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Au gnouf, la bleusaille…

On ne se lasse pas de revoir le film de Kubrick « Full Metal jacket ».
La première demie heure de ce film est tout à fait époustouflante. Les pèquenauds qui ne se sont jamais demandé comment en Amérique et ailleurs on formait des Marines, ont peut-être cru à l’enflure propre à presque toutes les histoires filmées, l’exagération bien connue du cinoche... Et cependant ces séquences sont réalistes et authentiques de vérité.
R. Lee Ermey campe de façon magistrale le sergent Hartman dans le film Full Metal Jacket et pour cause, Ermey est un ancien instructeur du Corps de marine des Etats-Unis, devenu par la suite acteur spécialisé dans des rôles militaires.
Les dialogues du film sont percutants :
Drill Instructor: God was here before the Marine Corps. So you can give your heart to Jesus, but your ass belongs to The Corps. Do you ladies understand?
Rekrutter: Sir! Yes sir!
Drill Instructor: I cant hear you!
Rekrutter: Sir! Yes sir!

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C’est tout à fait la ganache militaire poursuivant une politique préméditée des états-majors afin de rendre à la fois souples et imbéciles les futurs chairs à canon.
En Belgique, les bourgeois patriotes aiment les casernes, les militaires ; et pour cause dans la plupart des cas, ils n’y ont que très peu vécus. Sauf qu’aujourd’hui, à l’ère de la bombe atomique, la troupe n’a plus le prétexte d’être le rempart de la patrie menacée par un voisin européen. Alors, les patriotes inventent une autre forme de service : le civisme armé. C’est la cas de l’Armée belge au service des causes humanitaires, fourrée dans les missions de l’ONU, première à la rédemption des peuples d’Afrique...
Les Amerloques n’en parlons pas. Eux, ils ont la mission de sauver le monde. C’est dire l’ampleur de la tâche !
Le civil avait tendance à se moquer du militaire chez nous où la conscription était obligatoire. C’était un des nombreux paradoxes de l’aventure, puisqu’on était tour à tour, civil et militaire !
Sous nos climats et à l’exception de nos deux plus récentes guerres, ce qui ressortait le plus était le sentiment de perdre un an de vie au minimum, tenaillé par un ennui profond noyé dans la bière.
La fin du service militaire a été une bonne chose. Bien supérieure à ce bienfait serait la suppression complète d’une armée dont la Belgique n’a que faire. Le budget qu’on dégagerait de cette économie suffirait à renflouer l’Enseignement et la recherche.
Reste quelques chefs-d’œuvre des années belliqueuses qui ont surnagé.
D’abord les plaisanteries sur la bêtise du tourlourou, « le train de 8 h 47 » de Courteline, les premières prestations de Fernandel en soldat de 2me classe. Le soldat était une sorte d’ahuri, une bécassine homme, mais qui finissait par montrer sa roublardise sous la couenne de l’idiot du village appelé sous les drapeaux..
Le plus étonnant du genre est sans conteste « casse-pipe » de Louis-ferdinand Céline qui conte les premiers pas du cavalier Destouches, l’auteur lui-même, dans la caserne d’un régiment de cuirassiers.
C’est un petit bijou qui en devient énorme dès la première nuit du soldat Destouches échoué dans un corps de garde avec les hommes de piquet.
Dans l’extrait qui suit, le brigadier Le Meheu procède à la relève des sentinelles ; mais il a oublié le mot de passe.
-T’iras relever l’homme ! T’as compris ? Qui va là ? Tu le connais le mot ?
Juste Kerdoncuf ne le connaissait pas.
-Comment ? Comment ? tu le connais pas ?
Ça alors c’était un monde… il en suffoquait, Le Meheu. Il en trouvait plus ses insultes… Il avait beau lui agiter la lanterne en pleine figure pour lui faire revenir le mot… Ça l ‘a pas fait retrouver quand même… il ruminait farouchement, il grognassait, Kerdoncuf, dans les profondeurs de son col, mais il retrouvait rien du tout.
-Tu te rappelles plus alors, manche ?... Tu sais t’y comment que tu t’appelles au moins ? toi, malheur de la vie ? … C’est infestant pire qu’un bleu un ancien pareil ! Je vais te le dire, moi, le mot !
On s’est alors tous rapprochés, moi-même derrière tous les autres, pour entendre le mot. Amalgamés, ratatinés autour du falot, on grelottait dans le creux de la nuit.
-Ah ! Alors cette poisse ! Je le savais ! Deux mots que c’était même. En partant que j’ai dit à Coëffe : « Tiens voilà, Coëffe, le mot… » Merde ! Ça y était, je le tenais bon. Ah ! dis donc, moi, ça alors ?
Le Meheu rengueulait Kerdoncuf, ça servait pas à grand chose. Il se connaissait plus de colère. Il a eu beau enlever son casque pour que la flotte lui trempe la tête, il bouillait de rage… il en rejetait des vapeurs avec des tonnerres de jurons.
Le mot venait pas quand même, y avait rien à faire.
(extrait de casse pipe page 44 et 45)
Ceux qui ont 20 ans aujourd’hui ne savent pas ce qu’ils ont perdu en coupant au Service. Une fois pour toute, je vais le leur dire : pas grand chose.

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