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Nomina si nescis, perit et cognitio rerum (1)

La rage sacrificielle à l’économie de marché a déjà détruit tout un environnement urbain comme la poste et les chemins de fer dans les campagnes et les villages. Elle s’apprête à finir son travail de concentration avec les directives européennes (voir le drame de l’agriculture) et les lois nouvelles en matière de regroupements de soin de santé et des centres d’accès aux communications téléphonie et câblage Internet, TV, etc. Si bien qu’en vertu du profit et de l’intérêt des promoteurs privés, en-dehors des grands centres dont sont exclues des périphéries trop étendues, le fossé va en se creusant entre la vie citadine et la vie à la campagne.
A moins de posséder de sérieux revenus et notamment une, voire deux voitures, poster une lettre, prendre un bus ou se faire soigner d’urgence dans un hôpital proche deviendra impossible – s’il ne l’est déjà - dans certains endroits pas si reculés que cela.
Si l’Europe à laquelle s’accorde trop facilement le gouvernement belge considère que c’est un progrès de s’en remettre au privé pour tout, force est de constater que ce n’est plus l’avis de beaucoup de villageois, qu’on ne peut pas taxer de communistes, puisque les campagnes ont toujours été traditionalistes et conservatrices et donc auraient plutôt tendance de voter à droite.
Si j’ai entrepris depuis six ans d’écrire quelque chose tous les jours et à propos de tout, c’était pour satisfaire à ma passion de l’écriture avant tout et le droit de tout citoyen à l’expression ; mais aussi par un certain goût à la fantaisie. Je me suis souvent contredit. J’ai sans doute pécher par suffisance – ce qui est le masque qui recouvre l’ignorance – mais, je n’ai jamais varié dans la conviction profonde, que je partage sans doute avec beaucoup de lecteurs, d’une profonde dérive du système économique qu’il faut bien appeler par son nom – quoique certains en déduisent une intention péjorative à connotation communiste – de capitaliste.
Ce mot générique recouvre sans doute aujourd’hui deux réalités bien différentes pour une seule signification du dictionnaire.
On entend par capitalisme une société générée par le commerce libre, des entreprises aux dirigeants responsables et présents, avec une population laborieuse certes liée aux progrès, mais aussi aux aléas de cette entreprise, avec une couverture sociale, des droits et des devoirs pour l’ensemble des personnes contractantes.
Cette société déjà fort critiquable dans son fonctionnement par les questions qu’elle soulève au niveau des inégalités et des injustices, cette société à laquelle tiennent encore une majorité de citoyens, puisqu’ils votent régulièrement pour les suppôts de ce mode de vie, c’est-à-dire nos partis actuels au pouvoir ou dans l’opposition, si l’on excepte les extrêmes, eh bien ! cette société capitaliste n’existe plus !
A-t-elle jamais existé diront ses détracteurs, dont parfois je fus ?
C’est un autre débat. Il ne s’agit pas ici de dialectique, mais d’essayer de réfléchir selon le courant général à cette question.
Or, le jugement ancien porté sur le capitalisme qui n’existe plus est reporté sans tout autre discernement sur une autre forme de capitalisme qui n’a pratiquement plus rien à voir avec la forme précédente. En se mondialisant, il ne s’est pas succédé à lui-même, il s’est métamorphosé en autre chose, mais de façon si subtile que la masse ne s’en est pas aperçue..
C’est comme si nous établissions la fiche signalétique d’un animal d’une espèce que nous confondrions avec une autre, ce qui fut le cas avant Buffon et Linné.
La crise boursière de 2008, immédiatement suivie de la récession, comme celle de 1929 fut celle des années noires qui ne virent leur fin que dans le réarmement des USA et de l’Europe à partir de 37-38, a mis à la portée de la réflexion de tous un capitalisme absolument étranger au précédent.
En fonction de la révolution des transports, c’est un capitalisme voyageur qui va aux quatre coins du monde là où les facilités l’attirent, sans autre forme de procès. Un capitalisme déménageur qui a pris l’habitude de gagner plus que le travail qu’il devrait financer en toute humilité, mais qu’il s’approprie en toute arrogance. Un capitalisme sans responsabilité directe, sans représentativité au plus haut des conseils d’administration des lieux où l’action se situe. Si bien qu’il n’est nulle part et partout, sinon bien à l’abri dans des banques d’affaire des paradis financiers. (Oui, il en existe encore). Un capitalisme sans éthique, plus souvent immoral qu’indifférent au sort de ceux qui sont ou ont été à son service.

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L’erreur de la population a considérer ce monstre (monstre se dit d’une erreur de la nature dans un individu par rapport à l’espèce), c’est de le considérer comme s’il n’en était pas un.
Devant un tel bouleversement, si l’aveuglement de la population est compréhensible, l’erreur devient la faute de ceux qui ont sollicité des mandats représentatifs de cette population, en traitant de façon identique de l’autre, ce capitalisme-ci.
C’est là qu’on voit bien l’imposture de ceux qui parlent en notre nom.
Pourquoi le font-ils ? Parce que nous leur avons accordé des privilèges par rapport à nous si bien qu’ils ne se sentent pas menacés par les événements que le nouveau capitalisme suscite.
C’est ainsi qu’ils applaudissent à des événements, à l’Europe, au monde, aux performances en Chine ou aux Indes, aux parts de marché, bref à tout ce qu’ils considèrent comme progrès et qui entraînent au contraire des régressions sévères. Ils tiennent un langage qui ne nous correspond plus. Ils deviennent par la force des choses nos ennemis, mais par glissement et de façon si naturelle que, de leur malfaisance, nous n’en savons rien.
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1. Si tu ignores le nom des choses, même leur connaissance disparaît.

Commentaires

Bien dit...

J'adore cette expression latine très profonde qu'on pourrait d'ailleurs compléter: "mais quand on nomme les choses, la connaissance que nous en avons est imparfaite". Beau sujet de philosophie! En nommant les choses, on leur donne vie dans notre esprit en les individualisant, en en prenant conscience. Mais en même temps, on perd le contact avec la vraie nature de ces choses qu'on identifie à leur dénomination symbolique. On ne connait vraiment les choses que si on les ressent aussi avec le coeur, l'émotion, le ressenti. Nous sommes ainsi condamnés à ce va-et-vient continu. C'est la version de l'adage qui veut que nous ne puissions avoir à la fois le beurre et l'argent du beurre.

Heureusement que les promoteurs publics, eux, construisent des cathédrales impressionnantes et inutiles, mais splendides,
comme à Liège, la nouvelle gare de Guillemins ou la Médiocrité (pardon, la Médiacité)

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