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UNE LÂCHETÉ PRÉCESSIONNAIRE (1).

Georges Bernanos (1888-1948) acheva d’écrire « Les enfants humiliés » en janvier 1940. Dans un court extrait ci-dessous, il revient sur l’attitude des Alliés face à un dictateur.
« En deux mots, l’Allemagne ne laissait plus à l’opinion publique, ou ce qu’on appelle de ce nom, le choix entre la guerre et la honte. J’ai déjà dit que pour tirer profit des manquements de la parole, il est d’abord nécessaire d’en avoir une, notre honte eût été sans issue, nous étions enfumés dans un nouveau manquement ainsi qu’un rat dans son trou. Depuis des années, mais précisément depuis 1934, le jeu des dictateurs réalistes a été de nous associer à toutes leurs injustices, non pour partager le profit, mais pour leur donner une apparence de légalité, car à chaque canaillerie, forcés de justifier notre abstention, nous devions trouver une formule juridique acceptable, qui pouvait à la rigueur tenir lieu de certificat. »
Cinq ans après l’annexion de la Crimée (2014) à la Fédération de Russie, le président Macron recevait Poutine en 2019 au Fort de Brégançon. Le président français se transformait en un Édouard Daladier, Président du Conseil français jusqu’en 1940, signant les « Accords de Munich » en septembre 1938 entre la France et le Royaume-Uni d’une part et l’Allemagne d’Adolphe Hitler d’autre part, sonnant le glas de la Tchécoslovaquie. L’Allemagne avait négligé d’inviter le président Edvard Beneš, come de bien entendu, avec la complicité tacite des deux autres.
Circonstances aggravantes pour Emmanuel Macron en 2019, la Crimée était bel et bien annexée cinq ans auparavant à la visite de Poutine, tandis que Daladier faisait semblant de ne pas voir en 1938 que le problème des Sudètes soulevé par le chancelier de l’Allemagne mettait fin, en réalité, à la Tchécoslovaquie.
Tout le monde savait en 2019, ce que l’annexion unilatérale d’une partie de l’Ukraine à la Fédération de Russie cachait de monstrueusement pervers et d’illégal à l’initiative d’un seul homme : Vladimir Poutine.
Personne n’a rien dit.

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Au contraire, on s’est félicité de l’initiative du président Macron qui par la suite, loin d’avoir regretté cette visite, s’inquiétera, trois ans plus tard, lors de sa présidence du Conseil de l’Europe, de ne pas « humilier » la Russie, sous-entendant Poutine, dans l’agression en février 2022 de l’Ukraine, en train de tourner en fiasco qui n’avait plus rien à voir avec une guerre éclair.
J’en parle d’autant à l’aise qu’à l’époque, j’avais écrit un justificatif de cette agression inspiré par les gazettes, selon lesquelles la Crimée avait été cédée à l’Ukraine par un Khrouchtchev, secrétaire du parti communiste de l’URSS, complètement ivre lors des signatures.
On en revient à la courte citation extraite du livre de Bernanos. « …L’Allemagne ne laissait plus à l’opinion publique… que le choix entre la guerre ou la honte ». Une fois de plus l’Europe, car cette fois il s’agit de nous tous, nous avons choisi la honte devant un dictateur !
Quelle est la genèse de cette guerre actuelle contre l’Ukraine, sinon un conflit-post soviétique à la destitution par le peuple ukrainien, du président Viktor Ianoukovytch, homme de paille du Kremlin.
Depuis, Poutine considère que le nouveau gouvernement ukrainien est « illégitime ».
On a oublié tous les mensonges de Poutine au temps de l’annexion de la Crimée pour dorer la pilule et faire pencher du côté de la honte, la balance chez les Européens, entre elle et la guerre.
D’abord, le mensonge effronté d’un dictateur sûr de lui, méprisant le Droit international et les pleutres s’y cramponnant : Poutine niera être à l'origine de la présence de soldats russes en Crimée et affirmera que ces soldats sont des « forces locales d'auto-défense ». Le 11 mars 2014, le parlement de Crimée sous la pression de la Russie déclare l'indépendance de la république de Crimée (réunissant la république autonome de Crimée et Sébastopol). Le 18 mars 2014, à la suite d’un référendum tenu le 16 mars, le gouvernement russe annonce que la république de Crimée (correspondant à l’ancienne république autonome de Crimée) et la ville de Sébastopol, anciennement ukrainienne, deviennent deux nouveaux sujets de la fédération de Russie.
L'Assemblée générale de l'ONU adopte le 27 mars 2014 avec 100 voix pour et 11 contre, une résolution non contraignante qui dénonce le référendum en Crimée et le rattachement de cette péninsule à la Russie.
Poutine étant convaincu que les Occidentaux avaient choisi la honte, il pouvait offrir des fleurs à Brigitte Macron au fort de Brégançon en 2019. La suite est dans les esprits depuis février 2022.
Tout est dit.
Reste la raison profonde de Poutine à son coup de dés guerrier de février 2022 : la crainte que ce petit air de liberté laissé aux citoyens de l’UE de critiquer la démocratie et son économie néolibérale, ne se diffuse en Russie par l’Ukraine désatellisée.
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1. Changement graduel d’orientation.

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