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Une perte…

Complètement ignoré des abrutis stipendiés pour vanter les mérites du système économique, donc délaissé des foules, Samir Amin vient de mourir. Ici et là, quelques curieux de gauche le connaissent comme une sorte de visionnaire de l’altermondialisme et du néo-marxisme, plutôt que spécialiste des économies du Sud, attendu que lorsqu’on s’appelle Samir et fervent opposant à l’impérialisme occidental, les bien-pensants du PS et les chaisières du MR ne lisent de tels économistes, qu’en se défendant mal de leur préjugé raciste, venu de ce que vulgairement Louis-Ferdinand Céline appelle « leur trognon ».
Pourtant de mère française et de culture idoine, Samir Amin devrait être des nôtres glapirait Richard Miller qui s’étonne que l’on puisse être intelligent et cultivé sans être du MR.
C’est que son parcours douche les enthousiasmes des démocraties bourgeoises. En 1957, il devient militant de la nouvelle gauche, proche des courants maoïstes et tiers-mondistes. Il élabore alors une théorie en opposition frontale au capitalisme moderne, en mettant en avant l’accaparement par les pays du Nord des richesses des pays du Sud sous couvert d’un développement indifférencié.
Ce qui le dissocie de Sartre (c’est une opinion personnelle) est son accessibilité à la lecture pour tous. Et puis Sartre, c’est autre chose aussi dans l’approche de la philosophie et de la fiction romancée. Samir Amin est un économiste avec une touche d’extravagance moyen-orientale et une écriture fluide. C’est tout. Mais c’est beaucoup en même temps.
Il a pris le système à contre-pied, dans une critique de la division internationale du travail qui fait référence.
Il nous met devant une réalité : l’hégémonie des pays riches et développés contre les pays pauvres et sous-développés. Les premiers monopolisent les moyens et les facteurs de production et donnent ainsi des ordres aux seconds, qui ne sont que des exécuteurs.
L’ordre mondial actuel est le résultat du deal et ne profite qu’à quelques rares privilégiés qui s’entendent pour accaparer la plus grande part de créations de richesse, produite dans les pays pauvres, arrivant même jusqu’à rendre précaire la situation des travailleurs des riches démocraties, par contagion de l’identité des tâches. C’est écrit comme je le pense, puisque nos éminences en matière d’économie font défaut et n’ont d’yeux que pour le télégénique François Lenglet. Samir Amin critique la sacro-sainte division du travail bêlée par les économistes du genre de Roland Gilet (1) à la dévotion des partis de pouvoir classiques.

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L’économie actuelle vulgarise le système productif de l’entreprise en parcellisant les tâches les rendant ainsi accessibles à tous sans pratiquement d’apprentissage. À l’échelle mondiale, c’est pareil. Chaque pays, assujetti aux pays riches, produit l’objet au moindre coût de l’exploitation des ressources naturelles, produit par la main-d’œuvre locale au meilleur rendement. Chaque nation se spécialise dans sa production, ce dont profite le système productif global. C’est la théorie du FMI et de ses sous-diacres répartis dans les ministères de Belgique et des démocraties qui justifient la mondialisation.
Si elle abrutit les travailleurs dans les entreprises, elle renforce les inégalités et les différences entre les pays. C’est avec raison que Samir Amin voit dans la spécialisation généralisée la dépendance, la hiérarchie et renforce les inégalités entre les pays riches et les pays pauvres.
La mondialisation n’offre rien à personne, sauf à une minorité. Elle condamne à la paupérisation les sociétés paysannes,
Samir Amin prône un développement marxiste pour remplacer d’urgence le système libéral devenu obsolète, un des grands dangers actuels de l’humanité ! Je le crois aussi. Son idée de mettre la croissance dans les améliorations sociales et écologiques pour des progrès de tous les citoyens, avec en priorité les plus démunis, est ce qu’il faut faire et vite.
Samir Amin critique l’économie pure orthodoxe. Il offre un vade-mecum complet de l’art de remplacer le pourri par l’utile. Marx était le grand théoricien. Sartre serait l’intellectuel se dispersant dans la formule. Samir Amin a été capable de tout théoriser, tout schématiser et tout expliquer. Son œuvre, opposée à la vision économiste des sociétés dites « libérales », dénonce des dirigeants à la Viktor Orban, à la Trump, à la Netanyahou et aussi à la Macron, Michel et tutti quanti.
L’économie actuelle conduit à l’ultralibéralisme, un moyen de légitimer et de justifier les choix sociaux et la hiérarchie des nations, sous un précepte scientifique fort discutable, bref une dictature de l’économie qui ne veut pas dire son nom. Le gouvernement belge est partie prenante dans ce deal. il n’en tempère pas le cours, il l’accélère !
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1. Roland Gillet, professeur à l'ULB (Solvay) et à la Sorbonne (Paris 1), membre actif de la cellule stratégique de Charles Michel.

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