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On n’ose qu’en révolution !

Sacré Auguste Comte, lui qui voulait que tout passât par la science, il ne pouvait pas savoir comme la science s’est pris les pieds dans le productivisme autoritaire du libéralisme !
Drôle de drame d’une démocratie qui s’achève en ploutocratie – régime libéral MR et consort – et qu’Auguste Comte en soit le parrain malgré lui, pauvre homme, s’il avait su !
Ce point de vue n’est pas étudié dans les universités, toutes en questionnements sur les sciences pour complaire à Auguste positiviste, sauf sur celle de l’économie politique et des régimes qui en découlent, pour faire plaisir aux mânes d’Adam Smith et Jean Gol.
Quant aux recteurs, une minute d’attention : Ernest Renan, contemporain d’Auguste, donne une définition qui colle à merveille à vos tartarinades sur la question.
« J’appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses, où l’on ne peut rien faire sans être riche, où l’objet principal de l’ambition est de devenir riche, où la capacité et la moralité s’évaluent généralement par la fortune. »
De cette démocratie partie en sucette dans la ploutocratie, Auguste Comte en disait des merveilles « …un nouveau système parvenu à son entière maturité » (l’ère des maîtres des forges et des propriétaires des charbonnages). « …tel est le caractère fondamental assigné à l’époque actuelle par la marche générale de la civilisation. »
Ah ! si Auguste Comte s’était arrêté en pleine admiration euphorique, il en eût été pardonné. Mais non, encore fallut-il qu’il entreprît d’aggraver son cas « deux mouvements de nature différente agitent aujourd’hui la société : l’un de désorganisation, l’autre de réorganisation ». Vous l’aurez compris le premier conduit au désastre et à l’anarchie et le second vers l’état social définitif de l’espèce humaine, le plus convenable à sa nature. «…celui où tous ses moyens de prospérité doivent recevoir leur plus entier développement et leur application la plus directe ».
Auguste serait bien surpris s’il revenait hanter les auditoriums des universités, risquer un regard sur les copistes des estrades illustres, ensuite partir nez au vent humer dans la foule l’immense satisfaction qu’il croyait y voir, et n’apercevoir que misère et désillusion !
Ni l’opinion des rois, ni l’opinion des peuples, mais celle de la doctrine organique de la science ! Auguste, contempteur de son présent industriel, fait à l’époque l’éloge du charbon et de la vapeur, ces Léviathans mangeurs des étourdis des campagnes venus mourir de faim dans les grandes villes, au service de la grandeur de l’État !
Pour conclure que la destination de la société parvenue à maturité « …de construire avec tous les matériaux qu’elle a amassés, l’édifice le mieux approprié à ses besoins et à ses jouissances » qui débouchera, Comte en est persuadé, « … sur la noble et grande entreprise réservée à la génération actuelle ».
Il faut quand même que l’on sache que « la génération actuelle, la noble et grande entreprise » d’Auguste Comte s’est fait décimer dans les tranchées de 14-18 et que, de cette conséquence, aurait quand même dû découler une certaine réserve des Universités à l’égard du « grand homme ».

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Nous sommes en 2021 et Comte, toujours enseigné, est passé définitivement dans la catégorie des vieux cons pour des gens censés, alors que l’université toujours aussi libérale n’en démord pas sur le génie du bonhomme !
En revanche Ernest Renan est considéré comme un farfelu « doué d’une belle écriture » pour le monde ploutocrate libéral.
À lire la conclusion que Renan tire des sottises d’Auguste Comte, on se demande encore comment l’université a pu donner l’exclusivité à ce dernier « Les révolutions seules savent détruire les institutions depuis longtemps condamnées. En temps de calme, on ne peut se résoudre à frapper, lors même que ce que l’on frappe n’a plus de raison d’être. Ceux qui croient que la rénovation qui avait été nécessitée par tout le travail intellectuel du XVIII me siècle eût pu se faire pacifiquement se trompent. On eût cherché à pactiser, on se fût arrêté à mille considérations personnelles, qui en temps de calme sont fort prisées ; on n’eût osé détruire franchement ni les privilèges, ni les ordres religieux, ni tant d’autres abus. La tempête s’en charge… Rien ne se fait par le calme : on n’ose qu’en révolution ». (L’Avenir de la science, Pensées de 1848-1890)

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