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Le loup et l’agneau.

Bernanos devrait nous réveiller « En réalité, la société actuelle, société de transitions, de compromis, dite moderne, n’a aucun plan, ne se propose aucun but déterminé, sinon de durer le plus longtemps possible grâce à la méthode qui l’a servie jusqu’ici, celle d’un dégoûtant empirisme ».
Polémiste multiforme, homme libre, Bernanos est surtout un écrivain sans concession qui se serait dressé contre l’Europe de la peur, ce réflexe des lâches.
Ce siècle aurait dû être marchand. On le voit bien dans ce parti MR, comme la vocation de son chef est celle d’un marchand de cravates sur la Batte de Liège. Qu’il ne le soit pas révulse ces politiciens sortis des écoles de commerce. Ils en sont comme outragés : comment est-ce possible ? Ce siècle n’est pas ce que nous voulons qu’il soit !
Profondément médiéval, au contraire, quand les barons guerroyaient pour s’adjoindre un village en litige, ce siècle est un OVNI pour cette classe qui pensait ne faire fructifier son génie que dans le business. Les voilà en train de relire Machiavel et l’Art de la guerre de Clausewitz. Cela beaucoup trop tard évidemment. L’esprit surchargé de Smith à Keynes n’est plus ouvert à la guerre depuis qu’ils ont cru que la guerre de Troyes n’aurait plus lieu. Ni Ulysse, ni Achilles, on n’est qu’une bête ignorante qu’on appelle Premier ministre, quand on nie cela.
Ne pas avoir anticipé qu’en Europe, en 2022, un voisin plus fort pût surprendre un plus faible pour s‘approprier ce qu’il a de plus cher : sa terre, c’est renoncer par avance à défendre la sienne quand l’heure sera venue.
L’occasion était unique de se racheter, alors que l’empirisme dont parle Bernanos était en train de gangréner la société entière, sous l’impulsion des bourgeois en réinsertion rapide au néolibéralisme.
Raté en 1936 ainsi qu’en 1945, encore à la chute du mur de Berlin, on a préféré garder les fleurs et jeter les fusils, comme il était « tendance » et qu’il l’est encore en 2022.
Vieux réflexe nationaliste ou sursaut d’une volonté d’homme libre, l’Ukraine envahie par un joueur de poker aurait dû être perçue comme la victime d’une razzia de moujiks ivres place du Marché. Elle n’est vue que comme une guerre économique dont personne n’est sûr du résultat.
Aveuglé par une société du père Noël qui démarque tous les vendredis, on a feint de croire le coup de Poutine impossible, qualifié par Biden lui-même de monstrueux. La société de consommation ne croyait pas qu’il existât encore des monstres autres que ceux de chez Disney.

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Même devant celui qui vient de se manifester en mangeant l’enfance des enfants de l’Ukraine, la clique du MR n’y croit pas encore. La preuve, Sophie Wilmès qu’on vit un jour se faire photographier à Chaudfontaine la serpillère à la main après les inondations, se verra sans doute prochainement en cache-poussière de caissière en train de remplir des cartons pour l’Ukraine.
On n’aura pas avancé d’un pouce nulle part, mais le geste symbolique de cartons à remplir gardera toute sa connotation marchande, comme si sous le joug du joueur de poker, Sophie Wilmès collaborerait comme jamais au grand commerce mondial, ignorante du peuple asservi, sans doute comme tous les bourgeois multiformes, prête à la collaboration totale, comme en 1940.
Pour n’avoir pas prévu que leur monde était précaire et que l’universel est un combat, l’Europe est à genoux et le libéralisme est par terre.
Car, c’est lui le responsable, le libéralisme. C’est lui le créateur de monstres. Nous sommes à la fois victimes du principe de l’homme économique ayant à prendre sa part par la force et les créatures de ses fantasmes, les boutiquiers soumis constituant l’appareil de gouvernement.
L’Histoire nous rattrape. Nous ne pouvons pas échapper au rôle que nous nous sommes attribués, comme ce gentil commerçant un peu obèse qui vend encore dans les souks sa camelote made in Europe et qui est issu d’une célèbre famille de marchands, les Michel.
Quel est son rôle ? Celui de promouvoir sa marque. Et il le fait en échantillonnant notre capacité à faire des fusils d’assaut, des mitraillettes, des révolvers de la FN. Les américanolâtres ont choisi des révolvers américains pour équiper nos forces de police, qu’importe, vous trouverez dans ces échantillons, aimables combattants ukrainiens, des raisons formidables de mourir en tuant ceux d’en face.
Voilà la politique de l’Europe qui est celle mot pour mot de la Belgique.
Il y a des limites à l’extension infinie de la démocratie, elles viennent naturellement de ses défenseurs. Concéder qu’il faille céder une part du monde aux oligarques et aux dictateurs, les limites en sont atteintes !
Il y a gros à parier que sous les conditions actuelles de la lecture que nous faisons du conflit, Poutine sortira gagnant.
Il lui suffit de nous menacer pour nous clouer le bec. Il le fait si bien que nous en tremblons encore !

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