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Le vrai est faux, vice et versa…

…Aristote : Éthique à Nicomaque.

Engagé à la pige dans « L’Uni vers elles » un journal de cul, une sorte de « Paris Match » en pire, Albert Défleury commit quelques temps des reportages spéciaux pour ladite revue afin d’arrondir ses fins de mois.
La recette en était simple. Chaque fait divers parfaitement anodin au départ finissait en dessous roses, soupirs prolongés et crises sado-masochistes. Que la chose fût vécue chez le boulanger, au bureau de poste ou au collège des oiseaux, le résultat était le même, tout devenait torride et incompréhensible, tant avec les mitrons, qu’avec la receveuse des postes ou la principale du collège.
La direction de « L’Uni vers elles » composée d’une ancienne Sapho de la rue Saint-Denis et d’un expert-comptable, interdit d’exercer, était fort satisfaite des contes fournis en parallèle du tour des commissariats, au point qu’Albert Défleury fut déchargé d’inspecter les tinettes des hôtels de la place, afin de se consacrer davantage aux partouzes de son imaginaire.
Bien que mieux payé, privé du pavé, Albert Défleury perdit son imagination. Il n’atteignait les sommets de la lubricité qu’à coups de citations dont il s’appropriait la paternité, Sapho et René le comptable n’étaient que des commerçants, c’est-à-dire des êtres voués à faire de l’argent par tous les moyens et y ayant sacrifié tout espoir de culture, aussi n’y virent-ils que du feu.
Albert de moins en moins inspiré par la fesse, eut l’idée de verser dans le genre policier. Son premier essai fut un coup de maître. Six mois avant les faits, il décrivit par le menu l’affaire Clearstream. Tout y était. Une inspiration intérieure le guidait. Evidement les personnages sous sa plume avaient d’autres identités, parfois n’occupaient pas les mêmes fonctions. Quoique les plus hauts personnages de l’Etat côtoyassent des repris de justice et des hommes de paille dans une fictive représentation de leurs hautes fonctions. Le président de la république s’y appelait Félicien Dupont-Lajoindasse, son premier ministre Gustave de la Suffisance, la ministre de la défense Cori Lame-Lourde et son général – et c’est par lui que les ennuis commencèrent – Charles-Emile Larondelle. Enfin, l’homme à abattre était un certain Kovalski, originaire d’Europe centrale et cependant fort honnête homme.
Albert Défleury ne lisait pas les journaux, aussi n’eut-il pas connaissance des débuts de l’affaire qui mit en scène les premiers ténors de la République et il ne fit donc pas la liaison entre son histoire et la réalité.
C’est le général qui utilisait les pages de « L’uni vers elles » pour parfaire le brillant de ses chaussures, après que sa domestique s’y fût abondamment masturbée dans sa chambre de bonne, qui lut le conte de Défleury et qui s’en ouvrit en haut lieu, alors que l’affaire réelle commençait à peine.
Les coïncidences émurent la DST. Albert Défleury fut suivi de jour comme de nuit.
Un espion venu du froid avait une maîtresse commune avec un commandant des Services. Celui-ci avait la mauvaise habitude de parler en rêvant. L’affaire défraya bientôt la chronique de l’espionnage mondial et chaque pays, après s’être convaincu des dons de voyance d’Albert Défleury en voulut l’exclusivité.

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Si bien qu'il y eut entre les espionnages mondiaux une sorte de révision d’achat. Nul doute que les plus riches, à savoir les Américains achèteraient Albert Défleury afin d’user de ses pouvoirs, pour connaître l’issue de la guerre d’Irak, mais aussi accessoirement, pour lire avant le jugement l’épilogue de l’Affaire Clearstream et savoir si le président allait finir au trou.
Devant cette arme nouvelle de la voyance, les petits Etats qui avaient peine à payer leurs agents, décidèrent d’abattre Albert Défleury, puisqu’ils ne pouvaient pas l’acquérir.
Un après-midi à la terrasse d’un café, Albert prenait le frais un verre à la main. Comme il portait la boisson à la bouche, le verre éclata frappé d’une balle d’un tireur embusqué. Dans l’effervescence qui en suivit, Défleury réussit à s’éclipser. C’est quand le lendemain une brouette de briques tomba à ses pieds d’un échafaudage, qu’il comprit qu’on voulait sa peau.
Il se mit à lire les journaux et fit aisément le rapprochement entre son histoire inventée de toutes pièces et l’actualité.
Il partit le lendemain en rasant les murs. Prit un train, puis deux bus, se retrouva à la frontière espagnole et de là s’enfuit au hasard des routes pour échouer à Trujillo, petite ville d’Espagne où il s’installa au-dessus d’un bar à tapas. Il y serait encore, si le destin n’en avait décidé autrement.

Mais, c’est une autre histoire et à titre personnel, j’ignore encore les raisons qui m’ont fait écrire ce qui précède, ni pourquoi j’ai parlé du destin pour couper court à une histoire déjà trop longue pour ce modeste blog.
Je serais encore dans l’ignorance si je n’avais rencontré, jadis, place du « conducator » une blonde primitivement noire de cheveux qui fuyait un mari franquiste qui la battait régulièrement au nom de la primauté du mâle sur les femmes, d’où probablement mon intention d’y amener Albert.
Fátima me convint et après que nous nous fûmes rassurés mutuellement sur l’excellence de nos intentions, elle me demanda tout naturellement dans un français approximatif comment je m’appelais. Je fus surpris de m’entendre dire : Albert Défleury. Ce n’est pas mon nom, mais il est synonyme d’aventures que je développe ou termine selon mon bon plaisir.
Depuis lors, je ne fais que mentir : notre seul point commun entre Albert Défleury et moi.
C’est que voyez-vous, le mensonge est la seule arme efficace pour voyager. Elle me protège des autres.
Quelques temps plus tard, Fátima retourna chez elle. Son mari n’avait pas été franquiste et était considéré « calle Méjico » comme le plus gentil des hommes. Comme quoi, je n’étais pas le seul à me protéger.

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