Handicap international au chevet de linformation belge !
On se demande qui décide des temps forts de lactualité dans ce foutu pays ? On prend le pouls de la population pour savoir si quinze Marines qui se font dessouder à Bagdad est moins important que lhommage de « tout un pays » à un de nos nombreux enterrements solennisés ! Jai rien contre le respect des morts, je mincline et massocie. Ceux qui ont fait un boulot dangereux pour sauver des gens, ou ceux qui se sont fait estourbir par un malade mental, je leur tire mon chapeau. Jai toujours été dinstinct du côté des victimes… Quant à bouffer la demie heure de lactu et perdre de vue la situation internationale, il y a de la marge… franchie allègrement ces temps-ci par la génération montante de nos dramaturges télés…
Parole, quand ça leur prend « lhommage », les nouveaux Zitrone se sentent plus. Les minutes de silence deviennent des heures. On serait envahi par le Luxembourg quon nen saurait rien. Et on ferait une belle gueule si au balcon du palais, on voyait paraître le grand duc en uniforme de parade pour un discours sur la mère des batailles. Il est vrai quà part les trois briscards de 40-45 qui sen souviennent, on se rappelle plus vraiment les couleurs du drapeau, depuis quon a le bleu avec des étoiles, le jaune avec le lion, et notre coquelet de Namur, on sy retrouve plus… Cest pas une raison de nous la faire au fait-divers patriote, histoire de rattraper le coup.
Merde ! on va encore dire que jinsulte…
Pour ce qui est du commentaire local, pardon, cest la profusion. On ne se contente plus dinformer. On interroge la foule. Manque de bol, on tombe neuf fois sur dix sur un con qui na rien à dire ou qui était si loin de lexplosion quà peine a-t-il vu sa fenêtre sentrouvrir.
Depuis Arlon et notre show judiciaire, on était sous les feux des projos du monde entier. On passait pour causer français. Avec les mecs à linterview août 2004, cest gênant. Pour un Parisien, un Belge, cest un martien qui parle comme un ministre flamand… Aujourdhui, seul les Québécois arrivent à comprendre… un mot sur deux.
Certains événements excitent le populo, ou plutôt, des médias à la foule, on sexcite mutuellement. Il ne faut pas sétonner que les gaillards au sommet de la pyramide remontent dare-dare de Provence pour le salut aux victimes et que le chef du brain-trust gouvernemental décrète dans la foulée un jour de deuil national. Je fouille dans ma mémoire. Je me demande si les deux cent soixante deux mineurs qui ont trouvé la mort, lors de la catastrophe du Bois du Cazier à Marcinelle ont eu droit à une journée de deuil national ? Si vous pouviez me renseigner ? Non pas que je veuille faire des comparaisons… simplement quà lépoque, lhommage de la Nation nallait pas à louvrier. Et puis, il faut bien le dire, des ouvriers qui restent au fonds dun puits, ou plus récemment, des pauvres types qui laissent leur peau dans un four dArcelor, ça pourrait générer de mauvaises pensées, si on les « hérotisait ». De nos jours, les patrons sont si précieux à nos zonings dévastés !
Lenvahissement de limage numérique est pour beaucoup dans la tournure que prend la relation de lévénement. Le direct lamplifie. Même si le reporter envoyé sur place est à mille mètres de lendroit du cataclysme ou de la fusillade muni dun gilet pare-balle et quil vacille à chaque coup de canon, il est peut-être moins en danger que la caméra le suggère, mais cest la magie du direct…On y croit !
Un événement majeur, on va nous le repasser cent fois. Pendant huit jours à raison de dix séances par 24 heures, on a vu les Twin Towers de New York seffondrer comme de vulgaire HLM pourris de la Cour Neuve dynamités par les services dhygiène.
Les stratégies médiatiques basées sur le nombre de téléspectateurs sont évidemment pour beaucoup dans lappesantissement des faits porteurs. Elles influencent le public dans ses passions, mais aussi la justice, ce qui est infiniment regrettable.
La presse écrite sort parfois de son rôle et se permet des articles au nom de la nation, de ses lecteurs, de la justice, comme jadis la presse dopinion, sauf que lopinion est identique de la gauche à la droite et que le discours est le même.
Est-ce que partager lémotion, la produire et la stimuler est encore informer ?
Conclusion : Il est temps de sortir des commémos, des journées de ci, des sonneries pour ça. Une seule excuse, à la période des vacances, on na souvent pas grand-chose à dire. On peut croire que le fait-divers, cest du pain béni.
Les sportifs avec les JO et la reprise des matchs de foot vont pouvoir reprendre le dessus.
Pour ceux que le sport nintéresse guère, ils devront attendre un mois pour retrouver un peu de tonus de nos grands professionnels.
Cest long. Je sais. Si vous voulez être quand même mieux informés, vous pouvez lire le journal « Le Monde ». Il y a justement dans la parution de ce mardi 10 août un article qui a lhonneur de la première page signé Robert Guédiguian, intitulé « Vive la télévision ! ». Je le recommande à nos journalistes en mal de copie. Il y a de quoi piocher…