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Une travailleuse pleine de charme

Ces temps-ci, Madame Arena exalte pour les chômeurs ataraxiques les joies saines du travail, l’initiative privée et le bonheur de faire. Elle se comporte comme l’amiral en faction devant des bars à Pigalle qui accoste les passants « Petites femmes, sexe, plaisir pour pas cher ! Elles sont belles, elles sont jeunes et brûlantes… Entrez… Pas d’inscription, c’est gratuit. » A l’intérieur, accoudées au bar, quelques vieilles poules en manque, sans julot depuis dix ans, ont dans le regard le pathétique de la difficulté financière permanente.
Une fleur à la belle et mince Marie : il est exact que l’on peut tirer du travail quelque avantage moral.
Le travail par son côté noble est bon à l’homme. Le travail comble souvent le vide d’une vie. Il a le mérite de détourner notre regard de cet autre nous-même que nous ne connaissons pas. Il peuple notre solitude. Il occupe notre esprit. A bien considérer, le travail amuse notre vanité, nous donne souvent une meilleure opinion de nous-même, ce faisant, nous protège du dégoût qu’a le dépressif de sa personne !
Par le travail, nous croyons entreprendre sur les destins et forcer le nôtre à des réussites jusque là inespérée. Le mirage de l’indépendance est au bout du chemin et nous sommes certains de l’acquérir par une régulière ascension sociale. Nous y aurons la joie de commander les autres et de nous faire respecter. Même si c’est unilatéral, nous aurons le pouvoir de licencier ou d’augmenter les personnels.
Le travail fait de nous des êtres quasiment divins… des héros, décorés, applaudis et parfois honorés par le roi.
Tout cela est vrai… sauf un détail.
Ce que la charmante et svelte Marie nous propose est tout ce que l’on veut, sauf un travail, à quelques rares exceptions près…

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C’est une des misères de la langue française de ne pas avoir créé dès l’ère industrielle un vocable pour désigner le travail à la chaîne, parcellisé, minuté, scruté, le travail infâme des culs de basses-fosses des mines, des carrières, le labeur infernal des paysans pauvres, parfois battus et mal payés, les « carrières » de ces couturières en chambre, pas assez jolies pour être jetées dans la prostitution et qu’on attache à une machine à coudre dès l’âge le plus tendre, pour nous fabriquer des chemises à 5 euros, des métiers relookés pour technicienne de surface… à se flinguer un lundi matin.
Enfin, la recherche d’un Walhalla productiviste, sur les lèvres vermeilles de la sculpturale Marie n’a rien de commun avec la misère ambulatoire de la jeunesse qui voudrait louer sa force de travail et qui ne trouve que sarcasmes et indifférence.
C’est un mythe, dont en sirène, elle vante les mérites, jouant sur la confusion des genres afin de culpabiliser ceux – surtout les artistes et les poètes – qui n’en ont rien à foutre de s’aller vendre aux suppôts de René Mené, ces viandards des petites et moyennes entreprises. A cause d’elle, des malheureux grossiront le flot des travailleurs infortunés sans protection sociale, bloqués aux portes de la middle class triomphante, par peur d’y perdre leur âme en y entrant.
Afin de trouver un terme adéquat de substitution au mot « travail », j’avais pensé au mot « corvée ». Malheureusement, le mot s’emploie pour désigner un travail forcé et obligatoire, ce qui jusque-là convient, mais non rémunéré. Or, même avec des clopinettes, ce que la troublante Marie nous propose est jusqu’à aujourd’hui toujours payé.
Si la ministre a une idée ?
Prestant pour du fric, elle, au moins, a un métier dans lequel elle s’exprime. Elle ne s’en prive pas.
Elle est donc aussi mal placée de parler du travail qu’Etienne Davignon de la faim dans le monde. Sa fonction n’est-elle pas de rendre heureux le plus grand nombre d’habitants de cette Wallonie qu’elle dirige de ses petits doigts de fée dont nulle serpillière ne ternira jamais les ongles, sans les pousser à des ignominies !
Lancer un concours, afin d’imaginer un mot nouveau pour qualifier les besognes que la rayonnante Marie nous propose, serait remettre les choses à leur juste valeur.
Pourquoi ne le ferais-je pas ce concours ? Avez-vous déjà vu, hélas, un texte de Richard III toujours beaucoup « trop long », réussir dans un « concours » ?
Une association d’idées contractée en un vocable nous sauverait de la pauvreté actuelle. Il existe tant de manières différentes d’évoquer les plaisirs de l’amour, qu’il doit bien se trouver quelque part un néologisme capable de désigner l’ersatz du travail.
J’avais pensé à « enculade ». Malheureusement la connotation est péjorative et je l’ai abandonné. Cela aurait été jouissif d’entendre la gracieuse M. A. (voir les qualificatifs plus haut) et le rubicond Mené en conférence avec Didier Reynders nous parler d’enculade… « L’enculade a encore progressé dans la région de Mons, grâce aux efforts du bourgmestre ».
L’ennui c’est que si « travail » à naturellement son activiste : le « travailleur », l’ « enculade » aurait aussi naturellement le sien : « enculé ». On voit l’impasse !

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