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Fin des idéologies.

Avant l’actuelle traversée du désert de la pensée socialiste, la “critique sociale” s’était nourrie aux philosophes et aux leaders ouvriers, jusqu’aux années de l’après-guerre, dont mai 68 fut une date clé en France et les grèves de 70-71 en Belgique.
Trois sources de courants d’idées partageaient les opinions de gauche, sans compter les opinions extrémistes : le courant socialiste, le courant communiste et le courant syndicaliste, parfois s’interférant, se superposant ou se complétant.
La récente crise de 190 jours a permis de vérifier qu’il n’y a plus de place pour l’idéologie sociale. Le nationalisme flamand ne porte aucun idéal collectif transcendant, en dehors du droit germanique du sol. La particularité de cette crise réside dans l’identité de vue des deux Communautés : aucune ne possède un mouvement social important.
C’est la fin d’un certain engouement pour le social où l’utopie et l’espoir étaient le vrai défit des peuples, baume des humiliations, des injustices et des souffrances infligées.
Que reste-t-il du discours social ?
C’est dans le syndicalisme que se déclarèrent les premiers symptômes de la fin des grandes critiques sociales, des grands remèdes et des grandes illusions du militantisme moderne : désertion des réunions, disparition des collectifs, effacement du militantisme et du bénévolat, mise en place d’un personnel permanent, Josly Piette en est un pur produit, une « tête de gondole », s’il faut employer le seul langage que l’on comprenne encore : celui de marketing.
Les partis étaient moins pressés d’en finir avec l’idéologie. Les intentions des déclarations de principe avaient encore un effet d’entraînement. Les uns élaboraient des plans de sortie du capitalisme, les autres réfutaient les arguments marxistes pour aménager « un nouveau capitalisme » au profit des travailleurs.
Les syndicats montrèrent la voie collaborationniste, les autres se rendirent à l’évidence.
On ne peut s’insurger que lorsque la politique imposée révolte l’individu.
Certes, aujourd’hui encore, des discours franchement généreux viennent des bases du syndicalisme et du socialisme. Mais ils ne sont pas relayés et surtout ne trouvent pas parmi les permanents et les politiques, les porte-parole qui leur conviendraient.
Ce n’est pas une trahison, puisque les discours économiques dissidents sont minoritaires. C’est le signe d’une nouvelle perception de l’ordre des choses. Cette efficacité qu’il serait temps de définir, n’est en réalité qu’une démission déguisée, une reddition complète aux thèses capitalistes. Elle a le même effet que l’ancien « opium des peuples ». L’idéal s’est mué en une certitude d’impuissance hors des lois économiques et de la mondialisation du commerce.
Le terrain s’est vidé de ses occupants légitimes : les vrais défenseurs des travailleurs.
Le socialisme, le mouvement ouvrier, l’étude des grandes idéologies ne sont plus à la mode. Une lassitude a gagné la vie publique.
Les derniers idéologues vivent à contretemps et ne convainquent plus que quelques disciples. Mais, c’est important. Ainsi rien ne meurt, tout est en sommeil. Nul ne sait quand le réveil se fera, s’il se faisait jamais un jour…

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Il reste à déchiffrer l’immense matériau de l’imprimé socialiste, les doctrines successives et les propagandes qui subsistent du passé, afin de trouver les causes du lent déclin idéologique.
Sur ce vingtième siècle de vastes questions n’ont jamais été posées. Par exemple, comment a-t-on pu pervertir les buts du socialisme et du syndicalisme au point de dissoudre l’argent des cotisations – le nerf de la guerre – dans le paiement des salaires des permanents et l’achat d’immeubles de « standing » ? Comment a-t-on pu réduire l’action mutualiste à la seule ambition de payer les factures des « ayants droits », en dénaturant le caractère social égalitaire par des assurances complémentaires ?
L’étude du processus de désagrégation de la lutte ouvrière dans le fade consensus actuel serait facteur de surprises !
Dans une société qui a intérêt à l’amnésie, le devoir de chacun n’est-il pas de conjurer l’oubli d’un «passé qui ne passe pas». Il est clair que le syndicat FGTB de la place Saint-Paul à Liège ne se servira pas de son outil « La Fondation Renard » pour une entreprise de cette nature, comme les autres Fondations non plus d’ailleurs, qu’elles soient à Mons ou à Charleroi.
La conjoncture intellectuelle réduit les chercheurs à renoncer à l’ambition de comprendre. Elle est prompte à la censure des idées téméraires. Jamais le conformisme n’a été aussi efficace à étouffer les critiques. Pourtant dans une société où le travail est moins rémunéré que le capital, où des slogans comme « travailler plus pour gagner plus » n’auraient jamais été lancés il y a seulement dix ans sans provoquer des émeutes, il serait bien utile de se demander pourquoi ?
Ne sommes-nous pas enfermés dans une rationalité restreinte aux discours officiels du PS ? N’avons-nous pas forclos les questionnements critiques et les démarches téméraires pour ne légitimer que l’insignifiant ?
Aux troubles nationalistes et aux revendications du sol d’une Flandre de droite, si nous opposions une logique retrouvée d’un socialiste humaniste et conquérant ?

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