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Le blog de Percy

La belle était assise
Près du ruisseau coulant
Elle était sans chemise
Un voisin la sautant

C’est dingue comme les femmes « honnêtes » ne sont sollicitées par personne et donc n’ont aucun mérite à conserver leur vertu, alors que celles réputées faciles ont tant de sollicitations qu’elles cèdent à l’une ou à l’autre, sans qu’on ne les crédite du mérite d’avoir résisté quelquefois.
Ah ! Percy… Elle avait de la tendresse pour l’humanité perdue, une affection particulière pour les hommes venus de nulle part et y retournant. Si bien que lorsqu’elle était plaquée, elle se réfugiait dans les bras du suivant, plutôt que courir derrière le lâcheur avec sa valise en carton… et pour cause, puisqu’elle ne savait jamais quelle direction prendre.
C’est ainsi que je la rencontrai aux Guillemins, avant qu’on ne rebaptise la gare d’un autre nom.
Comme un animal perdu que l’on a abandonné pour les vacances, elle faisait fête à tout le monde espérant qu’on la recueillît. Ce fut moi qui obtint ce périlleux privilège. Elle eut la délicatesse de ne pas me dire depuis combien de temps elle faisait les cent pas dans la gare et combien de passants compatissants l’avaient flattée et qu’elle avait suivis, avant d’emboîter mon pas, et me conduire là où elle avait ses habitudes.
Elle me crut aussi l’âme vagabonde, l’esprit chimérique et la constance en berne. C’est donc complètement bouleversée qu’elle me vit prendre avec elle le café du matin et lui demander ses intentions pour la journée.
Nous nous installâmes quelque part sous les toits, elle ne gagnant plus un sou et moi dispersant le dernier argent d’une famille de gens âpres au gain et durs avec eux-mêmes, dont il me restait de quoi faire illusion la belle saison.
Percy était une femme honnête après coup. Pendant les quelques mois que nous vécûmes ensemble, elle me fit part de toutes ses aventures n’en omettant que les plus scabreuses, qu’elle attribua à Meye, un personnage qu’elle avait inventé afin justement de tout me dire, et soulager sa conscience, tout en y diluant sa responsabilité..
Ainsi, certaines personnes allègent leur mémoire et une fois débarrassées du poids de la honte, repartent la conscience tranquille vers des aventures encore plus honteuses.
Aussi me trompa-t-elle tout de suite dans l’attente de ma trahison et avec la satisfaction de l’avoir précédée, ce qui lui donnait le plaisir d’une vengeance anticipée.
Dans les moments d’abandon, elle mentait tellement mal qu’elle finissait par reconnaître qu’elle m’abusait et qu’il fallait mettre cela sur le compte de son bon caractère avec les hommes.
D’ordinaire, je passais l’éponge à la pensée qu’elle avait été surprise par la mauvaise foi de certains partenaires qui ont l’art de saisir le moment où la femme est vulnérable !

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Quelques faiblesses émergeaient davantage, comme cette aventure à Millau avec un vendeur de pizza et cette autre avec un Rigoletto retraité d’une scène lyrique ; mais enfin, elle en ressortait fort contrite et jurait, toujours un peu tard, qu’on ne l’y reprendrait plus. Ce qui ne l’empêchait pas la semaine suivante de s’enflammer pour un mal rasé, un claudicant ou un introverti repentant.
Mon indulgence l’incitait à la confidence. Je ne coupais pas à ses scènes de désespoir auxquelles je participais de mon mieux en forçant sur mon courroux, afin de faire ressortir la douleur du pardon que je lui accordais toujours, d’abord de mauvaise grâce par jeu, puis dans le complet abandon d’une passion d’autant piquante par ses écarts.
Nous en serions restés à ce va-et-vient de la conscience et des sens, quand elle fut touchée par le souffle d’une passion qui l’emporta. Elle ne put plus me sentir. Mes mains sur ses hanches lui devinrent un calvaire, l’expression même de mon désir l’insupportait. Nous fîmes chambre à part. Elle descendit ses affaires dans le réduit où elle occupait ses loisirs à quelques coloriages d’objets enfantins.
La passion est un sentiment passager, mais quand il est neuf, il emporte tout sur son passage. Ce qu’elle fit me laissant peu de linge usagé dont ne voulut pas Mathieu Bellepaume, ancien légionnaire, et objet de sa passion.
Quelques années passèrent.
C’est tout à fait par hasard que j’ai découvert son blog. Elle y expose ses convictions religieuses, y prêche l’abstinence et la chasteté, tout en laissant à la fin un numéro de téléphone avec la mention « les voies du seigneur y sont ainsi plus facilement pénétrables ». Depuis, je me perds en conjectures… J’ai laissé un mot resté sans réponse. Je ne suis plus solvable…
Sur ce blog, elle y parle de ses œuvres, commet quelques vers maladroits, ne nous cèle rien de ses rhumes, de ses lumbagos, de ses emmerdes...
Je crois de plus en plus que la littérature n’est que l’illusion d’une onde pure de ce qui n’est qu’une eau de boudin.

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