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Suis-je bête !

Ceux qui ont écrit sur la bêtise s’y sont cassé les dents.
« Qu'est-ce que la bêtise? " est une question aussi peu naturelle à la pensée moderne que "Qu'est-ce que le beau, ou qu’est-ce que le vrai ? "
Dès Périclès, la bêtise commençait aux portes d’Athènes. Ce que Flaubert traduit par : « la bêtise, c’est les autres ». Enfin Renan y trouvait l’idée de l’infini. C’est dire le nombre !
Il est difficile d’écrire sur la bêtise sans s’y inclure.
Car, faut-il être bête pour écrire ! Qu’est-ce qu’on peut récolter, en-dehors des ennuis, en écrivant ? Rien.
Woody Allen met en scène un écrivain « Harry dans tous ses états » qui nourrit son œuvre de ses tribulations avec les femmes de son existence. Elles s’y reconnaissent et c’est une fuite en avant émaillée de justificatifs dérisoires.
Sans compter les plaintes devant les tribunaux, certains en ont été ruinés.
L’excuse de Harry, c’est que Woody en vit. Vu sous cet angle, c’est moins con que celui qui s’auto proclame écrivain, même avec le Goncourt, et qui gagne sa croûte dans les lycées.
Ceux qui prétendent faire de l’art en écrivant me font doucement rigoler. Il y a dans toute forme d’expression une pathétique volonté de paraître doué, d’être un cran au-dessus, bref, d’exposer à la vue des autres une haute opinion de soi. Ce qui est une forme non négligeable de la bêtise.
La bêtise atteint l’universel et risque fort de contrarier Jean-Jacques Rousseau et son homme naturellement bon, dans ce que la bêtise, au mieux, est souvent méchante et, au pire, se révèle d’une grande cruauté inhérente à la nature humaine.
Suffit-il de dénoncer la bêtise pour ne pas être bête ? C’est comme s’il suffisait de se dire philosophe pour l’être.
Cependant que la philosophie devrait ouvrir l’esprit afin que celui-ci se départisse de la bêtise.
C’est rarement le cas.
La bêtise est une sorte de conscription pour une guerre contre l’esprit.
Le bêtise trouve probablement, outres des dispositions particulières, son origine dans l’adulation du Père.
L’Idiot est doté de peu d’imagination et d’une bonne mémoire. Il s’accroche aux idéologies, au clocher et va jusqu’à collectionner les objets de la maison où il est né, quoiqu’il ne soit pas sentimental.

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Il n’a pas la volonté, ni l’imagination de dépasser ce que ses prédécesseurs lui ont enseigné. Il n’a l’ambition d’être notaire que parce que son père l’a été.
D’un patriotisme fervent par transmission d’idée, il lui semble que c’est toujours mieux d’avoir un roi, qu’un président, sauf s’il est en République. Il n’accorde à la nouveauté qu’une attention méfiante. Son esprit se borne à une rationalité d’apothicaire, mesurant tout, donnant à chacune de ses initiatives une portée qu’elle n’a pas, mais qui lui semble propre à rehausser l’estime des autres à son égard. Il n’a de valeur que par l’exemple.
Tiens, on dirait que je fais le portrait d’André Antoine.
L’imbécile ne pouvant voir les choses avec vivacité, il a l’admiration tenace vis-à-vis des personnalités du monde politique. C’est ce qui fait justement, qu’elles le distinguent. Il n’y a tant d’imbéciles dans la politique, que parce qu’ils ont été choisis par ceux qui en étaient de fameux.
De la ruche bourdonnante et travailleuse, il en admire l’ordre. Le travail répétitif le rassure.
Bon lecteur, l’idiot à une mémoire mécanique. Il retient tout, mais sans pouvoir s’en servir. Il n’a pas la capacité de compléter la pensée de l’auteur de la sienne, d’en augmenter le sens ou de l’enrichir de sa critique.
Celui qui ne peut penser par lui-même est dans l’incapacité de penser pour autrui.
Il fait de sa mémoire un fourre-tout d’éléments sans valeur.
L’idiot est sensible à la religion, au message politique, à la « grandeur » de la nation.
Il a pour les idées toutes faites des dispositions naturelles qui le font aimer des chefs.
L’idiot s’attire leur estime par un conservatisme aussi bien de gauche que de droite, qui n’est que le fruit de son incapacité de décision.. La politique qui se résume en gesticulations et surenchères ne se diffuse bien que par le nombre d’idiots.
J’ai écrit ce texte devant un miroir. Et encore, oserais-je le dire ? Tant l’écrivain est tellement content de lui-même que le mépris qu’il confesse de soi est encore une vanité satisfaite.

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