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Le scandaleux 11 février 2022.

Le Kern de ce vendredi, sur la flexibilité au travail, est extrêmement important. Il s’agit de savoir jusqu’où on peut pousser la logique commerciale dans le rendement du travail, sur vingt-quatre heures chronos.
Il y a trente ans, le gouvernement de l’époque n’aurait même pas osé réunir les ministres compétents sur un pareil sujet. Les syndicats s’y seraient opposés. On partait pour une grève générale.
Aujourd’hui, le rapport de force entre les travailleurs et les décideurs n’existe qu’en faveur de ces derniers, puisque le syndicat socialiste a rejoint le syndicat chrétien sur le thème de la collaboration avec les instances patronales et gouvernementales.
L’intervention de Paul Magnette rejetant en bloc les nouvelles exigences en matière de flexibilité au travail est beaucoup trop tardive pour être efficace. C’est juste une sorte de dédouanement du président du PS, qui voit les dégâts et les affrontements entre son parti et le PTB, mal finir pour lui.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, aucune des mesures qui seront prises ne touchera les participants au Kern. Une fois de plus, ce sont des gens en-dehors des contraintes nouvelles qui les détermineront.
De quoi s’agit-il ?
Principalement du travail de nuit, des horaires modifiables selon les flux de production et des heures supplémentaires récupérables avec ou sans majoration.
Mine de rien, c’est un bouleversement complet des règles sur le temps de repos et le temps de travail que le gouvernement voudrait adapter à l’économie libérale à propos de l’e-commerce et de la concurrence mondiale que le néolibéralisme installe sans faire de bruit.
On sait l’Europe friande de ces adaptations du monde du travail, alors qu’il est hors de question de l’inverse, c’est-à-dire l’adaptation des méthodes de travail aux travailleurs.
On assiste aujourd’hui à une concurrence sans merci des États établissant les droits et les devoirs en fonction du moindre coût des productions et des services.
C’est un engrenage qui risque de broyer ce qu’il reste d’humanité dans le système libéral. Georges-Louis Bouchez peut s’en réjouir, mais c’est une atteinte au droit à un rythme régulier de travail, dans le cadre d’une vie normale..

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Ce qui se passait dans les entreprises, bien avant ce Kern était déjà terrifiant.
A la Libération, les syndicats alors puissants ont négocié des contrats de travail pour chaque catégorie professionnelle. Une qualification donnait droit à un salaire propre à la qualification. La polyvalence forcée était interdite. Par exemple un qualifié dans une spécialisation pouvait refuser de faire autre chose dans l’entreprise, au cas où celle-ci manquait de travail pour lui.
L’instauration du travail par équipe, permettait l’alternance entre ceux qui étaient de l’équipe du matin et ceux qui étaient de l’équipe du soir. L’équipe de nuit, dans la métallurgie notamment, était limitée et très réglementée. Ce genre de travail par alternance nuisait à la santé. Les médecins du travail qui n’étaient pas encore ces happe-chairs au service des patrons que l’on connaît, en avaient établi les conséquences nuisibles.
Peu à peu l‘attention syndicale se fit moins clairvoyante. Le PS passa à grand bruit dans le camp libéral en excluant de son champ d’action la lutte des classes.
On se mit à faire tout et n’importe quoi dans les entreprises. Les techniques visant à disqualifier les savoir des ouvriers et des employés, fit se rapprocher les travailleurs d’industrie aux travailleurs de services, question salaire.
L’ouverture au monde par les traités assigna l’Europe à modifier le travail et les salaires du plus grand nombre d’après des travailleurs faisant la même chose avec des salaires moindres et comme le fret aérien et maritime n’entrait plus que pour pas grand-chose dans les coûts, on aligna par le bas un salaire européen avec celui pratiqué en Chine ou au Brésil.
On en est aujourd’hui arrivé au pire, à savoir jouer sur les modifications possibles des heures de sommeil et de récupération des travailleurs. Leur qualification disparue, c’est toute une noria de faméliques cherchant du travail, dont les ingénieurs disposent. Les béhavioristes ne sont pas les derniers dans les manipulations attentant au physique et à l’opportunité d’user des ressources musculaires des travailleurs.
Le travail dans ces conditions devient un pur scandale et on voit tellement bien qui en profite que le discours MR avec son porte-voix Bouchez est presque un attentat à l’intégrité des personnes.
Le gâchis ne fait que commencer et on n’a pas tout vu ! L’avenir sera sans doute une sorte de devoir impérieux du travailleur d’obtempérer aux ordres de son supérieur en-dehors même des horaires arrêtés par la convention entre les parties, de jour comme de nuit. Le smartphone obligatoire, même de nuit, à portée de main, c’est pour bientôt.
Comme ce ne sera plus qu’une terrible et dure corvée, le travail à ce niveau ne pourra être soutenu que par des mesures de plus en plus fortes contre les réfractaires, les chômeurs et même les travailleurs en congé de maladie, qu’on suspectera d’être des tire-au-flanc.
C’est hallucinant où l’on en est déjà et cela sans que les élites s’en rendent compte, puisqu’elles n’auront jamais à faire l’expérience sur elles-mêmes de ce qu’elles proposent à des travailleurs qui n’ont plus d’autre choix.

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