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Triste fin de l’illustre Gaudissart.

J’avais rencontré Rita Moréa dans un club échangiste où elle désinhibait Polo, son mari. Il se saoulait au Schiedam qu’il buvait à la tasse, tandis qu’une fermière en porte-jarretelle le trayait comme si elle-même était un veau. On était partis sur la pointe des pieds, juste pour rafler la lingerie et la carte bancaire de Rita à l’appart du troisième sur un quai, avant que le cocu reprenne ses esprits et appelle à l’aide son frère, un sacré cogneur.
Il avait fallu que je me tire moi-même de chez la grande Fernande qu’était douée pour les scènes de rupture ; car, elle démolissait toutes les fines excuses, si bien qu’on ne pouvait rompre qu’en lui déclarant que c’était parce qu’on l’aimait trop.
Depuis on vivait ensemble au premier d’un immeuble qui avait eu son heure de gloire dans les années vingt et qui ne tenait plus que par un vantail en fer de la double porte qu’il était interdit d’ouvrir sous peine de catastrophe.
Elle avait plus revu son Polo que de temps en temps, quand il avait envie de pleurer sur la révolution qu’arrivait pas assez vite. Mes avis qu’ils fricotaient encore un peu, histoire de s’entretenir, pendant que je vendais mes bricoles au porte à porte.
On aurait pu rester entre les quatre murs, tant il y avait à voir dans le quartier. Du palier montaient les « vas-y » que la séraphine du rez-de-chaussée bramait à un Turc quand ils étaient au page et les « Tu me fais mal, salaud. » quand ils sortaient de l’horizontalité et qu’ils n’avaient plus rien à foutre de leurs dix doigts. Le Turc comprenait pas un mot de sa dame, sauf, peut-être quand elle gueulait « Nom de dieu ! Isham, ça vient. » et que rien qu’à voir le visage sous lui et au-dessus pour les variantes, il pouvait pas confondre avec l’arrivée d’un TGV. On n’est quand même pas con en Anatolie.
On serait bien restés pour la fin, mais le destin décida autrement.
La fin, c’était le retour prochain du mari, un violent qui finissait un séjour à Lantin.
En face, t’avais un trio à quéquettes, type buse de poêle, avec une « elle » qu’était pour le mariage des homosexuels, le tout c’était de savoir lequel choisir : le plus vieux qu’était le propriétaire ou le plus jeune, qu’était chômeur ? Entre son amour et son intérêt, Bichette se forçait à l’érection sévère qui allait contre son cœur, mais suivait ses commodités locatives.

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Ça devenait homérique le samedi soir, retour du disco. Les deux prétendants s’envoyaient de ces vannes à réveiller le quartier jusqu’au carrefour Saint-Laurent. Le lundi, ça repartait sérieux un à la banque, l’autre sur un banc place Cathédrale et Bichette aux Archives de l’Etat. Ils avaient la semaine pour reprendre des forces à la java suivante.
Mais, c’était la gracieuse de la maison voisine, la femme du tailleur, qui faisait que je me tracassais le poireau quand Rita partait consoler son Polo.
Ce corps ! Cette gueule à vidanger un régiment de parachutistes… Des yeux en trous de bite... En clandé, elle aurait fait une brique tous les soirs rien, qu’à passer devant dans l’escalier… Maquée, c’était tout bonus, cette femme-là, muscles et rondeurs…
J’ai rien vu d’approchant depuis. Mais son vieux avait pas besoin de ronds. Il lui taillait des robes à même la peau. De ces décolletés, de ces fentes jusqu’au derrière ! Son Christian Dior pouvait plus faire autre chose que mater. Alors, il la mettait quasiment à poil sur le trottoir, puis, il s’amusait des automobilistes qui se rentraient dedans.
Rita appréciait le spectacle rien que pour les fringues, mais fallait qu’elle sorte. Elle était de cette sorte de fugueuse qu’avait besoin que les maçons du chantier d’à côté montent au mur à son passage. Inspirer du vice était son truc, une idée de jeunesse...
On allait souvent à l’Atelier. C’était un troquet innommable. C’est pour ça qu’on l’appelait l’Atelier. On s’asseyait parmi les vieux ustensiles, des masques à gaz, des trottinettes et des lampes tempêtes. Tout ça clignotait dans le bruit infernal de la clinquaille que les ivrognes poussaient de l’épaule, mobiles graisseux et insolites. Pierrot-les-grosses-miches changeait les 33 tours de ses deux platines qualité suédoise d’une main, de l’autre, il partait à la chasse aux strings sous les minis.
C’était un hardi collectionneur qui aurait pu aligner des pots de yaourt ou des boîtes d’allumette de son trou à rat jusqu’à la place Saint-lambert... un ancien scaphandrier qui avait conservé l’équipement de l’Ile Monsin. Quand il s’habillait complet, les rigolos se mettaient à la pompe. Un soir, on riait tellement qu’on pouvait plus agiter le levier et que le soufflet bougeait plus. Grosses-miches devenait bleu. Une chance que Rita avait déjà le béguin pour l’artiste. Elle s’était mise au sauvetage.
Pierrot servait les bières sur les établis déjà encombrés des pièces de tracteur, de vieux ressorts, de pinces grippe, de bidets émaillés et de tringles à rideau. On farfouillait à la recherche de la rareté qui manquait chez soi, un joint de robinet, un bigoudi chauffant, sur des airs de Led Zeppelin.
- You loose everything, disait Harriet, une ancienne institutrice anglaise qui n’avait pu résister au vieux cochon et plaqué son rosbif et ses trois enfants. Elle signalait ainsi à son vieil amant qu’on volait tout ce qui traînait. Les clients ramassait n’importe quoi, des écrous en cuivre, un thermomètre Réaumur sans son mercure. Rita est revenue d’une soirée avec le bourre-fion d’une machine à plaisir. J’ai su après que Pierrot le lui avait dédicacé. Elle se le mettait au train pour dormir. Déjà l’ambiance n’y était plus entre nous.
J’aurais parié dix contre un le jour qu’elle s’est tirée, que c’était avec Grosses-miches.
J’avais tout faux. L’heureux gagnant était un ténor… un rital qui s’était pété la rotule dans un match de foot pour seniors et qui pouvait plus faire Rodolphe dans la Bohême à marcher la jambe raide.
Elle a fichu le camp comme elle s’était tirée de chez Polo, vite fait, liquettes et carte de crédit, un jour que j’avais la berlue à force de zyeuter la femme du tailleur.
J’ai cru qu’elle faisait les cent pas place Saint-Denis, derrière Saint-Lambert. Erreur ! Madame quitte plus son claudicant. En récompense, elle reçoit parfois une beigne qui l’empêche de se montrer pendant huit jours… enfin, c’est Polo qui me l’a dit alors qu’il sortait de chez Schumacher avec une escalope de veau pour sa Rita chérie…
Paraît qu’elle aime la trempe. Ça lui fait le cuberdon luminescent… Comme quoi !

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