« En guerre ! | Accueil | Comme en 14 ! »

Panique acheteuse

De la pyramide de Maslow, en passant par « La psychologie des foules » de Le Bon, « La psychologie des masses » de Freud, Gabriel Tarde, etc. une importante littérature tenant à la philosophie et à la politique s’est développée autour des phénomènes de masses.
C’est dire si les têtes de gondole étaient prévenues de ce qui se passerait à la suite des déclarations de fermeture obligatoire des lieux de rassemblement, déclenchant les mesures de prophylaxie à propos de la lutte contre le coronavirus COVID-19.
Mais voir des consommateurs affolés se cracher dessus littéralement (pardon, Ignace-Philippe Semmelweis, 1818-1865) à propos des derniers rouleaux de papier WC, au Colruyt, c’est de l’inédit.
Non pas que les gens soient plus bêtes de nos jours, au contraire. Selon Emmanuel Todd, l’ascenseur social en panne a permis la conservation d’une génération ayant fait des études, dans les rangs du prolétariat, renforçant l’esprit critique en bas, tandis que la fine fleur des élites avait plutôt tendance à s’embrumer le bocal, en haut.
Un facteur essentiel a sans doute influencé les furieux se ruant sur les papiers de toilette : la perte de responsabilité de l’individu dans une démocratie confisquée, abandonnant des repères avec le sentiment de n’être compris en rien.
Les foules ne sont pas influençables par des raisonnements. Elles ne comprennent que des associations d’idées simples. À peine plus élaborées qu’un maître dictant à son chien les quelques ordres d’obéissance. Ce n’est pas parce que le niveau intellectuel général est bas, mais parce qu’une foule constitue une masse irrésistible qui ne répond qu’à des injonctions « Pendons-les, À bas l’étranger, Tous vendus, etc ». Il est impossible de remonter une foule qui sort par les portiques d’un match de foot. Eussiez-vous oublié votre enfant à la tribune, vous n’aurez la possibilité d’aller à sa recherche que lorsque la foule sera disséminée. Il est même possible que parmi les hystériques s’arrachant les précieux papiers, il y ait eu des clients du magasin qui, au départ, n’étaient pas là pour acheter ces rouleaux WC. L’effet de foule en a fait une denrée rare, exceptionnelle, d’où la ruée. L’entraînement des hésitants, qui se sont décidés en cours de route, fit le reste !

1akeste1po.jpg

Tous les politiciens le savent. Les sentiments impressionnent les foules, jamais la raison. Les libéraux qui auraient bien de la peine à justifier l’égoïsme dans l’expression libérale depuis Adam Smith, affirment leur supériorité sur les autres systèmes, en clamant leurs évidentes qualités, sans préciser lesquelles, leur attachement à la liberté, leur aspiration à l’ordre, sans jamais expliquer pourquoi ! Parce qu’ils ne le peuvent pas. Même pour l’ordre public, qu’ils se vantent tant de faire respecter. Ils l’imposent par leur police pour masquer le désordre que suscitent leurs initiatives antisociales.
Pour avoir l’oreille des foules, il faut connaître les sentiments dont-elles sont animées, feindre de les partager, puis tenter de les modifier, en provoquant au moyen d’associations rudimentaires, certaines images suggestives.
Du soviétique le couteau entre les dents, on est passé à l’immigrant dont le seul but est de prendre notre argent, de violer nos femmes et de nous imposer la charria. Images extrêmes que l’orateur talentueux aura tout loisir d’introduire dans un discours en les nuançant selon l’impression qu’il se fait du monde devant lui.
Il n’en reste pas moins que la panique est l’impression qui se partage le mieux. En Irlande, un client d’un grand magasin a dû être maîtrisé au laser par des policiers, tant il était devenu agressif devant la pénurie de papier hygiénique.
Cette frénésie d'achats n'a rien à voir avec la maladie. Elle relève de l'hystérie induite par l'incertitude.
Personne ne veut manquer d’aliments de base. Tout ça, est normal. Mais de nombreuses personnes se comportent comme si elles voulaient être les seules à avoir les denrées alimentaires, qui vont manquer bientôt dans les rayons, croient-elles.
Quant aux survivalistes qui voient venir la fin du monde, leur comportement est d’autant plus absurde que, dans l’au-delà, la centaine de rouleaux de papiers-cul accumulés dans leurs placards ne serviront à rien.
Il est souhaitable de réagir individuellement contre les instincts de la foule et considérer la survie des autres aussi importante que la nôtre, cela implique la maîtrise de son instinct, en sachant qu’il a souvent tort.

Commentaires

Pendons les. A bas les étrangers! C'est presque les mêmes termes qu'utisaient les anarchistes français au début du xxème siècle. D'après les souvenirs de mon grand père c'était '"Tuez les. A mort les Italiens". Et ce n'était pas une foule!

L'irrationalité de la foule n'a
à voir avec l'hystérie individuelle que dans l'entraînement de celle-ci vers des adhésions non-pensées et fugaces, une colère feu de paille, si vous voulez, qui parfois s'éteint avec la pluie ! Il n'en demeure pas moins que des colères peuvent être légitimes et que parfois, elles débouchent sur des pogroms ou des révolutions inévitables et même nécessaires.

Poster un commentaire