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Vooruit, la dernière fistule.

Les gens ne se retrouvent plus dans les partis. Ceux-ci prennent un malin plaisir à cacher ce qu’ils sont ou ce qu’ils ne sont plus, espérant faire douter l’électeur peu informé.
Juste après la dernière guerre, il y avait un parti chrétien, un parti libéral, un parti socialiste et un parti communiste. C’était l’affrontement entre capitaliste et socialiste, deux contre deux.
L’économie libérale ayant bouffé tout ce petit monde, à l’exception des communistes (ils vont presque disparaître sous les coups de la guerre froide et la publicité proaméricaine), une sorte de melting-pot mélangea les nuances donnant une couleur unique. Le parti chrétien devint CDH (Centre démocrate humaniste), camouflant sous le mot « Centre » la première lettre du mot « chrétien ». Le PRL, parti réformateur libéral, se défit de son qualificatif « libéral » se rattachant trop au capitalisme. Il devint le MR (Mouvement Réformateur).
Résistaient les deux partis socialistes le SP.A et le PS.
En 1980, se formait le parti Écolo « Écologistes confédérés pour l'organisation de luttes originales ». Il y a de fortes chances pour que les dirigeants ne soient pas tentés de changer le titre, attendu que l’on peut être écologiste en étant capitaliste ou socialiste, même s’il existe une antinomie entre se faire du fric en saccageant tout et cotiser pour une asbl dont le but est la préservation des grands singes en voie de disparition.
Si les deux partis socialistes gardaient « socialiste » dans leur désignation, c’était à cause d’un concurrent, issu de la foule d’électeurs mécontents, le PTB, créé en 1970 par des étudiants de la KU Leuven AMADA, devenu en 1979, un an avant les écolos, le PTB (parti du travail de Belgique), côté francophone et PVDA, Partij van de arbeid, côté flamand.
Voilà qui changeait tout, car en se définissant parti des travailleurs, le PTB s’inscrivait dans un socialisme révolutionnaire. Il fallait à tout prix que les deux partis « socialistes » conservassent le mot, même en étant fortement éloignés, afin d’entretenir le doute sur leur capacité de servir les intérêts de la classe ouvrière.

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Le premier à lâcher la rampe et abandonner le mot est le pendant flamand du parti d’Élio di Rupo. Conner Rousseau, malgré un nom prédestiné, a cassé les codes, et est entré dans le camp des camouflés. Le parti socialiste flamand de « Sp.a » devient « Vooruit » (En avant).
Socialiste modéré est une étiquette encore trop à gauche pour conserver des voix en Flandre. Vooruit, est comme un ordre militaire : sortir de la tranchée sociale et conquérir les cœurs flamingants et bourgeois… En avant !...
La greffe va-t-elle prendre ? Pour répondre à cette question, il faut en poser une autre : dans quelle mesure cette nouvelle étiquette, inventée par Conner Rousseau, est-elle annonciatrice de renouveau ? (Daardaar magazine)
J’y vois plutôt une sorte de renoncement définitif à défendre la catégorie sociale la plus exposée et la plus pauvre, celle du travail, pour se lancer dans la défense des intérêts de la classe moyenne inférieure, celle des petits boutiquiers et des employés encore dans l’illusion de rejoindre un jour le club de golf de Knokke-le-Zoute, en qualité de membre d’honneur.
Evidemment, après la déculottée de 2019, le Sp.a avait intérêt à faire le caméléon et pourquoi pas Vooruit, ça fait tendance, c’est chic à porter, la honte de paraître socialiste disparaît. Ce nom fait penser au mouvement « En marche » de l’employé de la banque Rothschild, Emmanuel Macron, devenu par ses appuis, Président de la République.
Conner Rousseau accommode à la flamande la tambouille dans laquelle il touille, par des mots. J’en traduis quelques-uns. On dirait du Bouchez « combattre la sclérose du monde politique et de rassembler la population autour d’un projet d’avenir positif, ambitieux et porteur d’espoir ».
Être centriste devient difficile. Coincée entre le flamingantisme en Flandre et le socialisme renouvelé du PTB, la galette à croquer au centre se rétrécit tous les jours. Conner souscrit à l’idée qu’un nouvel arrivant « réticent à apprendre le flamand n’a qu’à retourner dans son pays d’origine ». C’est un beau début. Il promet. On dirait du Vlaams Belang !
Et le PS de Magnette ? Centriste affirmé par ses dirigeants les plus connus, le PS pourrait s’appeler demain BCL (Boutique du Clou à la Locomotive), le centre figurerait « boutique » et « Clou et Locomotive » conserveraient l’idée du travail et de l’industrie. Mais, talonné par le PTB, le PS ratisse encore du côté des syndicats, de la mutuelle et des redevables des cellules du parti, casés dans les Communes, avec l’énergie du désespoir. Il hésite…
Jusques à quand ? En entrant dans la combine d’un gouvernement de cette législature pour y torcher le derrière du néolibéralisme, Magnette salirait une dernière fois le socialisme.
Un régime démocratique ne peut se passer des partis, pourtant, comme ils évoluent, c’est inquiétant. D’assemblées vivantes, ils se sont transformés en oligarchies aux rares assemblées publiques se réduisant à des raouts publicitaires et plébiscitaires. Pendant ce temps, l’agora numérique, est un forum vivant. La “particratie à la belge” semble ne pas trouver d’issue, seul, le PTB semble se différencier du lot. Un seul parti, est-ce suffisant ?

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