« Le MR entubé… | Accueil | Chasseur de cons »

Idiots ou criminels ?

Les événements économiques conduisent à un resserrement des pouvoirs globalisés. La prophétie de Huxley va se réaliser (1).
En-dehors des décisions qui sont à présent du ressort planétaire, d’autres facteurs sont aux clignotants qui signalent les progrès de la mondialisation de l’économie.
S’il en est un qui nous interpelle directement, c’est bien le déclin du discours politique.
Celui-ci a quasiment disparu. Ce n’est pas que nous manquions de talents oratoires, ni de grands leaders, il se révèle aujourd’hui inexistant parce que le personnel politique a passé le relais au pouvoir économique dont on sait la discrétion.
L’homme politique hésite à se prononcer sur ce qui lui échappe, dans la crainte de se voir contredit par les faits économiques sur lesquels il n’a plus prise.
Que l’on se souvienne : qu’ont-ils encore à voir les leaders d’aujourd’hui, sinon être les pâles copies des grands talents du passé ?
Comment exalter une projection dans un futur que l’on ne maîtrise plus ? Comment faire rêver les foules sans menacer les classes supérieures du courroux légitime des autres ?
Le socialisme qui était porteur d’espoir ne l’est évidemment plus, dans l’abandon de sa doctrine au profit des chimères libérales.
Et comme ces chimères sont elles-mêmes peu de chose devant les métamorphoses capitalistes, force est bien de constater la mort des oppositions au nouveau pouvoir économique.
Les trois familles politiques où se percevaient les différences sont réduites à des instruments de gestion au ras des pâquerettes, à peu près identiques et à bout de souffle.
L’enveloppe vide ne suscite aucun enthousiasme des citoyens. Ceux-ci ont du mal à participer à ce qui reste de vie sociale et à s’intéresser à la vie publique.
On le voit bien dans les lieux de débat contradictoire. Les préoccupations essentielles se sont envolées : l’emploi gratifiant, les conditions de travail et la volonté de l’Etat de contrôler l’économie. Le seul ersatz de remplacement que l’on ait trouvé en Belgique, porte sur les rapports entre les Régions ! Ces débats remplissent le seul rôle que le pouvoir politique peut encore jouer dans un climat chamboulé par les nouvelles règles de marché.
Jusqu’à présent, cette substitution comble les vides, amuse ou terrorise les foules. Les politiques semblent y avoir trouvé le rôle à jouer qu’ils n’avaient plus ailleurs.
Quel est le programme qui pourrait encore remplir les salles, en-dehors de celui de l’antagonisme actuel ?

26kjh.jpg

Mieux encore, la complaisance du pouvoir politique à l’égard de l’économique est tel, que l’on est parvenu à inclure dans les différences entre Wallons et Flamands, la « réussite » économique des derniers, en opposition au peu d’enthousiasme des premiers, sans jamais aborder le problème de fond qui n’est rien autre qu’une stratégie globale sur laquelle nous n’avons aucune prise ! Que Mittal soit né à Liège au lieu du Rajasthan et toute la polémique eût changé de camp !
La politique a profondément évolué au prorata des démissions de compétence. Le désintéressement des masses n’en est que la conséquence.
Le conflit social ne se règle plus au niveau des classes, mais au coup par coup, dans un dysfonctionnement tributaire des facteurs extérieurs et dans une compétition corporatiste intercontinentale qui arrange bien le parti du consensus de l’économie mondiale.
Les idéalistes, ceux qui ont animé la vie sociale, avec une part de naïveté et de romantisme, certes, mais aussi avec la certitude d’une vie meilleure au bout du rêve, ont été liquidés au profit de la réalité mercantile.
Il ne reste à la vie publique, après le « drame » linguistique, que le people et le médiatique.
Le 15 août en Outremeuse en est l’avant goût. Que sont devenus les corporations, les artisans durs à la tâche, ceux qui s’arrêtent un instant de revendiquer afin de souffler un peu, mais dont on voit les outils et la détermination dans le cortège, devenu aujourd’hui tout à fait carnavalesque ?
Que signifie encore l’esprit « Tchantchès », ce petit compagnon de tous les apprentissages, vêtu du sarrau et les sabots aux pieds ?
Cette longue descente vers la médiocrité des pouvoirs, conduit à l’insignifiance et demain, sans doute, au grotesque du politique.
Ce ne serait qu’un travers de plus à la belge, si ce n’était dorénavant un mal propre à l’Europe.
Les aspects essentiels de la condition humaine sortent du domaine public, même si certains partis d’extrême gauche, je pense en France au parti d’Olivier Besancenot, relèvent le défi.
La consommation est le centre d’intérêt exclusif. Il s’inscrit jusque dans le devenir du fédéral, puisque c’est la consommation flamande « freinée » par la « paresse » wallonne qui dresse les gens les uns contre les autres !
On savait les temps d’une grande pauvreté intellectuelle. Beaucoup ignoraient que cela fût à ce point.
Alors, Idiots ou criminels, nos politiques ?
-----
1. Aldous Huxley, « Retour au meilleur des mondes », Plon Pocket 1973. Voir aussi « Le meilleur des mondes », chez le même éditeur.

Poster un commentaire