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L’ahimsa contre flash-ball ?

OK, c’est entendu, l’université ne prépare pas que des cadres porte-flingue du capitalisme international. Les pépites sont noyées dans la gangue. Il faut apprendre à les extraire, pour les apprécier. C’est le cas de Manuel Cervera-Marzal : « La désobéissance civile est une histoire aussi vieille que l’humanité elle-même ! » https://lemde.fr/2GgfugT.
Ce qui ne gâte rien, ce sociologue est chercheur à L’université de Liège. Comme quoi l’Alma Mater peut nous étonner agréablement et nous pondre à côté, Didier Reynders, avocat comme il en pleut dans les partis, outrageusement libéral, pré cessionnaire professionnel de la pensée plus légère que l’eau, ce qui le maintient en surface.
D’Adam à Thoreau, de Gandhi à Martin Luther King, en passant par les mouvements contestataires actuels, le sociologue Manuel Cervera-Marzal revient sur les désobéissances d’hier et d’aujourd’hui.
L’économie mondialisée nous prépare un univers concentrationnaire où s’entasseront les producteurs, afin de laisser ce qu’il reste d’espace et de liberté, à ce qu’il convient déjà d’appeler une nouvelle espèce d’humains, à peine contrariée par cet état de fait. Ce sont les promoteurs, les décideurs, les pouvoirs en démocratie, qui conduisent « l’homme rentable » vers les abattoirs de l’efficacité.
Les esprits éclairés s’effraient évidemment de ce qui se prépare, presque à moitié réalisé dans les usines, et ouvert en chantier par les élites libérales, momentanément à l’arrêt en Belgique pour cause de panne du pouvoir.
Le sociologue évoque ici l’urgence écologique, afin de couper les ailes à ceux qui ne voient pas le monde où il va. Cette urgence mobilise un nombre croissant de militants adeptes de la désobéissance civile non violente, tel le mouvement britannique Extinction Rebellion.
La nouveauté de cette opposition au pouvoir tient dans le fait qu’elle est individualisée. On peut rompre avec la société en faisant un choix de vie qui prend le contre-pied de la société de consommation. Mine de rien, ce choix pourrait avoir des conséquences redoutables sur la manière de produire et de consommer, au point que s’il était suivi par seulement vingt pour cent de la population, l’économie productiviste serait mise à mal et il conviendrait d’en changer rapidement.
La désobéissance, à un ordre estimé imbécile ou contraire au propre intérêt de celui à qui il est destiné, est très ancienne. Elle date certainement des premiers clans d’humains vivant quasiment démunis de tout dans les cavernes et obligés de coordonner les moyens de défense du clan pour survivre.
Adam, selon des fariboles dites divines, écrites par de gros malins profiteurs, désobéit aux prescriptions de leur création, à savoir le Créateur ! Le Théâtre antique représente Antigone qui résiste à Créon. Plus près de nous, Thomas d’Aquin affirme nécessaire de désobéir aux lois terrestres afin de se conformer aux lois célestes. S’affranchir de la pesanteur des lois terrestres au nom d’une foutaise, quand bien même serait-elle céleste, c’est déjà désobéir au caporalisme sociétal.

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L’Américain Henry David Thoreau (1817-1862) invente ou est un des premiers à utiliser l’expression « désobéissance civile ». Les parents de Thoreau étaient des militants anti-esclavagistes. Il va pousser cette logique jusqu’au bout : vivant dans un Etat esclavagiste, le Massachusetts, il considère que, en payant ses impôts à cet Etat, il contribue à une politique dont il se rend complice. Pendant six ans, il va donc cesser de payer ses impôts, jusqu’à être envoyé en prison. Ceux qui ne paient pas leurs impôts en Belgique seraient bien surpris d’apprendre qu’ils font de la désobéissance civile, pour ne pas être complice des malfaisants qui nous gouvernent. Il est cependant recommandé pour leur défense, de ne pas employer cet argument face à des juges très en symbiose du système économique.
Quelques années plus tard, en 1849, il écrit un petit livre dans lequel il avance quelques idées centrales : en cas de conflit entre ce que me dit ma conscience et ce que me dit la loi, je dois obéir à ma conscience ; sous un gouvernement injuste, la place d’un homme juste est en prison ; etc. Publié à compte d’auteur sous le titre Résistance au gouvernement civil, cet opuscule connaîtra un succès certain, et influencera Gandhi et Martin Luther King.
Comme on le voit, le « système Thoreau » a inspiré de grands contestataires.
L’activisme du mahatma est différent de ce que préconisait l’américain réfractaire : il doit être collectif, si possible massif. Il se fondera sur l’ahimsa (non-violence). La démarche de Gandhi aboutira en 1930 à la célèbre « marche du sel », qui mènera, en 1947, à l’indépendance de l’Inde.

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