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SCHNOUF et PLOUF !...

Ce vendredi 10 février, Pierre Palmade a provoqué un accident de la route qui a fait trois blessés graves, dont un enfant et une femme enceinte qui perdu son bébé à plus de six mois de grossesse. D’après la police, l’humoriste était sous l’emprise de la cocaïne au moment du drame.
Voilà ce qu’on pouvait lire dans les gazettes du samedi 11 au mercredi 15. Et ce n’est pas fini. Quant aux victimes, on n’en parle guère et encore, si on en parle, c’est dans l’ombre de la notoriété dont Palmade bénéficie grâce à quelques comédies jouées avec Michèle Laroque, des sketches acides sur la société, les couples et une tournure d’esprit prompte à son propre dénigrement.
Est-ce une raison pour que les médias parisiens s’emballent, ne couvrent l’accident qu’à travers l’artiste, au point que François Rollin, metteur en scène, ait osé un article sur le combat perdu de Palmade « …qui a essayé vainement de sortir de son addiction à la drogue ».
On en pleurerait presque.
Quant à la responsabilité du citoyen Palmade, il faut bien chercher pour la trouver, alors que cet accident est le fruit d’une inconséquence et d’un je-m’en-foutisme qui sont inadmissibles au point de faire de lui un meurtrier si l’une des victimes venait à décéder.
Le comédien bénéficie de l’effet de notoriété qui rend sa condition d’être humain supérieure au tout venant. Ce sera l’occasion où Palmade devant une juridiction, avec derrière lui une meute de journalistes, d’estimer l’effet de notoriété sur le juge même.
L’avènement médiatique de la notoriété est aussi vieux que la première société structurée en hiérarchie. Les incidences sur le monde des élites de cette reconfiguration de la reconnaissance sociale ont suivi tous les Régimes jusqu’à nos jours.
On se souvient qu’Alexandrie fut fondée par Alexandre le Grand, moins de Ptolémée Ier, qui prend le contrôle de l’Égypte après la mort du conquérant en 323.
Le développement des inégalités de visibilité induit par les techniques de l’image est à la base du succès de la notoriété actuelle. Palmade a le physique pour ça. Grand, d’un comportement inquiet effarouché, les yeux écarquillés par la cocaïne, l’espèce d’hésitation qu’il a de lâcher ses mots balisant ceux qu’ils considèrent comme drôles, il a tout pour gagner le public parisien.
L’ascension d’une élite dont font partie les politiques est assujettie au niveau de visibilité. On se souvient de la tête de François Hollande, moins de celle de Jean-Marc Ayrault, son premier ministre.
La population des visibles, reproduit les techniques propres aux groupes élitaires (« entre soi », endogamie ou encore transmission héréditaire). Elle se caractérise également par des rites et des privilèges associés au statut de célébrité qui ne sont pas sans évoquer ceux de l’aristocratie en son temps.
François Ruffin (France Insoumise) multiplie ses approches filmées pour être reconnu par les gens. Il n’est pas certain que, plus discret, il serait réélu.
L’artiste de scène n’a pas besoin d’insister sur son image dans les médias ; il est vu par des milliers de personnes en une seule soirée.

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Procurant une attractivité sans égale à tout ce qu’elles promeuvent, les vedettes se trouvent associées à une quantité de biens et de services commerciaux, assurant aux plus sollicitées des rémunérations variées aux montants parfois faramineux. Pour autant, les gratifications de la visibilité ne sont pas aussi idylliques qu’il y paraît, s’accompagnant souvent de troubles identitaires issus de comportements à la fois addictifs et répulsifs. La culture de la visibilité constitue, enfin, dans de multiples secteurs industriels, à commencer par le tourisme, la presse et l’édition, des filières économiques éminemment rentables.
En prison, à condition qu’il n’y ait pas une justice trop conditionnée qui se contenterait du bracelet, Pierre Palmade pourra rédiger ses mémoires qui seront convoitées par toutes les maisons d’édition, même si, sans cocaïne, l’auteur perdait sa verve.
Nombreux sont les intellectuels qui s’inquiètent de voir dans la célébrité, l’attrait du présent, de la mode ou encore de l’image publique des célébrés prendre le pas sur l’œuvre et sa postérité.
Ce qui frappe dans ces analyses de la notoriété vues d’« en haut », c’est la manière quasi identique d’en saisir les manifestations objectives et subjectives au sein des élites et de leurs sphères d’appartenance pour aboutir à une réflexion plus générale sur la fascination et le rejet qu’elle suscite.
Au niveau d’un large public, la notoriété agit comme un exemple à suivre ; on s’identifie à un modèle idéalisé ou de la possession amoureuse plus ou moins fantasmée. Mais ils se rencontrent aussi sur un mode collectif avec ce que l’on appelle communément les « fans », dans un engagement identitaire total et de longue durée au sein duquel les mises à distance subjectives s’accomplissent par le jeu, le retrait ou la distinction.
Le manque de notoriété chez les gens qui ont du talent empêche aussi le renouvellement de la classe politique. C’est une des raisons de la sclérose de nos démocraties.

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