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Let us be modern, coco ?

Moderne… modernité… Soyons moderne… sans bien savoir à quoi cela correspond… rénovation… jeunisme… de son temps… c’est le snobisme du début de siècle, le tout dernier cri.
- T’es moderne coco, donc tu bouffes toutes les merdes qui passent du moment qu’elles datent pas d’hier… pas trop compactes… qu’on sente encore l’effort de l’hémorroďde… que la date de péremption soit pas sur le papier-cul… que les mouches aient pas déclenché l’éco-système…
On se staracadémise toute vapeur… Syndrome passionnel de la vedette… résurgence d’un prurit silurien… caractéristique des sociétés qui se caramélisent… inconvénient des vieux fouleks… les sphincters qui se relâchent, puis un jour, vlan… tous les zoukeurs sont dans la merde.
En fin de compte comme toujours quand on s’engoue d’un mot, être moderne ne veut rien dire. Ma grand’mère était moderne quand elle a eu sa première machine à écrire Underwood. Est-ce qu’il est moderne, Hallyday avec ses « tujurs » des chansons qu’on lui fabrique au kilo depuis cinquante ans ? Et Pagny avec sa barbichette de mandarin d’arrière-salle d’un salon d’opium à Nankin ? Il est moderne Schumacher, quand on sait qu’on va le voir passer le dimanche aprem toutes les trois minutes, soixante-huit fois ?
Pour coller au peloton, faut être « branché »… Sur quel secteur ?
- T’es alternatif ?
- Non. Je me contiens.

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Voilà que des réformes s’en trouvent justifiées.
Le mec qu’on envoie sur les roses à cinquante balais, s’il la ramène, c’est que le pépère est plus dans le coup. Pas d’accord ? T’es vieux jeu, bonhomme, démodé, has been…
Le mec moderne parle plus comme tout le monde, il est relooké amerloque. Il s’habille plus, il se fringue via la pub de « Lui ». Il s’appartient plus. Il a trop à faire pour coller à l’actu. Pas l’actu des meurtres et des désolations qui courent la planète, non, le piercing… la dernière mode… clonage des stars… Aaron a bouleversé la vie de Jenifer !... T’as vu son look ? T’es sûr que c’est ses vrais nichons ?
Voilà les questions fondamentales de la société de désolation !
Quand on gratte un peu, on voit que le moderne, c’est du neuf qui a déjà servi et surtout qui touche pas à la tradition. Le boss au milieu de sa basse-cour, le mac chez les putes et les flics à la protection du système… surtout qu’on touche à rien. C’est ça le moderne !
Ah ! si c’était faire du futur un monde meilleur, sans se dire que c’était mieux avant !... C’est justement ce qu’on nous balance, le monde meilleur… mais dans la bouche de ceux qui le profère, ça devient ambigu. On sent qu’on va se faire avoir…
Surtout que d’une année sur l’autre, on voit bien oů ça nous mène le moderne… le monde meilleur… Comment ça tourne mieux depuis qu’on est moderne !

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Dans une rue étrange, se glisse, de nuit, une procession diabolique d’êtres qui n’ont plus rien d’humain, sur leurs visages se lisent l’alcool, la syphilis, la peste. Une figure souffle sur une trompette, une autre crie « hourra ». Symbolisée par un squelette, la mort, assise sur un cercueil, plane au-dessus de cette foule. (1917- George Grosz)

Les nouveaux outils de la Communication !... ça vous transforme son bonhomme, comment on double-clic sur Word… si mon correspondant de Rome est en ligne… Si Estelle de mon site « Rendez-vous » a qui j’ai envoyé ma tronche modernisée couchera la première fois ?... Si elle reprendra une consommation avant de monter !... Si je dois changer de slip ?...
Et mes trois portables… si j’ai vérifié les batteries… des fois qu’elles viendraient à flancher...
- Robert, pardonne-moi, je crois qu’on m’appelle sur Nokia !...
- Dis Luc, tu m’as photographiée en train de pisser dans le bain de siège… T’es malade ?
Mais, est-ce que cela a beaucoup changé pour celui qui est à la recherche d’un emploi et qui glande deux heures pour un rendez-vous avec un « profiler » chez ARCELOR ?
Etre moderne empêche pas le salingue de jeter ses ordures sur le trottoir d’en face, le petit con d’écrire au feutre qu’il encule ta mère sur les coussins oranges d’un bus de la STIL et mes zigues de rouler dans une Toyota de 15 ans parce qu’il peut pas s’acheter une Mercedes… la toute électronique… le nec… moderne, quoi !
Déjà que pour être moderne faut suivre, des futés ont déjà dépassé le mouvement, ils sont devenus post-modernes…
L’autre jour, je lisais une question de Marylise Lebranchu sur le sujet… déjà je la comprenais pas la question, alors comment veux-tu que j’y réponde ? C’était : Sommes-nous condamnés au simple choix entre de plus en plus d’individualisme et de plus en plus de valeurs, mais particularistes, non universelles ?
En réalité le modernisme est essentiellement technique.
C’est vrai que sur ce seul critère, on est vite largué.
Mais tout le reste, l’éthique… l’aura du vivant… Malgré cette avancée formidable des techniques, ne pas être parvenu à se débarrasser du chômage structurel, plus de 12 % de la population depuis un quart de siècle, voilà qui en dit long sur le sens que nous attribuons au mot moderne.
Et quand de la force-vive de la meilleure cuvée nous prévient que d’ici à 2010 le chômage va aller en s’amplifiant sur le temps que nous allons manquer de main-d’śuvre qualifiée, là oui, la technique a battu l’humain à plate couture et on n’est pas prêt de troquer la précarité de l’existence et la trouille au ventre de se retrouver sans un, avec une meilleure vie, dans la sécurité et une horloge pointeuse débarrassée des nazis du parti national patronal.
Donc, mes loulous, vous bilez pas, si on dit que vous n’êtes pas modernes, dites aux étrons qui vous interrogent et qui parsèment votre trottoir, que le moderne sera toujours pour demain, qu’il n’est donc jamais d’aujourd’hui. Le temps qu’ils comprennent, ils seront d’hier.

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