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Syndrome de la patrie en danger.

Le syndrome de Stendhal est le malaise que l’être sensible – comme devait être l’auteur de la Chartreuse de Parme – ressent devant une œuvre d’art. L’extase le prit au sortir de Santa Croce. Me trouvant à Florence cet été, sur la place de l’église, sur les lieux mêmes du malaise stendhalien, la feuille de salade à vingt euros pour avoir le droit d’être à l’ombre et assis faillit me faire tourner de l’œil, d’autant qu’il fallut aussi payer le couvert en supplément, une arnaque constante dans les moeurs des restaurateurs italiens !
Il existe beaucoup de syndromes à propos d’une série de beautés florentines.
Les éblouissements sont plutôt affaire d’êtres prédisposés, avec des antécédents passés inaperçus du médecin de famille, ou ce sont des vicieux dont les Agences vous diront le pourcentage..
Un voyage ardemment désiré, un marbre de Michel-Ange, comme Pierrot devant le Moïse à Rome et « crac », dirait l’artiste de la pub au pare-brise éclaté, la pathologie se déclare.
Que ceux qui ne partent jamais en vacances se rassurent, on peut être troublé à domicile. Un discours d’Obama, une apparition télévisée de Kouchner devant le Dalaï Lama et « crac » (voir plus haut).
La plupart des extases d’appart’ surviennent surtout à la réception d’un exploit d’huissier ou d’une lettre de licenciement, rarement à la vision d’une voisine en petite tenue.
Certaines crises atteignent des paroxysmes.
D’accord, Pierrot à Rome, c’était moins pour le Moïse que pour les phéromones d’une tour-operator. Mais ça, on ne peut pas savoir ce qui se passe chez les gens atteints.
On s’est jeté dans la Seine pour moins que ça !
Le syndrome de Lourdes est fréquent. C’est tellement connu que les extasiés sont à la merci des pickpockets qui fréquentent les lieux saints assidûment et qui vont jusqu’à provoquer l’extase des autres par la simulation de la leur ! Louis XV avait bien ses convulsionnaires de Saint Médard !
Ayant raté l’extase de Santa Croce, je désespérais de rejoindre Stendhal dans une communion quasiment épilectique, lorsque je fus saisi par la beauté du drame belge !
J’étais rue de la Loi, par hasard, je dus me retenir à la grille du parc en face du 16 !
Le drame est beau quand il est de l’étoffe d’une Bérénice ou d’une Antigone, telles sont nos interprètes Laurette, Evelyne et Isabelle !
Le drame belge joué de la sorte est unique au monde.
Tous ces grands Belges célèbres alors qu’ils ne sont pas morts, dont certains étaient là devant moi, me donnèrent cette émotion intense que je n’avais pas ressentie sur le tombeau de Rossini.
Je fus saisi de logorrhée : « Que c’est beau, c’est beau, c’est beau… ». J’en serais encore à répéter ces paroles, si un militaire armé ne m’avait enjoint de chanter la beauté du site ailleurs.
Et moi qui n’avais plus la moindre once de patriotisme depuis longtemps, je me mis au garde-à-vous !
Intuitivement dans l’immobilité, je sentis sous mes pieds la future frontière linguistique.
« Que ce petit pays est grand », me disais-je, prêt à de nouveaux sanglots. La vue du Palais de justice en contrebas fit sécher mes larmes.
La masse de pierre symbolisant l’ordre et la loi provoqua seulement de la tachycardie.
Je ne voyais plus les passants. Je marchais titubant avec l’impression de rugir comme un lion de l’Atlas ( réminiscence scolaire de Tartarin), alors que de mes lèvres montait un chant d’amour.
Une image m’apparut d’évidence, celle de l’exaltation orgasmique de sainte Thérèse d’Avila. A la place du Bernin, c’était moi qui burinait le carrare en plein milieu de la Chapelle Cornaro de Santa Maria Della Vittoria à Rome que les grands masturbateurs qui s’y connaissent fréquentent afin d’y apprécier en amateurs une manière agréable d’adorer Dieu.
Mais ce n’était pas elle que je voyais dans mon trouble. C’était le visage d’une autre femme. Mais où diable l’avais-je rencontrée ?
Une incarnation pure de la Belgique était devant moi ! Elle était nue évidemment sous la soie du drapeau qu’elle ceignait comme Dorothy Lamour en paréo dans « Toura, déesse de la Jungle » en 1937 !
On sentait sous le voile la riche nature qui s’offre en réparation de nos péchés séparatistes, en même temps que se devinaient ses formes plantureuses.
Ô sainteté suprême, « amour de la patrie, amour que nul n’oublie, chacun en a sa part et tous l‘ont en entier », m’écriais-je, mêlant astucieusement la patrie au poème à la Mère, de Hugo !
Je crus entendre Axel Red me remercier. Un gigantesque drapeau flottait au vent sur une façade officielle, retenu par le doigt même du Dieu de la chapelle Sixtine.. Dans ses plis, je distinguai enfin notre Léopoldine. C’était madame Houard revenant d’Avila qui me souriait !...
Oui, c’était elle l’extasiée, la sublimée, l’hyper Belge !
Je demandai l’heure à un passant. Il me répondit en flamand que j’aille me faire foutre. C’est le moment que choisit un pigeon pour me chier dessus.
Il se mit à pleuvoir. Depuis longtemps le défilé des grosses voitures de la rue de la Loi avait fini par lasser les militaires qui avaient refermé la porte cochère.
Il n’y avait plus que deux ou trois photographes qui traînaient autour d’une dernière BMW espérant y glaner quelques ultimes nouvelles.
Comment étais-je passé aussi vite de la rue de la Loi aux abords du palais de Justice ?
C’était simple, plusieurs jours s’étaient écoulés.
Mon extase avait duré une semaine et j’avais divagué de la place Royale aux Marolles.
Entre-temps, la Flandre avait déclaré son indépendance. Ils allaient annexer Bruxelles, comme Poutine l’Ossétie du Sud, ce que refusait l’OTAN et le Conseil de l’Europe.
J’étais atteint du syndrome des rondelles. C’est fréquent m’expliqua le neurologue. Vous aimez la forme phallique du saucisson. Pour survivre, vous êtes obligé de le découper en rondelles.
Le spécialiste m’apprit aussi à propos de madame Houard que je faisais une fixation sur les femmes rondes.
Mesdames, si vous vous croyez dans le cas… téléphonez-mi….

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