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Amours numériques.

-C’est ça, on se téléphone.
-D’accord on se téléphone.
-Tu ne m’as pas donné ton numéro.
-Je crois que si… De toute manière, je te téléphone…
-Tu n’as pas mon numéro, non plus.
-Je trouverai bien dans l’annuaire.
-Avec seulement mon prénom, tu n’iras pas loin.
-Alors donne-le moi ?
-C’est le 421. 33.16. Tu as pour noter ?
-Pas besoin, je le retiendrai. C’est le 421.43.16.
-33 !
-Comment 33 ?
-Oui, tu as dit le 421.43.16.
-Et alors ?
-C’est le 421.33.16.
-Tu ne vas pas me chipoter pour un chiffre ?…
-Je vois bien que tu n’as pas envie qu’on se revoie ?
-Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
-Tu n’as pas envie de me téléphoner.
-Mais si au 421.23.16…
-33 !...
-Ah ! non… tu ne vas pas recommencer. J’ai dit 33. Alors à bientôt.
-Tu ne m’embrasses pas ?
-Ecoute, en pleine rue… Si ton mari nous voyait ?
-Il vend des bananes à Bamako.
-Et alors ? Avec Googles, Bamako, c’est pas loin.
-Tu n’étais pas ainsi quand nous nous sommes rencontrés.
-Ecoute voilà deux heures, on ne se connaissait pas.
-Oui, mais on est devenu intimes.
-Impeccable. Pour l’être devenus, on l’est devenus…

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-Tu ne m’aimes pas !
-Comment peux-tu dire ça ? N’ai-je pas été à la hauteur ?
-Oui, c’était merveilleux.
-Alors de quoi te plains-tu ?
-La façon dont on se quitte… comme des étrangers.
-Si ton mari fait de l’import-export des bananes à Bamako, ma femme revient tous les jours de son travail par le parc, et elle passe devant l’Holiday’in.
-Tu ne m’as pas dit que tu étais marié.
-Tu avais oublié de préciser que ton mari est dans la banane à Bamako.
-Qu’est-ce que ça change ?
-Tout !
-Je ne comprends pas.
-Moi si !...
-Je t’ai dit que j’étais mariée tout de suite en bougeant mes pentys.
-Tu aurais pu me le dire avant.
-Avant quoi ?
-Que tu enlèves tes pentys.
-Je ne vois pas ce que ça aurait pu changer ?
-Tout.
-Comment tout ?
-Oui, tu ne prends aucun risque dans le fond, puisque Bernard vend des bananes à Bamako, tandis que moi, avec ma femme qui est avocate et qui a son cabinet pas trop loin, ça craint.
-Mais puisque nous nous aimons et que nous allons vivre ensemble…
-J’ai dit ça ?
-Oui, quand j’ai enlevé mon soutien-gorge.
-Enfin, on en reparlera. De toute façon, j’ai ton numéro ;
-Tu peux le rappeler ?
-Quand tu veux. C’est le 421.33 – tu vois je dis bien le 33 – 26.
-Non, 16.
-Tu ne sais plus ce que tu dis. Ce n’est pas le 33 alors ? Franchement, il faudrait savoir.
-Laisse tomber, chéri. Ce n’est pas grave. J’ai compris que tu ne me téléphoneras jamais.
-Qu’est-ce qui te fait dire ça ? J’ai ton numéro, là, gravé et je te téléphonerai la semaine prochaine au 421.23.26. C’est d’autant plus facile qu’il y a trois 2. C’est impossible de se tromper !

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