« L’Europe américaine ! | Accueil | Et beatus Cornuto »

Dans ce pays tellement libéral…

J’ai toujours été frappé par l’incroyable imprudence qu’on parfois les politiciens à se lancer dans des caramboles qui pourraient mal finir.
Pour percer dans des partis comme le PS ou le MR, il faut être incontestablement intelligent, avoir du jugement, saisir le bon ascenseur, s’inscrire à la Loge maçonnique d’usage, avec de bons parrains bien introduits, connaître au moins les rudiments de la philosophie qui fait le parti, côté socialiste insister sur la fraternité, l’aube nouvelle des camarades, broder sur des thèmes rassembleurs, pour le MR, c’est pareil, mettre l’accent sur l’effort individuel, exalter le travail qui mène à la réussite, respecter le sentiment de propriété et la bourgeoisie incarnée par ceux qui ont travaillé dur et qui se trouvent justement récompensé.
Jean-Claude Marcourt et Daniel Bacquelaine sont formidablement doués pour cela. La quantité d’électeurs piégés par leur comportement et les discours qu’ils tiennent, est la preuve de leur immense talent. Même bredouillant et hors sujet, on les admire. Ce sont des cadors.
Sur ce parcours idéal, ils font toujours leur miel. Ils ont tout eu et possèdent encore des emplois lucratifs enviables dans le circuit du show démocratique. Ils vivent dans un milieu agréable et ne côtoient que des gens qui ont, à des titres divers, mis du blé suffisamment de côté pour couler des jours heureux, dussent-ils vivre deux cents ans.
Ils sont bien habillés, ont des petites mains blanches qu’on dirait de pianiste, parce qu’ils n’ont vraiment jamais rien fichu de leurs dix doigts depuis des lustres. Ils se parfument discrètement et portent des fil-à-fil qu’on dirait de chez Arnys, même s’ils se font saper avenue Louise. Ils ont des grosses bagnoles aux frais de l’État et des chauffeurs à disposition. Leurs maisons privées et de campagne sont confortables et leur mobilier ne vient pas de chez IKEA. Leurs compagnes sont de la bonne bourgeoisie, même si dans l’un ou l’autre cas, une de leurs aïeules étaient marchandes de poires cuites. Elles pourraient prétendre à des emplois de dactylo, elles seront directrices ou hautes déléguées dans quelque chose, sans y être vraiment, qu’au passage, entre le coiffeur et le chocolatier.
Tout devrait concourir à leur bonheur tranquille, leur haut du pavé garanti, leur plaque en cuivre à leur nom sur des portes ou des façades.
Eh bien non ! désœuvrés pour des conquérants comme eux, quand on a dix emplois à plein temps et qu’on s’ennuie au golf du Sart-Tilman, ils acquièrent le complexe de Sisyphe. Leur magot n’est jamais assez lourd, assez volumineux, c’est pour cela qu’ils roulent en bas de la pente avec leur or et remontent sans cesse. Plus riches, ils auraient plus de sherpas, monteraient dans une chaise à porteur à surveiller le travail des porteurs. Ils n’impressionnent pas l’univers. Ils ne touchent pas aux étoiles. Les ploucs qu’ils écrasent, c'est un menu fretin où s’impatiente leur génie. Il leur manque au moins dix fois ce qu’ils ont, pour s’avouer repus.

1amar5.jpg

Ils ont l’un et l’autre un point commun, outre celui d’être farouchement pour un système libéral qui leur va comme un gant.
Ils ont compris que dans cette démocratie d’illusion, l’argent est le seul et vrai critère d’évaluation de tout. Tout s’achète et tout se vend. Un type à intelligence égale qui est manutentionnaire quelque part dans une boîte bien capitaliste et exploitante, sera toujours leur inférieur en tout, savoir, mérites, honneurs et passe-droit par notoriété avérée. Eux auront toujours les meilleurs places, seront les plus écoutés, iront serrer la main du roi, bâfreront au champagne dans tous les banquets, tandis que l’autre passera dans la vie comme un pet sur une toile cirée. Eux auront peut-être une plaque commémorative l’un à Liège, l’autre à Chaudfontaine à l’endroit où ils sont nés ou auront vécu, un beau monument au cimetière de leur paroisse, peut-être avec un buste en marbre et une plaque en-dessous, ex-voto de remerciement payée par tous les gogos qu’ils ont abusé. Le manutentionnaire sera incinéré et pulvérisé sur la pelouse du tout-venant et si, par malchance, le vent est contraire, la poussière d’être finira à l’autre bout du complexe autour des poubelles de roses fanées et de rubans défraîchis des couronnes.
Nos deux types se foutent du sort des minables. Il leur semble que la martingale Nethys est imparable.
Et plus on aligne les zéros derrière le chiffre 1, plus on peut prétendre à tout ça. Bill Gates n’a-t-il pas été reçu par le roi Philippe comme un chef d’État ?
Alors la simple addition des mandats rémunérés ne suffit plus. Pour monter plus haut, il faut de l’audace. Leur cupidité y pourvoira.
Et c’est ainsi que dans ce pays bien libéral, profondément propriétaire et en vénération du dollar, tellement généreux pour les riches et profondément mesquin pour les pauvres, on devient voleur ou assassin !

Poster un commentaire