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Rose a 120 ans !

-Ça vous fait quoi ?
-Kumin ?
-D’avoir 120 ans ?
- Tant que ça !
-Vous connaissez Elio Di Rupo ?
-C’est qui ?
-Votre arrière petit fils !
-Kumin ?
-Celui qui vous préside !
-Un ouverier ?
-Pas lui, mais ceux qui votent pour lui.
-Si ce n’est pas un ouverier, comment ça se fait qu’il est mon arrière petit fils ?
- C’est qui votre arrière petit fils, alors ?
-Emile Vandervelde.
-Vous l’avez bien connu ?
-Kumin ?
-Emile Vandervelde ?
-On a eu des enfants ensemble. On était des jeunes gens de gauche.
-Comment était-il ?
- Beau. Il me disait toujours, Rose, ceux qui viennent ne nous vaudront jamais.
-Vous l’avez cru ?
-Regarde comme ils s’occupent de moi ?
-Ils fêtent vos 120 ans, quand même.
-Après la fête, ils me remettront aux « Heures tranquilles ».
-Vous n’êtes pas bien au home ?
-Quand je pense que c’est mon fils Jules Destrée qui les a élevés !
-Ceux-là qui ?
-Bien oui, les collaborateurs des libéraux, tiens.
-Vous avez honte de vos petits enfants ?
- Des ingrats qui ne savent plus d’où ils viennent.
- Rose, est-ce que vos arrières petites filles viennent vous voir au « Heures tranquilles » ?
-Jamais, tiens. Je suis bien trop peu de choses pour elles !
-Même pas une petite carte pour le nouvel an ?

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-Kumin ?
-Une carte de temps en temps ?
-Anne-Marie m’écrit de temps en temps.
-Celle-là écrit à tout le monde.
-Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais l’infirmière m’a lu sa dernière lettre. Personne n’y a rien compris.
-Qu’est-ce qu’elle disait ?
- Elle demandait que je revoie ma position au sujet d’une affaire de ce je ne sais quoi qui se passe au tribunal !
-Qu’avez-vous fait ?
-La lettre est toujours dans le bureau de la directrice.
-Qu’est-ce qu’elle fait là ?
-C’est pour un dossier, qu’elle m’a dit, au cas où mes petits enfants ne paieraient plus la maison de retraite.
-Avez-vous appris pour Guy ?
-Le gamin, c’est jeune, hein !...
- Il venait vous voir ?
-Non, hein, comme tous les autres. Pourtant, avant il venait souvent. Il embrassait tout le monde et il nous apportait des gâteaux, et puis....
- Puis ?
-Bien, c’est après quand je lui ai fait une procuration pour qu’il vote à ma place. On ne l’a plus revu. C’est quand même fort, hein, Charles.
-Charles ? Moi, je suis Jean-Maurice.
-Jean-Maurice?
-Oui, le fils de Fernand.
-Ah ! avec mes yeux… je croyais que c’était Charles.
-Quel Charles ?
-Bien, le fils de Louis Michel.
-Qu’est-ce qu’il vient faire ici ?
-Il vient prendre de mes nouvelles. Quand je lui dis que ça va, on voit bien que ça ne lui fait pas plaisir et comme il est gentil, je lui dis que je n’en ai plus pour longtemps. Il repart tout content.
-Et la procuration, comme Guy est mort, qu’est-ce qu’elle est devenue ?
-Est-ce que je sais moi.
-Si vous m’en signiez une autre ?
-Comme ça je ne te verrais plus ! Si j’avais encore la force je ficherais tout le monde à la porte.
-Vous les excluriez ?
-Pourquoi pas. Ils ne sont plus de ma famille depuis longtemps.

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