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LES SYNDICATS ENTRE VORACES ET CORIACES.

Le peuple au travail ne se bat contre lui-même qu’à son corps défendant, à défaut de s’en prendre à ses suborneurs, hors d’atteinte encore, qu’il en soit crédité.
Une des plus navrantes aventures fut celle des Comités associatifs ouvriers, syndicats corporatistes d’une gauche hors PS. Sur la fin des Trente Glorieuses, ces Comités rêvaient encore d’un chambardement politique et économique, alors que les « affiliés » partaient sur la pointe des pieds commander leur nouvelle bagnole chez le concessionnaire du coin.
Un délire comitard fut celui de l’AAG, syndicat du Livre indépendant, probablement la plus ancienne opposition au patronat, inscrite dans l’Histoire des mouvements ouvriers dès 1846 sous le nom de « Société Typographique Liégeoise ».
Ce premier acte de résistance fut camouflé sous la forme d’une mutuelle secourant les plus accablés par le mauvais sort. Les associations syndicales étaient interdites par la loi Le Chapelier, appliquée depuis 1791. Jamais, par après, dans l’histoire syndicale, il ne fut question d’abandonner le principe de la Lutte des Classes, inscrit dans la Charte de Quaregnon (1894).
Pourquoi ce rappel ?
Parce que jusqu’à sa disparition, le syndicat du Livre avalé par le SETCA, offrait la curiosité d’avoir un comité marxiste, régulièrement réélu par des membres qui étaient aux antipodes, rêvant aux possibilités qu’offraient les crédits, de goûter au charme de la consommation.
Ce comité était loin d’être homogène. Il y avait l’espion des patrons, le pantouflard se croyant aux urgences en cas où il serait licencié, le drôle de type qui ne disait jamais rien et quelques marxistes suspectant les maoïstes et même deux staliniens d’accord avec personne.
Seule, l’extrême gauche, regroupée pour la circonstance, occupait tous les postes. Les autres n’en fichaient pas une secousse, goguenardant sur l’activité débordante des « rouges ». ceux-ci fort inoffensifs sans partisans parmi les syndiqués, mais honnêtes, abattaient tout le travail, ordre du jour et secrétariat compris.

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Les discours sur la lutte des classes touchaient au grandiose, les plus inventifs se voyaient aux barricades comme Gavroche en 1832, rue de la Chanvrerie, pendant l'Insurrection parisienne de juin.
Il y avait un tel décalage entre ce que pensaient les membres actifs du comité et les syndiqués, qu’on se demande encore aujourd’hui à quoi tenait un tel aveuglement ?
Touchant à la réalité des rapports de force entre les employeurs et leurs personnels, l’observation était facile et ce qui en découlait l’était davantage, personne ne prenait au sérieux les désirs de table rase des extrémistes, surtout pas les affiliés bien d’accord avec les patrons.
Finalement, les Jaunes, les nonchalants et les pas-sérieux étaient dans le vrai.
Ce comité marxiste n’était pas le seul. D’autres syndicats avaient les mêmes fervents de la Charte, fiers d’en être et sûrs de la proche échéance où les comptes allaient se régler entre exploiteurs et exploités.
Les quelques expériences de grève ciblée tournaient au désastre. En assemblée le personnel était pour la grève. Le jour « J » les marxistes et quelques farfelus à la porte de l’entreprise se faisaient bousculer par les mêmes qui avaient voté pour et avaient changé d’avis au cours de la nuit, prêts à se battre contre le syndicat pour défendre le droit au travail !
Cinquante ans plus tard, les marxistes ont disparu des Comités syndicaux, ils ont été remplacés au fur et à mesure des départs à la retraite par des professionnels diplômés en guichet d’accueil, pourvu d’une connaissance aléatoire minimale pour répondre à toute question de droit du travail, peu intéressés par la Charte de Quaregon, l’ignorant même pour la plupart, n’ayant par ouï dire en mémoire qu’un certain Marx avait écrit jadis « Das Kapital », traduit en français et toujours vendu en librairie, un ramassis de conneries que d’anciens militants lisaient encore la larme à l’œil.
Figurez-vous que l’ex friand consommateur, touriste syndical désœuvré, est revenu de son rêve américain, avec le sentiment d’avoir été cocu par les propagandistes de la société libérale. Encore quelques colères et quelques chômeurs de plus, il regrettera les farfelus des années soixante prenant au sérieux dans des discussions interminables, la différence entre stalinisme et léninisme. Bien sûr, aujourd’hui encore, ces conversations d’un autre âge sont toujours aussi stériles et peu compatibles avec le marasme économique-écologique qui nous tombe dessus. Ils nous manquent ces décrocheurs de lune, à l’affût d’un grand soir avec barricades et mortiers à fusées d’artifice. Ils incarnaient malgré tout et sans le savoir, la liberté de penser en faisant la nique à l’autorité, tout en échafaudant des plans d’évasion pour des ailleurs illusoires, mais ils étaient si naïfs et chaleureux !

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