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QUAND GROSFILLEY REÇOIT GROSFILOU.

Elio Di Rupo est un fervent des matinales. Ils ne sont pas tous comme lui. Certains croient que le matin gloser, c’est peine perdue. Les gens n’ont pas le temps d’écouter. On a mis le poste parce que ça fait du bruit et que ça stimule, avant de partir en courant, pour ne pas arriver en retard à l’usine. Elio est d’un avis différent. Il parle à la ménagère qui beurre les tartines de son homme, il couvre les ronchons des enfants qui rechignent à manger les croûtes des tartines. Il est derrière son micro frais comme la rose qu’il incarne. Pour peu, on croirait qu’il va nous lire une recette des crêpes de tante Suzette. C’est ça, il est de la famille. Sa reconversion ne sera pas difficile. On le voit sur une antenne montoise, ouvrir la journée en français et en italien.
« Ciao miei cari. Ecco le ricette di zia Eliane. Oggi il micio brasato in olio calabrese. »
De par sa réputation, il aurait de suite sur Radio-Mons, une bonne cinquantaine d’auditrices, alors qu’à la même heure, un anonyme parle pour sa mère et trois autres personnes.
Fabrice Grofilley le sait. Pour l’ixième fois il a invité Elio à 7 H 50. Le ministre est en avance légèrement parfumé d’Amor Amor de chez Cacharel, le nœud pap à l’horizontale prêt à défendre son gouvernement régional très libéral, avec la complicité de son ami Borsus


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Le ton est léger, calme, enjoué. Certains sortent à peine un bras de sous la couette pour allumer « le poste » sur la table de chevet. L’heure invite à la spécialité d’Elio, dire des choses graves à la limite catastrophiques sur un ton guilleret et rassurant. Il faut que l’auditeur parte au turbin avec l’impression que la Région wallonne est le pays où il fait bon vivre, le plus beau du monde en quelque sorte.
Le ministre-président de la Région wallonne parle d'économie circulaire, à cette matinale. L'économie de demain, un pavé la circulaire !... il vaut mieux parler de demain quand la situation présente est ce qu’elle est : un immense gâchis de travaux onéreux et inutiles dont la gare de Mons, une inflation galopante et des faillites en cascades des petits commerces et des moyennes entreprises, sans parler d’un déficit croissant de la Région !
Les PME, c’est le dada d’Elio. Il se voit lui-même sur le marché de Mons distributeur officiel de la rose au poing, jouet en plastique, dont les pétales s’ouvrent et se referment au rythme de l’Internationale. Le bonimenteur est derrière sa table pliante. Il rayonne ; Mais dès qu’il parle d’économie circulaire les enfants ne veulent plus de la rose en plastique ! Ils aimeraient mieux la musique de Star Wars !
Grosfilley le ramène à la réalité de l’économie circulaire. Elio le coupe et entame une antienne qu’il répétera partout y compris à la tribune du parlement wallon. « Ce sont les PME, petite ou moyenne entreprise, qui s'accroissent. mais c'est aussi être, comme nous le sommes pour le moment, champion dans l'économie circulaire. »
La Wallonie championne dans quelque chose de positif ? On la croyait championne des déficits et du chômage, ce devait être un bouteillon lancé par la méchanceté flamande à notre égard sans doute !
Elio est rassurant. Mais non, mais non… premier à circuler, une économie du future rien qu’avec de petites choses, des astuces quasiment invisibles, mais qui risquent de rapporter des millions !
il a assisté au salon international des techniques et technologies de l'environnement à Munich. Il explique que "nous avions une grosse vingtaine d'entreprises, 50 responsables - hommes et femmes - d'entreprises, et nous étions très crédibles, car nous avons comme perspective zéro déchet et tout recyclé. Là, la Wallonie se démarque. Il y a des possibilités d'emploi qui sont exceptionnelles".
Grosfilley n’insiste pas la perspective zéro n’est pas que pour les déchets. Ils sont revenus de Munich avec énormément de promesses, mais pas une seule commande ferme. Il faut prendre patience.
Une entreprise canadienne recycle du plastique. Elle va ouvrir dans quelques jours à Châtelet. Elle est un peu polluante, mais comme les activités sont au point mort en Wallonie, nous avons le permis de polluer !
Elio s’exalte, Grosfilley ne maîtrise plus le cours de son émission : «Il faut démultiplier le nombre d'entreprises. C'est ce que nous essayons de faire au sein du gouvernement et je pense qu'avec la dynamique 'patrons - syndicats', avec le milieu environnemental et le gouvernement nous y arriverons."
La dynamique « patrons-syndicats », voilà qui est nouveau. Si les syndicats, version Rose au poing se mettent à servir l’idéal patronal au point que cela devient une dynamique, Elio aura gagné son pari, la synthèse entre Dieu, le roi, les patrons et le peuple.
La matinale tire à sa fin. La ménagère a rangé la table. Les enfants sont à l’école et le mari au turbin. Elle ferme le poste. Elio le sait. Il sert la main de Grosfiley qui donne du « Monsieur le ministre » jusqu’à la porte du studio jusqu’à laquelle il reconduit son invité.
Le chauffeur de la Région attend dehors. Elio se sent bien, il a fait lever tout son staff à une heure inhabituelle. Prochaine réunion à 11 heures. Sujet l’économie circulaire. Il téléphone à un cabinettard de Borsus. Le ministre, vice-président n’est pas encore arrivé de Marche. Elio s’enferme dans son bureau et met le réveil sur onze heures moins dix. Il enlève ses chaussures et s’enfonce dans un divan. Compte tenu de l’âge qui vient et des prothèses qui se décollent, on entend un léger sifflement.

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