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Du X sur Mobistar.

- Allô Noix de Coco ? Ici Foirine. Tu vas bien ?
-Justement j’y suis. C’est sans problème. Comment ça va, toi, ma puce ?
-Quand est-ce qu’on se voit ?
-J‘ai un car le 12, donc d’ici là.
-Aujourd’hui j’ai mes brouilleries. Mettons demain à 14 heures ?
-C’est bon pour moi. Et Sans-toi-je-n’ai-plus-rien à sa brocante, comme d’habitude ?
-Avant qu’il parte, on a eu une explication.
-Et alors ?
-Je veux plus qu’i’ m’ touche. On se tourne le dos pour dormir. Quand il veut le faire, je pense fort à toi et je me mets à ricaner.
-C’est efficace ?
- Ça le refroidit. Il grogne un peu. Parfois il garde volontairement la main sur ma fesse gauche.
-Pourquoi la gauche ?
-Parce que je dors sur le côté droit.
-Tu sais que je commence à être jaloux !
- Faut pas bijoux. On ne fait plus rien depuis longtemps. C’est un vieux…
-Il a quand même dix ans de moins que moi !
-Toi, ce n’est pas la même chose. Qu’est-ce que j’entends, là ?
-C’est rien. C’est moi qui tire la chasse. Je dépose le portable, faut que j’m’essuie…
-Tu penses à moi ?
-C’est qu’en ce moment…
-Tu dois penser à moi tout le temps…
-Merde, je dois encore en reprendre un !
-De quoi, ma puce ?
- Un papier, tiens…
-Même comme ça, tu dois penser à moi… C’est fort tu sais entre nous.
-J’y pense.
-J’entends de nouveau l’eau. T’as une fuite ?
-Je ne sais pas ce que j’ai mangé ces temps-ci, mais j’en ai toujours un qui flotte !
-Ce que t’es drôle ! Quand est-ce que je vais t’avoir pour moi toute seule ?
-El’ Denise, ma marchande de cravate m’a beaucoup aidé quand j’étais chômeur.
-C’est vrai. Mais tu ne l’aimes plus au moins l’el Denise ?
-Pourquoi tu dis l’el’ Denise ?
-C’est toi qu’as dit l’el’ Denise !...
-J’ai pas dit l’el’ Denise, mais elle, Denise… T’as beau m’ dire que tu vas le foutre dehors, t’es quand même toujours avec le brocanteur…
-Tu ne fais plus rien avec elle, dis ma puce ?
-Elle a la clé d’Andrimont. Voilà dix ans qu’elle vient le week-end. On dort chacun de son côté, comme toi avec Sans-toi-je-n’ai-plus-rien.

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-Crois-tu qu’ils sont malheureux, ceux qu’on n’aime plus ?
-En voilà une question ! Est-ce qu’ils nous demandent si nous sommes heureux de ne plus les aimer?
-Non.
-Ce sont des égoïstes. Ça les fait jouir, le malheur.
-Qu’est-ce que tu m’as rapporté de ton dernier voyage en Toscane ?
-Un bouton de la veste d’un Uhlan de la guerre 14. Un collègue l’a trouvé à Douaumont. La guerre 14, c’est mon dada…
-C’est pour moi ?
-Non. Mais je te le montrerai.
-Qu’est-ce que tu fais, j’entends un bruit.
-C’est l’armoire de l’entrée. Elle grince.
-Tu fais quoi, dans l’armoire de l’entrée ?
-Il faut que je change de slip. En me levant du pot, j’ai jeté un œil sur le fond. Tu ne viens que demain, j’ai le temps de me changer, mais tout de même, ne serait-ce que pour moi…
-Ma puce, t’as beaucoup d’hygiène. Je considère ça comme une preuve d’amour.
-C’est la moindre des choses. Je l’avais sur le cul depuis 8 jours. Quand ça pue, je change. Sauf en voyage, je les garde plus longtemps. J’prends l’minimum. Puis… les femmes qui voyagent aiment les odeurs fortes. Elles me sentent venir la nuit dans le couloir de l’hôtel.
-T’es professionnel, ma puce. T’as du métier, tu sais… Tu m’finis Verdun demain ?
-Si tu veux. On était à octobre 1916, le Chemin des Dames….
-J’apprécie ton romantisme. Tu te rappelles, ta façon de m’ regarder l’air malheureux, tandis que Sans-toi-je-n’ai-plus-rien courait me chercher un sorbet. T’étais magnifique !
-Si tu m’avais connu il y a 40 ans !
-T’as dû en faire des conquêtes !
-Non, pas du tout. Il y a 40 ans, les femmes aimaient déjà les vieux.
-Je dois te laisser. J’entends Sans-toi-je-n’ai-plus-rien qu’a fini la vaisselle.
-Tu vas mettre quoi pour dormir avec lui ?
-J’ suis à poil comme d’habitude. Si je mettais quelqu’ chose, il se méfierait.
-Mais, puisqu’il sait tout ?
-Il pense que c’est fini nous deux. Demain, je vais voir une avocate. C’est une bonne. C’est une lesbienne qu’a horreur des hommes. Tout ce que j’ veux, c’est qu’i’ foute le camp et que je garde tout’ la brocante pour not’ futur commerce.
-T’as raison. Arrange-le. I’ nous a assez emmerdé… hein, ma Foirine !

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