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Gare au gorille !

Tous les prétentieux dans l’exceptionnelle nature de l’homme et tous les béats devant la création divine de nos petites personnes ont pris un sale coup à la nouvelle ; nous ne sommes plus les seuls hominidés !
Non seulement plusieurs découvertes de fossiles remettent en cause les conditions de l’émergence en solitaire « génial » de l’homo sapiens sapiens, mais voilà que les hommes de science s’en mêlant, le séquençage du génome des grands singes nous prouve que ces aimables quadrumanes ne sont pas nos cousins, mais nos demi-frères ! Identiques à 99 % ! Et encore, on n’est pas sûr que le % qui manque ne soit pas plutôt la lente et « admirable » évolution d’un acquis des belles manières.
Déjà en 1871, les affirmations de Darwin avaient bouleversé la bonne société londonienne au point qu’une lady se serait écriée au milieu d’un salon de thé à la nouvelle qu’une de ses aïeules était une guenon : « Oh ! mon Dieu, pourvu que cela ne se sache pas ! ».
Près d’un siècle et demi plus tard cela se sait, et en plus cela ne se discute pas.
La main de ma sœur pourra s’égarer dorénavant dans les poils pubiens d’un bonobo sans scandale !
Il y a quand même des différences entre demi-frères, par exemple cette propension qu’a le singe à montrer son derrière en public, alors que nous, nous ne le faisons que dans les films X et dans quelques rares exceptions où parfois l’homo surpasse le singe en « laides manières » (le clubman échangiste branché n’en est pas loin).
La prétention d’Honoré de Balzac à la bonne bourgeoisie, n’a jamais étouffé en lui l’immense génie. Je cite avec un délicat plaisir : « Les parvenus sont comme les singes desquels ils ont l’adresse : on les voit en hauteur, on admire leur agilité pendant l’escalade, mais, arrivés à la cime, on n’aperçoit plus que leurs côtés honteux. »
Nous voilà beaux ! Nos illustres, le pape, Chirac, Albert II, les frères Schumacher, l’épicier du coin, moi, ma concierge et Jean-Paul Sartre : dès que nous nous élevons un peu, c’est mathématique et facilement vérifiable, on ne voit plus que les culs !
Mais comment voulez-vous qu’on soit sérieux ? L’autorité morale, les rois du pognon, enfin tout ce qui fait la grandeur des peuples à ne pas se diriger eux-mêmes, nous pousseraient dans le dos, alors qu’ils ne sont que des singes !
On s’en doutait un peu quand on voit sous quel déguisement les sapiens se produisent. Les Immortels en habit vert, les curés durant leur messe, les généraux de Bush en tenue de combat alors qu’ils ne quittent pas leur bureau de Bagad, oui on s‘en doutait. Il y avait quelque chose de simiesque dans leur attitude. Mais c’est surtout le discours qui les dénonçait. La phrase louche, les promesses extravagantes, les apologies à des gloires supposées, c’est tout le gorille arboricole qui se dresse, bombe le torse et se bat la coulpe avec les poings serrés, pour grogner n’importe quoi.
Si nos demi-frères réintègrent la grande famille, cela va poser des problèmes sérieux. Je ne vois pas qui pourrait résister à Kong s’il se mêlait à faire de la boxe ou du catch, même les sumos voleraient dans les balustrades. Un bonobo au saut à la perche, on ne sait pas jusqu’où il pourrait monter. Et même en vitesse pure, on se ferait battre par des ouistitis.
A l’avenir, ce sera un chimpanzé qui présentera un homme au tour d’adresse dans un cirque et j’aurai sans doute des problèmes de rivalité avec l’un ou l’autre demi-frère tant leur ardeur sexuelle est reconnue, comme tout le monde peut encore le voir pour un temps devant la cage des grands singes… pour un temps, disé-je, car il va de soi que nous ne pourrons plus traiter comme des animaux inférieurs, nos nouveaux compatriotes.

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Reste à savoir ce qu’ils pensent du système capitaliste et s’ils ne vont pas émigrer en masse aux Etat-Unis où déjà à la maison Blanche, un des leurs a pris le pouvoir ?
Cet avènement était souhaitable. Cela va débloquer notre conformisme. Par exemple, la femme que j’aime est mariée. Mais, avec la nouvelle vision du monde, son mari est-il un mâle dominant ? A-t-il la capacité de l’épouiller ? Peut-il chercher avec agilité le grille-pain au-dessus de l’armoire ? Et cueillir les cerises du jardin sans échelle ? Et si par un renversement de situation – ce qui est déjà une réforme en cours – les femmes devenaient polygames, imitant en cela certaines guenons d’Amazonie (1) ? Ce serait une véritable revanche sur les males polygames que nous sommes bien avant Abraham. Et puis quel progrès et quelle facilité dans les échanges amoureux, quand nos belles nous présenteront d’abord leur derrière avant de nous serrer la main.
Nous sommes à un tournent de l’humanité.
Je vois déjà les astucieux de la Bourse et du Libre échange se ruer sur les plantations de cocotiers et les bananeraies.
Nous avons de grands jours devant nous.
Je cours m’exercer aux anneaux et à la corde. On ne sait jamais que X ayant le choix entre un acrobate et un homme de bureau, ne prenne en grippe le dernier pour se donner toute entière à la voltige et à la copulation en altitude sur une corde… raide, bien entendu. Je la vois bien, elle et moi, sous chapiteau dans nos habits de lumière, c’est-à-dire désormais à poil, faire de l’acrobatie, soutenus par les applaudissements connaisseurs de nos demi-frères.
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1. Quand on ne sait rien du sujet à traiter, il faut toujours citer l’Amazonie.

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