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Moi, honnête ?

Un nul parle de sa politique et se fait applaudir. Je me dis qu’à sa place, J’aurais pu faire mieux.
On se le dit, mais entre ce que l’on pense de soi et ce que les autres pensent de vous, il y a de la marge.
D’abord est-ce que les autres pensent seulement quelque chose de vous ?
A part ce type sur l’estrade qui a ramé 25 ans dans des comités et des brasseries pour qu’on le reconnaisse, l’entourage a des visages qui ne disent rien. Même vous, vous n’auriez pas eu la patience (le nul appelle cela dévouement) d’atteindre à cette notoriété par « usure ».
Bien sûr, on a des contacts, on est même parfois si près des autres que l’on peut non seulement leur parler, mais encore les toucher. Est-ce pour cela qu’on les connaît et qu’ils vous connaissent, a fortiori pourquoi voulez-vous qu’ils pensent quelque chose de vous, alors que la plupart du temps, vous ne pensez rien d’eux ?
Le nul sur l’estrade qui pérore semble être connu, à en croire les regards chargés d’admiration des fans.
Et d’abord quel est le langage que vous tiendriez à sa place ?
Un langage si radicalement opposé, pensez-vous, que vous attireriez davantage l’attention. Oui, certes, mais la sympathie ? Peut-être qu’en développant vos raisons, alièneriez-vous la sympathie bon enfant du public ?
De quel droit monteriez-vous sur l’estrade, alors que vous n’avez pas galéré dans des comités à tenir la serviette des vieux, à prévenir leurs envies et à ranger les chaises ?
Qui sait si l’émotion ne vous étreindrait pas au point de perdre le fil de ce que vous alliez marteler comme vérités premières ?
Et puis vous savez bien qu’on ne peut pas avoir un autre discours que celui que les gens attendent. Ils sont là pour écouter celui qui parle leur dire qu’ils ont raison.
Ne vous méprenez pas sur vous-même en restant anonyme.
Vous vous imaginez quoi ? Que vous pourriez refaire tout autrement votre existence, s’il vous était loisible de la détricoter pour la retricoter selon un autre point, avec d’autres aiguilles ?
Une vie supposée n’est-elle pas induite de ce qu’elle est ? La vie imaginaire est magnifiée parce que justement elle n’a pas eu lieu.
Il est pénible de convenir – de moi à moi – que ce que nous sommes n’est pas le fruit du hasard, mais de la conjonction de notre personnalité et des circonstances. Avec ce que nous étions au départ – les 5 premières années déterminent toute la suite – je présume que nous la recommencerions presque à l’identique. Ou alors, il faudrait revenir à notre gestation, pourquoi pas supposer dans le ventre d’une autre mère tant qu’on y est, avec un autre père, autrement dit, être quelqu’un de tout à fait autre et qui n’aurait plus rien à voir avec vous.
N’est-ce pas absurde ?

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A force de se dire qu’on ne ferait pas deux fois la même erreur, nous nous convainquons que l’expérience nous apprend à mieux vivre.
Mais, il y a des casiers judiciaires impressionnants. Et puis combien de divorcés se remarient pour divorcer une deuxième fois ?
Nous nous consolons de l’échec de notre vie en pensant que nous avions une vie cachée qui aurait pu être et qui restant ignorée nous donne à la fois les regrets de n’avoir pas pu l’exhumer et aussi de nourrir l’estime que nous avons de nous-mêmes, en imaginant qu’elle nous aurait transcendé ; car, évidemment, nous valons tous beaucoup plus que ce que nous paraissons.
De cela émane la question de fond : la vie que nous menons et parce qu’il n’y en a pas d’autres, la vie donc, de vous à moi, vaut-elle la peine d’être vécue ?
Au début de ce billet, j’écoutais un nul parler de politique devant une foule conquise à l’avance.
Lorsqu’il est descendu des tréteaux serrer des mains et embrasser le troisième âge, je n’avais même pas écouté son beau discours.
Je ne sais même pas s’il est aussi nul !
Je vais pourtant le démolir au nom de mes principes et de mes convictions.
Si je ne l’ai pas encore fait et que j’hésite, c’est parce que je me demande si j’ai une conviction et quels sont mes principes ?
La politique, quand on est un petit peu honnête avec soi-même, ce n’est pas simple. Quant à l’être avec les autres, sans barguigner, c’est impossible.

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