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On se dit tout…

La sensation d’être dans une sorte de guerre dans un pays occupé par un ennemi sans pitié hante certains esprits, y compris le mien. C’est à peu près comme en 40, sauf que le gouvernement du pays vaincu est toujours en place et poursuit la gestion des affaires du pays, tout en tenant compte de l’armée occupante qui fait sa guerre à l’aveugle, s’acharnant lâche qu’elle est, dans les maisons de retraite et dans les hôpitaux où elle achève ses victimes.
Bruxelles, c’est un peu Vichy et Alexander De Croo, le maréchal Pétain.
Mine de rien, la démocratie s’est fait la malle dans la panique succédant à l’envahisseur. Le gouvernement est toujours là, mais il est devenu opaque. Il prend des mesures qui jusqu’à présent sont acceptées, mais qui n’ont plus rien à voir avec une controverse d’opposants battus légitimement par la loi du nombre. La fermeture des commerces, coiffeurs, restaurants, cafés, salles de sport, théâtres et arts de la scène, ordonnée par les pouvoirs publics, cela ne s’était jamais vu.
Le plus grave, c’est que toutes ces décisions ont été prises sans discussion ni débat avec l’opposition. On aura beau dire qu’il y a urgence. On ne m’enlèvera pas l’idée que ces décisions unilatérales, sont d’ordre dictatorial, ce qui met la démocratie entre parenthèse. Et ce n’est pas rien !
Avant, d’être stylite, je voyais des gens, serrais des mains, parlais à visage découvert à des amis et des amies. Je ne sais aujourd’hui ce qu’ils et elles sont devenu(e)s, réduit(e)s sans doute comme moi à penser la même chose et à éprouver les mêmes regrets.
Quoiqu’abandonné bien avant l’épidémie par manque de participants depuis trois ou quatre ans, le café-philo me manque beaucoup. C’était une soirée hebdomadaire dans une salle de réunion au-dessus d’un café. On y discutait bien sûr de la démocratie, énumérant toutes les illusions perdues du suffrage universel, faussé par le pouvoir de l’argent. Comment instiller chez l’électeur une autre perception que celle du libéralisme, quand tous les pouvoirs et les moyens de propagande sont dans les mains d’une bourgeoisie férocement libérale, focalisée sur la propriété, la productivité et le culte du winner ?
Oui, c’était notre dada que nous enfourchions avec une sorte de délectation. Ce qui ne nous empêchait pas d’élection en élection, de refaire les mêmes erreurs et de retomber dans les mêmes impasses.

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Outre le café-philo, j’avais pour le théâtre une inclination qui me conduisait aussi une fois la semaine, dans un lieu tout à fait charmant et insolite.
Nous y jouions des scènes improvisées sur l’air du temps, dans la plus parfaite fantaisie avec cette liberté incomparable de l’interprétation personnelle.
Chacun puisait dans son fonds de commerce, ce qu’il pouvait. Cela donnait un patchwork d’une humanité combien fraternelle.
Comme de bien entendu, j’étais secrètement amoureux de l’animatrice de ces réunions. J’étais complètement bouleversé quand nos mains se touchaient, parfaitement innocemment, conscient du fossé infranchissable. Je n’en étais pas moins troublé et malgré tout enchanté du charme d’une présence aimée et respectée.
J’étais persuadé de l’absolue nécessité qu’à notre espèce de vivre dans le social, le contact, la rencontre, d’aimer, de rire, de souffrir parfois, mais ensemble et de vivre dans l’environnement de nos multiples nous-mêmes que sont nos semblables.
Enfin, c’était avant la guerre contre la Covid, tout cela.
Je sens bien que ce malheur, même s’il est vaincu un jour, soit par le vaccin, soit disparaissant par une mutation qui lui serait fatale, ce qui par le passé est arrivé à la grippe espagnole, nous ne nous relèverons pas facilement, même victorieux, de cette sale guerre.
Outre les morts tombés sur le champ de bataille, nous déplorerons les gueules-cassées, les faillites, suicides, dépressions, accès de mélancolie.
Nous clôturerons le bilan d’un temps disparu, notre « belle-époque », tout en nous mentant à nous-mêmes, parce qu’elle n’était pas si belle que cela.
Nous nous résignerons à suivre la pente fatale du système libéral qui comme la Covid, mais à plus longue échéance, nous achèvera dans un consumérisme impossible.

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