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Les Fossoyeurs.

C’est encore en France qu’on découvre une espèce rare, disparue en Belgique : des journalistes !
Ici, des présentateurs télé tant qu’on veut, des reporters qui rapportent la baballe à leur maître, plein les rédactions ; mais des gens sérieux qui partent sur une enquête et qui ne lâchent pas le morceau quelle que soit la personne à l’autre bout, la mondaine ou le mondain : non, c’est le désert.
Le journaliste français indépendant, Victor Castanet, a publié « Les fossoyeurs » aux éditions Fayard, une enquête qui fait l'effet d'une bombe.
Il y révèle une «maltraitance institutionnelle» connue de tout le monde, mais qu’on n’osait pas révéler au public, comme tout ce qui n’est pas le fruit de la bienpensante société. Dans les Ehpad du groupe Orpea, leader mondial du secteur (1100 établissements dans le monde, 220 en France), les conditions de vie des pensionnaires y sont désastreuses. La maltraitance est la règle.
À la simple question « Et en Belgique, combien de maison de retraite Orpea » ? Personne n’est fichu de répondre, sauf peut-être une députée bruxelloise du PTB, la docteure Claire Geraets, qui vient de faire un communiqué sur le sujet.
Il faut lire ce livre pour croire à l’incroyable, une pluie de preuves accablantes, une floppée de témoignages bouleversants sur des faits précis et facilement vérifiables, des pensions de 4000 € à plus de 6.000 ! 40 % de cash en rentabilité, qui dit mieux ? Et on y rationne les couche-culotte, on y compte les biscottes, tandis que les aides-soignantes sont harcelées par la direction et bâclent la toilette des pensionnaires sous peine de se faire renvoyer !
Les happe-chairs du groupe Orpea nient en bloc, évidemment. L’actionnaire majoritaire, un Français, affirme avoir saisi ses avocats pour donner «toutes les suites, y compris sur le plan judiciaire». En attendant ses actions en Bourse ont chuté d'environ 30% en deux jours.
Ce n'est pas la première fois que des sévices et mauvais traitement sont mis au jour dans les Ehpad. Une omerta existe entre les journalistes et les propriétaires de cette chiourme du troisième âge.
« On ne savait pas », mais si vous le saviez et on pense qu’on payait quelques-uns pour la fermer, ce qu’ils l’ont fait jusqu’à aujourd’hui, puisqu’un intermédiaire aurait proposé à Castanet une somme conséquente pour que le livre ne paraisse pas.

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On le savait tellement que deux documentaires chocs «Zone interdite» et «Envoyé spécial» avaient déjà soulevé le lièvre, sans que ni Macron, ni les parlementaires de la majorité réagissent.
En octobre 2018, l'émission «Zone interdite» consacrait une soirée au «scandale des personnes âgées maltraitées» au sein des Ehpad privés. Le leader du marché était épinglé pour une recherche permanente d'économie, qui «touche toutes les dépenses liées à l'hébergement des résidents», et notamment le budget alimentaire, fixé à un euro par repas dans certains établissements. Concurrent direct, le groupe Les Opalines était aussi vivement critiqué pour ses effectifs insuffisants, les toilettes bâclées des résidents ou encore des cas de menaces et des sévices. Une aide-soignante d'un de ces établissements a d'ailleurs été condamnée à cinq ans d'interdiction d'exercice et à de la prison avec sursis, pour des coups donnés à une résidente.
Deux semaines plus tôt, France 2 diffusait un documentaire similaire, «Maison de retraite, derrière la façade». Basé sur les témoignages de proches de personnes âgées et de membres du personnel des établissements Orpea et Korian, ce reportage avait été filmé en «caméra discrète». Il avait permis de révéler de nombreuses défaillances dans les systèmes : une pensionnaire «laissée comme un animal sur un lit d'hôpital» et décédée aux urgences, des résidents incapables de se nourrir faute d'aide, ou encore du matériel de soins rationné dans une logique de pur profit.
Plus récemment, une affaire a fait grand bruit dans l'Aveyron. En septembre 2020, la direction d'un Ehpad situé à Onet-le-Château a déposé une plainte, après la découverte d'un groupe privé en ligne sur lequel conversaient 11 salariés. Ces derniers y publiaient notamment des vidéos et des photos dégradantes et humiliantes de résidents atteints de la maladie d'Alzheimer, accompagnés de commentaires méprisants. Des privations de nourriture avaient également été évoquées.
Interrogée par France 3 Occitanie, la directrice Frédérique Modolo avait condamné des «images monstrueuses, indignes», avant de démissionner pour «pointer un dysfonctionnement de l'établissement». Finalement, quatre des salariés mis en cause ont été licenciés et la direction a porté plainte pour «maltraitance sur personnes vulnérables».
Un exemple emblématique des sévices que peuvent subir nos aînés. En août 2020, la famille d'une ancienne résidente d'un Ehpad à Ganges (Hérault), a déposé plainte pour «harcèlement sur personne vulnérable ayant pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé», révélait Midi Libre en août dernier. Au moment du premier confinement, deux femmes rendent visite à leur mère, pensionnaire de cet établissement. Elles découvrent une bosse sur son front et un bras sérieusement abîmé. La directrice leur explique que la vieille dame est tombée à deux reprises. Après examen, il s'avère qu'elle souffre d'une fracture à la clavicule et d'un hématome frontal.
Quelques jours plus tard, les deux femmes reviennent et découvrent leur mère attachée à une chaise. Elles décident de lui faire quitter l'Ehpad et d'arrêter son traitement. Retrouvant peu à peu sa lucidité, l'ancienne résidente raconte l'«enfer» qu'elle a vécu : les douches froides à 6h30, l'infirmière qui appuyait sur sa blessure en lui reprochant de faire du «cinéma»… Finalement, la victime décède deux mois après sa sortie de l'établissement, pour un cancer du foie très avancé qu'on ne lui avait pas diagnostiqué. L'une de ses filles a porté plainte et une enquête est en cours.
Un tortionnaire pris en flagrant délit. Soupçonnant des violences, la famille d'une résidente d'un Ehpad d'Arcueil, dans le Val-de-Marne, avait placé au début de l'année 2019 une caméra dans sa chambre, selon France 3. La scène capturée est d'une violence sans nom : l'aide-soignant qui s'occupe de la vieille dame lui crie «ferme ta gueule», avant de lui donner un coup de pied alors qu'elle est au sol. La victime se met à hurler et à le supplier : «Pitié pour moi !». Mais l'homme la prend par les jambes en la traînant au sol et en lui agrippant les cheveux. Confondu par ces images, l'agresseur avait été placé en garde à vue et condamné à cinq ans de prison ferme, une peine réduite à trois ans en appel.
Et en Belgique, alors, rien ! Des anges au service de la vieillesse ! Ou plutôt cette lâcheté de la presse belge pour des ignominies qu’il n’est pas bon de publier. Cela entamerait le rapport confiance au système, la machine à fric axée sur les Vieux chuterait en Bourse !

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