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Encore lui !

On pourrait trouver mille manières de détester Robespierre, celle qui est pratiquée au MR correspond à l’idée bien ancrée des libéraux qu’il faut conserver la mémoire des « monstres » pour impressionner l’imaginaire des foules afin de les prémunir de la tentation de jeter le libéralisme aux enfers de l’Histoire.
Or, Robespierre n’a été qualifié de « monstre » que par le même courant de pensée qui en perpétue encore aujourd’hui la mémoire négative. Le 27 juillet 1794 (le 9 Thermidor du calendrier républicain) disparaissait celui qui allait devenir le parfait repoussoir de la bourgeoisie de la fin du XVIIIme siècle à nos jours.
Plongé dans le bain du néolibéralisme à l’européenne, dépossédé d’un pouvoir réel en tant qu’électeur, la population n’est pas éloignée d’un remake d’Ancien Régime dans lequel le Tiers État comptait pour du beurre ; à la différence que le Haut Lieu s’applique à prétendre le contraire, en avançant le mot magique « démocratie » à chacun de nos étonnements liés à notre incrédulité… une démocratie qui l’est de moins en moins (taux d’abstention énorme en France pour le scrutin de ce dimanche 20 juin.)
C’est ici qu’interviennent les têtes à claques, Hitler, Staline, Robespierre le grand ancêtre du mal, à quoi s’ajoute Le Pen, Zemmour Mélenchon pour la France et les quelques canassons connus de la N-VA et du Vlaams Belang, côté Belgique !
Cette assimilation du troisième aux deux premiers est l’insigne même d’une falsification de l’Histoire. Mais elle n’est pas facile à déceler, puisque dès les débuts de notre homme en politique, il fut trainé dans la boue par tous les bourgeois qui croisèrent son chemin, effrayés que l’on put attenter à leurs rentes et à leur situation dominante. Notre époque abonde d’écrivains de toute sorte qui savent à merveille tirer leur pain de la huche des riches en écrivant des choses complaisantes les concernant. Et quoi de plus facile de parler du monstre !
Le hasard de la chronologie veut que le jour de la chute de Robespierre soit celui de la libération de Liège par les troupes françaises. Une ère nouvelle commençait pour ce territoire, qui vivra au rythme de la France jusqu'en 1814. Robespierre peut entrer dans la mémoire des Belges. Il n'existe ni rue ni statue dédiée à Robespierre en Belgique.
Liège doit beaucoup à Robespierre. On ne sait quelles exactions eussent entreprises les troupes de l’Empire venues venger le dernier Prince Évêque en exil.
En attendant une reconnaissance qui ne viendra pas, attendu que le parti socialiste règne à Liège avec le MR et que de cet accouplement ne peuvent sortir que de nouvelles épithètes peu engageantes pour décrire le monstre, les Liégeois n’auront qu’une idée suggérée par le pouvoir en place : Hedebouw, c’est notre Robespierre local.

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Tandis que sur Historia, il sera traité de psychopathe légaliste et que Lorànt Deutsch reconverti de comédien à historien feuilletoniste, imagine un Robespierre vampire et profanateur de tombes ! Jusqu’à Michel Onfray qui s’en formalise, lui qui s’est entiché de Charlorre Corday au point de « l’héroïciser ». Enfin, l’intarissable, Franz-Olivier Giesbert le voit en un précurseur du lepénisme !
Robespierre a tellement été la bête noire d’un si grand nombre de gens que cette réprobation quasi unanime est suspecte.
Un ambitieux, Robespierre ? Il n’a jamais accepté qu’avec réticence les charges qui lui étaient offertes et a choisi de ne pas se représenter à la Législative, incitant ses collègues à faire de même pour « laisser la carrière à des successeurs frais et vigoureux » (la famille Michel devrait en tirer des conclusions). Il a défendu, très tôt et très seul, le suffrage universel, s’est battu pour le droit de pétition et la liberté de la presse, et n’a pas cessé de mettre en garde les citoyens contre la force militaire et les hommes providentiels. Un fanatique sanguinaire ? Il a longtemps réclamé la suppression de la peine de mort et un adoucissement des sanctions. Résolu à frapper les ennemis de la Révolution, il a néanmoins appelé à ne pas « multiplier les coupables », à épargner les « égarés », à « être avare de sang ».
Face aux périls qui menaçaient la République, il s’est rallié à la politique de Terreur, et ne l’a pas initiée. Par la suite, il n’en a jamais été le seul responsable.
Il faudra attendre Henri Guillemin et quelques autres chercheurs et historiens pour ramener les lecteurs à la raison et à un sentiment de gratitude pour un grand Français.

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