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Maréchal, le voilà !

La Belgique a commémoré avec Macron la fin de la guerre de 14-18, à Paris. Charles Michel s’y est délégué lui-même (voir la chronique du 17 nov. 18, Richard3.com).
Il ne fut question dans les discours que du « génie » des généraux, outre le « plus jamais ça » et quelques mots pour rappeler les millions de morts.
Il s’en fallut de peu que le président français n’y associât l’ex maréchal Pétain, déchu de ses titres pour crime de guerre et collaboration avec l’ennemi entre 1940 et 1944, cela ne se serait pas bien passé. Restait l’ineffable Zemmour venu vendre son livre « Destin français » sur les chaînes télé et s’empressant de vanter les mérites collaborationnistes de Pétain. De ce collaborateur des nazis, il est aujourd'hui démontré qu’en 1916, ce « grand économe du sang des soldats » a conduit à autant de pertes en vies humaines dans le secteur du chemin des Dames que le général Nivelles, qui seul conservera te titre de massacreur.
Emmanuel Macron a voulu dans son itinérance, rendre hommage au maréchal Pétain, sous prétexte que le dirigeant de Vichy avait été "pendant la Première guerre mondiale un grand soldat", même s'il a "conduit des choix funestes" à partir de 1940. L’opinion l’en a empêché.
Qu’on arrête un peu les conneries avec les généraux et surtout Pétain frappé d’indignité nationale. Si on l’avait fusillé en 45, Macron n’aurait pas osé en parler en 2018.
Le centenaire aurait dû être un hommage exclusif en clap de fin, aux millions de morts, dont certains sont encore dépourvus de sépulture et qu’on découvre tous les jours en morceaux confondus à la glaise des champs !
On a volé l’histoire du peuple français associé au nôtre, en vertu d’une version falsifiée et mensongère de la société bourgeoise libérale.
La guerre de 14-18 est la suite meurtrière de la lutte entre ceux d’en haut et ceux d’en bas qui remonte à la Révolution de 1789.
Jaurès l’avait prédit. 1914 a été le début d’une liquidation de la population ouvrière qui ne s’en laissait plus conter et qui allait sans coup férir remettre le couvert de 89.
Cette liquidation des futurs grévistes pour un État social coïncidait avec les intentions des puissances mondiales qui voulaient aussi cette guerre pour les richesses des futures colonies.
L’élite d’avant 14, héritière des fabriques et des charbonnages, craignait les masses populaires et le spectre d’une révolution. L’Europe devait sortir de la guerre purgée de ses syndicalistes, et agrandie de ses nouveaux territoires. L’appât, l’Alsace et la Lorraine perdues à la guerre de 70, hantait les élites, l’armée française et jusqu’aux chansonniers.

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Le public considère la guerre comme un conflit entre des entités « verticales » : un pays contre un autre, « nos » soldats contre les « leurs », un choc de civilisation d’idées, les bonnes contre les mauvaises ! C’est plus complexe. À force d’observations, des intérêts financiers émergent, illustrés par des enrichissements d’opportunistes. C’était d’autant le cas que 14-18 fut une guerre mondiale.
Cette guerre fut une explication tragique entre les classes sociales, la classe supérieure contre la classe inférieure des travailleurs.
Au 19e siècle, la classe supérieure traditionnelle était encore composée de la noblesse et des grands propriétaires terriens, de banquiers, d’industriels, de négociants et des professions libérales… En dessous, il y avait les « petites gens », paysans, ouvriers, employés, artisans, et la petite bourgeoisie.
Dans le conflit initial (1789), la bourgeoisie et le peuple ont été révolutionnaires et la noblesse a été contre-révolutionnaire. En 1848, il s’est produit un renversement, la bourgeoisie n’eut plus le contrôle de la révolution. En 1848, le peuple a réclamé pour lui-même ce pouvoir et avec lui l’égalité sociale. C’était trop pour la bourgeoisie qui changea de camp.
Elle s’est mise à craindre les bouleversements révolutionnaires, que la Commune de Paris, en 1871, concrétisa quand le peuple de Paris prit brièvement le pouvoir.
Entre 1871 et 1914, les paysans désertèrent en masse les campagnes pour se louer à l’industrie en ville. Ils devinrent des ouvriers d’usine, tandis que les paysans qui étaient restés, s’accrochèrent sur les terres, en se ralliant au conservatisme chrétien.
En 1913, le mouvement ouvrier allait embrasser le socialisme révolutionnaire. L’opportunité d’une guerre fut étudiée par les élites. Les ambitions de Guillaume II en Allemagne servirent cette élite. La Première Guerre mondiale éliminerait les révolutionnaires. On commença par assassiner Jaurès.
Le capitalisme connaissait un important développement. Il s’agissait de s’assurer toute sorte d’avantages, les monopoles de certains marchés et le vol légal des matières premières à bas prix dans les colonies. La guerre, quelle merveilleuse opportunité c’était !
Certes, la guerre fut aussi celle du nationalisme. Le nationalisme avait engagé les gens dans une impasse, envoyant le peuple à un épouvantable massacre. Aussi les classes laborieuses en tirèrent des conclusions. L’internationalisme revint en force à la Révolution de 17, qui ne fut pas qu’un phénomène russe, mais international. En Allemagne eurent lieu des soulèvements d’inspiration socialiste. La Grande-Bretagne vit des grèves massives et même une mutinerie de la Royal Navy. On ne peut donc pas dire qu’en 1914, le nationalisme triomphait de l’internationalisme et que l’affaire était réglée.
La lutte des classes se poursuit actuellement.

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