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Nous nous sommes tant plus !

Six mois sans nouvelle !
Bien sûr, nous nous sommes quittés sans un mot. Tu ne m’en prodigueras plus de ta voix douce… d’autant douce que tes collègues ont l’oreille fine ! !
Et l’inquiétude dans laquelle je suis, cela compte-t-il pour toi ?
Certes, j’ai reçu de ladite clinique beaucoup de mots qui ne signalaient en rien ta chère présence. On ne peut pas dire que les suppléments d’honoraire, les tubes à peine ouverts mais qu’on paie en entier, la moindre attache, la moindre bande velpo s’ajoutant aux frais de bureau, seraient perçus comme une manifestation d’intérêt de ta part !
Qu’est-ce qui ne s’est rien passé qui aurait pu altérer nos non-relations ?
Nous nous sommes vouvoyés, avec une certaine solennité de ma part. Le phénomène devait te sembler extraterrestre par comparaison à la clientèle habituelle. Si bien que tu prias ta fille de passer par hasard à l’heure d’un de nos rendez-vous. Tu te fiais à son jugement. Peut-être influença-t-elle la suite de nos relations ?
J’avais une façon singulière d’appuyer goulûment sur « am » de Myriam, comme pour « miam-miam ». Nous nous sommes regardés de travers sans animosité. Notre position en quinconce en était la cause. Commencer des amours en biais n’aurait pas été de bon augure. Aussi nous ne nous sommes pas aimés ni de trois quarts, ni de moitié, alors que je serais descendu au dixième !
Ton œil éléate se mouillait parfois à certaines élucubrations, après que nous eussions disparus derrière de grandes voiles jadis blanches. Comme cela a dû changer !
Tu faisais preuve de fidélité par la tranquille assurance avec laquelle tu m’inscrivais dans tes agendas.
Que de choses ai-je perdues !
Pour t’oublier, j’ai voyagé, comme lorsque tu voyageais par les chromos offerts par ton père du temps de ta jeunesse.
Je te vis partout… une fin d’après-midi de mousson au Hawal Mahal, palais du vent, à Jaipur. Tu étais en cotonnade blanche, comme Tara la déesse aux yeux verts (depuis elle ne quitte plus ma table de travail). Lorsque tu m’as vu, tu étais au bras d’un fermier hesbignon. Je vous ai suivis un temps dans le Bazar et lorsque je l’ai vu t’offrir une tour Eiffel dans une boule de verre, je n’ai pas attendu qu’il neige pour mettre entre ce rustre et moi au moins deux mille cinq cents kilomètres.
A peine un mois plus tard, j’étais à Troie, cherchant ton souffle sur la colline. Nous étions, le vent et moi, à huit kilomètres de la mer. Selon la tradition homérique, tu ne pouvais apparaître qu’en Belle Hélène… Hélas ! le golfe d’Adramyttium n’était qu’un wharf pour touristes bruxellois. Je n’étais pas Pâris. Par contre l’homme qui t’accompagnait, était le roi Priam. Je l’ai reconnu à sa démarche chaloupée de paysan de l’Hellespont, vaincu une seconde fois par Ménélas…
Dans le souk, j’étais si près de ta nuque que sous quelques cheveux follets, j’en admirai le grain. Je murmurai « Iyi bayramlar ». Priam t’offrit un coupe-papier au manche en peluche de tigre. C’était si horrible que je vomis derrière des cageots.
Depuis je ne voyage plus, peur de rencontrer tes amants.

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Tu n’as qu’un seul défaut, celui d’accompagner ton goût pour les choses fines de l’art et des textes, de la consternante balourdise des hommes que tu es seule à apprécier.
Ton dernier butor me crucifie, puisque je sais que c’est rédhibitoire à nous.
La peur me vient d’une rencontre avec un de ces sanguins rustiques qui ont l’heur de te plaire, malgré l’air de sortir d’un tracteur sucrier !
L’autre jour, Perspective Newski, j’étais persuadé que nous marchions sur les trottoirs opposés vers le musée Pouchkine…
Ah ! si seulement encore une fois, vous pouviez me toucher le bras…
Depuis, je ne sors plus de mon lit et j’ai renoncé à la revue « Voyages ».

Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé

Elle a l’aspect charmant
D’une adorable rousse
Ses cheveux sont d’or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les roses-thé qui se fanent
Mais riez de moi
Hommes de partout surtout gens d’ici
Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi

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