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L’avenir aux larbins !

-Mon rêve serait d'avoir une baraque à frites au fond d’un bois pour ne plus voir personne !
-A qui tu vendrais tes frites ?
-Aux scouts qui tiendraient un jamboree dans les environs.
-Bien, tu verrais du monde, alors que tu ne veux plus voir personne !
-Ou artiste adulé des foules et payant ses additions de restaurant en crayonnant sur des nappes.
-Tu ne sais pas dessiner !
-Beaucoup d’artistes ne savent pas dessiner et pourtant, vendent !
-Comme mon voisin qui peint le dimanche et vend des assurances en semaine.
-Que faire alors, si je n’ai pas de talent ?
-La question n’est pas là.
-Ah ?
-La question est : as-tu du fric ? Es-tu connu au départ ? As-tu des relations ?
-Non trois fois.
-Alors, tu la fermes et tu vas bosser.
-Dans quoi ? Je n’ai de goût pour rien.
-Pour bosser, ce n’est pas nécessaire. Tu crois que Verhofstadt a du talent, que Leterme aime ce qu’il fait et que Marc Uyttendaele est un écrivain ?
-Comment cela se fait ?
-Ils ont eu la volonté de sortir du lot. Il était hors de question qu’ils vivent pauvres… Certains ont des relations, d’autres ont fait de bons mariages, tous ont eu du pot…
-Je manque de pot…
-Ils ont fait des études. Tu crois qu’ils ont aimé faire des études ?
-Ils étaient intelligents.
-Pas sûr. La volonté, je te dis, de pas rester dans la merde…
-L’argent ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est qu’on me foute la paix.
-C’est justement ça qu’on ne te laissera pas faire.
-Je n’ai pas d’autre solution que d’aller me vendre ?

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-Non.
-Qui voudrait de moi ?
-Personne !
-Alors à vingt-cinq ans je suis déjà foutu ?
-T’as peut-être une chance, ces moments-ci…
-Laquelle ?
-Tu gueules partout qu’on fait mal à la Belgique, que tu veux pas qu’on lui fasse mal, que tu comprends pas pourquoi les Wallons veulent pas de gouvernement…
-Je peux vivre avec ça ?
-Non. Mais tu amorces la pompe. Tu intéresses les milieux conservateurs.
-Mais, c’est con. Je ne suis pas d’accord.
-Qu’est-ce que tu veux, à part rien foutre ?
-Rien foutre.
-Je te dis que c’est pas possible.
-Dis toujours, alors ?
-Tu vas trouver ceux qui lancent une pétition en faveur de l’unité du royaume. Tu dis que tu veux militer, que tu vas faire signer la pétition au porte à porte… C’est bien le diable si on ne t’invite pas dans les gazettes ou à la radio… que t’aurais pas droit au bol de soupe d’un colonel à la retraite…
-Pour ce qui est du baratin, ça va, je cause. Mais ça mène où ?
-Faudra pas faire le difficile au début. Ton père n’est rien, toi pareil. T’as pas la généalogie favorable… Dans ton cas, on commence petit. On reste modeste. On essaie d’aider ceux qui incarnent la patrie, le royaume, tout le bazar enfin !
-J’ai toujours pas de quoi bouffer !
-T’inquiète. T’auras plus facile d’aller à la gamelle au FOREm ou au CPAS. T’attends de porter une serviette. T’agites ton drapelet, qu’on voie ta tronche… Tu choisis ta pointure. T’envoies des lettres d’amour à la Quiévrain… Tu te rends utile.
-C’est dingue. Tu fais l’apologie du domestique.
-Tu crois qu’ils ne le sont pas tous, plus ou moins ?

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