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Allô Maman bobo !

Ce qui se passe en Belgique est inouï. Cela dépasse l’imagination de l’écrivain de science fiction. Après des élections consacrant plus ou moins les mêmes partis qu’à la législature précédente, il est devenu impossible à ceux-ci de monter un gouvernement fédéral sur un programme de majorité parlementaire !
En fait, la question d’aujourd’hui pose le rôle de la démocratie dans la construction du contrat social. Pourquoi le peuple ne peut-il être entendu, même s’il paraît n’être pas d’accord entre Nord et Sud sur un programme ? N’y a-t-il pas deux Régions capables d’aller dans le sens de ses deux populations, sans n’en heurter aucune ?
Ce que le législateur n’avait pas prévu est en train d’arriver. Ce qui a été construit dans le but louable de ne pas faire éclater la Belgique en confédérations, se retourne contre lui. L’usine à gaz fédérale est devenue tellement complexe, qu’il n’existe plus aucun ingénieur capable de la comprendre et de la faire marcher.
Une incapacité de s’entendre est prévue dans la Constitution, on rebat les cartes par une nouvelle élection. C’est justement cela que redoutent les partis. Il se pourrait que l’électeur fatigué des palabres bantoues aggrave la situation en votant pour des partis que l’on écarte systématiquement de toutes les négociations, le PTB pour la Wallonie et le Vlaams Belang pour la Flandre.
La stabilité politique de ceux qu’effraye tout changement, se fait au prix de l’instabilité sociale. L’impossibilité d’une entente avec les partis actuels tient dans une instabilité sociale inédite. La Wallonie avec le PTB veut un changement radical du rapport entre le capital et le travail. Les profits de quelques-uns dégagés de leur fin iraient au social et au bien-être des plus pauvres. Le Vlaams Belang veut recréer une nation flamande pure, indépendante ou dominante de l’État belge. La prospérité relative de la Flandre par rapport au reste du pays l’autorise à laisser pour secondaire le rapport entre riches et pauvres. Il en va toujours ainsi des populations détournées de leurs revendications essentielles par des injonctions à la reconnaissance de la Nation, comme on l’a vu en Allemagne à propos du nazisme.

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Les partis capotant sur l’Arizona auront beau se refaire le moral en pensant, avec Georges-Louis Bouchez, que ce n’est pas la rue qui gouverne, la politique n’a-t-elle pas été inventée pour se substituer à la violence ? Pour diriger un pays comme la Belgique, il faut trouver des compromis. Ces compromis ne sont insurmontables que parce que les propositions de chacune des parties se trouvent opposées sur la politique d’austérité. Les libéraux l’exigent avec la N-VA et l’aile droite du CD&V. Les autres n’en veulent plus
Jusqu’à présent la Belgique avait été administrée pour et avec la bourgeoisie libérale, dans le cadre du néolibéralisme, avec un zest d’amour absolu pour le système américain.
La crise du capitalisme fait vaciller toutes les institutions. En présentant la mondialisation comme « naturelle » et non comme une construction d’intérêts privés discutables, l’Europe a vidé le débat public de son sens. Le MR et l’Open VLD s’en prévalent. Tout est là.
Le coup de grâce ne vient pas d’hier, c’est celui du gouvernement Di Rupo qui avait toutes les cartes en main pour anticiper et éviter l’impasse actuelle et qui a choisi le programme d’austérité, c’est-à-dire ne pas sortir des clous de la société bourgeoise.
Il n’est même pas dit que la société flamande se serait refermée comme elle le fait à présent sur le nationalisme, gonflée de la fausse perception d’une Flandre qui paie pour une Wallonie à la traîne.
La démocratie ne date pas d’hier. Clisthène (né vers 568 av. JC) en avait jeté les premières bases pour parer à la violence. Il avait imaginé que des citoyens donnent leur avis et qu’il en soit tenu compte. Et bien, si la situation reste la même, qu’on tranche par référendum le fond du problème : l’usine à gaz, montée par des inconscients, doit-elle être reconstruite ou plus simplement abandonnée ?
Le recours au suffrage universel devrait permettre de trancher les conflits. Le rapport de forces idéologique et les luttes populaires peuvent se résoudre dans les institutions, sous peine de les voir surgir sous d’autres formes. Très logiquement, face au blocage des institutions alors que se creusent les inégalités économiques et sociales, des formes de violence se développeront, en partie à cause de la longueur de l’intérim de Sophie Wilmès.
Ceux qui restent dans la fatalité d’une Belgique baroque devraient au moins prévoir une loi sur la longueur des pourparlers après tout scrutin pour la formation d’un gouvernement. Trois mois devraient être suffisants. Passé ce délai, l’élection serait annulée et une autre mise sur pied endéans les six mois. Ce qui, trois mois plus six font neuf, permettrait un nouvel accouchement.

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