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Une philosophe dans mon boudoir…

Oui, Annie (1), les pâles après-midi des villes sont lents à déchiffrer. Au-dessus de nous, les oiseaux de paradis iront à la rencontre d’une forêt qui marche, puisque celle de Brocéliande s’est offerte à la future bêtise et à ton chagrin.
C’est la liberté d’une vie, douce et rude Annie, qui passe à quelques traits de ma pente asymptote, si proche de la fente avaleuse des hommes.
J’enrage du divan que son noyau de pêche ne soit pas la chose qui te transperce.
Il y a dans la nature ardente de la philosophe, même née Rennoise, un certain parisianisme qui vous cloue un lourdaud de province.
C’est dommage, car comme sont nos rapports inexistants, deviennent nos espérances antinomiques.
Pourtant, ce que tu penses, je le pense et ainsi, forcément, ce que je pense, tu le penses aussi.
Tu m’attends vraiment
Au coin du bois flottant,
Mais tu ne le sais pas.
Gavé d’objets inutiles, l’homme moderne oublie dans la pacotille de ses distractions, l’insensé projet du sexe, le plus sensé qui soit.
Préfacière des langages de Donatien, tu es celle qui contemple les troubles.
La colline de La Coste à l’herbe grasse et longue.
A ton livre j’en déverse les secrets.
Mon regard dans le tien, son encrier du rêve.
Qu’importe, 1942, ce n’est que la somme de seize. L’intemporalité jargonne des mots sans qu’on y sente le papier qui compte ses vergetures.
Tu es du vingtième, comme l’arrondissement. Moi pareil et l’autre siècle est le nôtre.
Nous allons l’amble, en cavale.
J’ouvre ton in folio d’une main qui caresse l’incipit.
A tour de bras
A tour de tête
Vers l’effusion.
Le ciel ne s’est point fracassé sur les toits gris, puisque aucune élite ne fixe pas plus ce qui est au centre, que ce qui s’agite à l’extérieur.
Si souvent bouleversée, quand donc arrêteras-tu, combattante éternelle tes pas dans les miens ?
De Jarry, l’inoubliable à Breton l’oublié, que ne m’épingles-tu papillon sur le buvard de ta fringale.
Dans l’œil blanc des fossés, le passé renversé parle des chevaux pressés et ton hennin, ta coiffe, et je succombe sous le poids de tes ennemis d’acier, et par le bassinet ouvert on voit que s’agite ta chair sous le baldaquin rose, et, et, tu me tues, car je suis de province… et ne sais point retenir le souffle qui m’habite, comme font si bien les intellos de la rive gauche.
La vulgarité est bien la flétrissure de la cité moderne.

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Tous les hommes sont fous et qui n’en veut point voir
Doit rester dans sa chambre et casser son miroir (2)
Tu défais les rubans et c’est le corps de ta somme qui apparaît.
Comme si la vie toute la vie était encastrée dans cette torpeur échevelée de l’attente.
La guerre des goûts du dénommé Sollers, quoique ce dernier t’insupporte, guerrière tu la radicalises dans l’anarchique dessein de ton plaisir sans frontière des genres.
Tu m’attends vraiment
Au coin du bois flottant

Foutre de tout le monde ensemble,
Foutre du livre et du lecteur,
Foutre du sonnet, que t’en semble ? (3)

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1. Annie Le Brun, Ombre pour Ombre, in nrf, Gallimard, 2004.
2. Marquis de Sade.
3. Après La Brune, Claude Le Petit (1638-1662) étranglé et brûlé vif sur décision de justice à Paris pour écrits obscènes.

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