse et les égards pour une femme enceinte, naturellement. C’est à ce temps de la bienséance qu’il serait impérieux que nous revinssions.
Les belles manières facilitent les interactions humaines. Les bains publics furent une bonne chose et il est malheureusement vrai que la saleté repoussante d’un travailleur de force après dix heures de travail est un frein naturel assez puissant pour que les gens polis et parfumés refusassent de le saluer par une franche poignée de mains. Afin de conclure avec lui des contrats selon lesquels son salaire horaire pourrait être majoré de dix centimes à condition qu’il employât les subjonctifs de manière plus conséquente dans ses revendications, Bébé Cadum avait en son temps fabriqué des savons contre les mauvaises odeurs.

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Je connais leurs gardes du corps qui oublient intentionnellement les bonnes manières quand un appel téléphonique d’urgence les met en présence d’un monte-en-l’air (comme on disait jadis) pour l’aborder avec des menaces et tout de suite employer un tutoiement d’une rare indélicatesse. À présent, je les comprends. Ils ont l’âme Benalla patriote.
« Trop souvent les défenseurs des castes se croient l’œil infaillible en jaugeant l’inconnu(e) d’après sa vêture, et se permettre une familiarité déplaisante » disais-je dans un excès de méchanceté.
Je dois plaider les circonstances atténuantes de la partie injurieuse et irresponsable de ma personne. Lorsqu’il m’arrive de lire l’Antigone de Sophocle en grec ancien sur un banc place cathédrale et que, jetant un regard au-dessus du livre, je vois le vide sidéral dans le regard d’une jeunesse monstrueusement inculte passer au-dessus de moi, reliée à ses décibels par des fils dans les oreilles, alors qu’au même moment, je sens dans le regard du policier, relié lui à la téléphoniste de sa permanence, dubitatif sur ma mise qui pourrait tout aussi bien être celle d’un SDF resapé par OXFAM, je me sens l’âme de Sante Geronimo Caserio, l’anarchiste italien assassinant Sadi Carnot en 1894.
Oui, j’avoue, je me sens frustré de leur admiration, mon ego trop chatouilleux me monte à la tête comme l’esprit du vin, je me sens redevenir grossier et pis encore, vulgaire, comme en fit Audiard la distinction, un jour.
Eh bien, j’avais tort. Mais comment traduire « ils n’en avaient rien à foutre de moi et je ne suis qu’un con qui se prend la grosse tête » ?
C’est ici que je me tourne vers celui que j’incendiai le plus, Charles Michel, pour le supplier de me souffler une formule du genre « J’aime la jeunesse, ce n’est pas une raison pour qu’elle glande dans les rues, aussi vais-je la mettre au travail le plus vite possible en commençant par lui couper les allocations d’insertion sociale. »
Évidemment ma formule serait moins brutale, moins agressive, moins… enfin tout ce que ce type représentait d’odieux pour moi, une formule qui, sans tomber dans l’infamie, serait pour lui, celle qui consisterait à dire « qu’il foute le camp et qu’on ne le revoie jamais » mais écrite en fin travail de dentelles circonstanciées et appropriées à la sorte de fureur, qui me prenait rien qu’à écrire son nom.
Tout cela est du passé ! Grâce à la saine lecture du livre de Richard Miller sur Jean Gol, je me sens beaucoup mieux et il ne me faudrait pas grand-chose pour crier mon admiration à notre économie de marché, dont il avait prophétisé le triomphe.

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