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Polanski, en toute liberté.

Ce qui me gène dans l’affaire Polanski, c’est la rapidité avec laquelle les « élites » artistiques ont couru au sauvetage d’un des leurs.
L’ancienneté des faits, le caractère provocateur de la victime (d’après certaines sources), ce qui de près ou de loin tendait à disculper le cinéaste, laissent le public incertain, depuis que les médias ont relancé en l’amplifiant l’ancien fait-divers. On a eu droit aux arguments les plus spécieux développés par d’autres grands artistes, y compris le ministre de la culture de Sarkozy.
Et ce n’était pas tant sur la manière assez sournoise de la Suisse de coincé Polanski sur réquisition d’un juge américain, que des voix célèbres se sont élevées, mais sur le viol en lui-même qui semblait sortir de son sens au point d’en devenir presque « naturel », alors que ces mêmes élites disent pis que pendre d’individus coupables des mêmes faits, mais inconnus dans le star system.
Frédéric Mitterrand a parlé sur sa lancée d’ancien bonimenteur de télé, d’« une Amérique qui fait peur ». Sans doute dans bien des domaines nous effraie-t-elle ; ce n’était pas du pays en lui-même qui vit l’origine de la crise planétaire, que le ministre de la culture parlait, mais de sa justice.
Or, si les peines qu’elle inflige sont parfois sans commune mesure avec la longévité humaine, comme être condamné à deux cents ans de prison, elle a quand même un mérite que notre justice n’a pas, elle est égalitaire (1) et nous rendrait des points en bien des domaines.
Aux Etats-Unis, les peines prononcées sont d'une autre nature dans le domaine économique et financier qu’en Europe, et particulièrement en Belgique. En 2006, aux USA, un patron voyou a été condamné à 25 ans de prison dans le scandale d'Enron, et Madoff récemment à 150 ans de prison. Il faut croire que nos grands patrons de banque ont tous été reconnus victimes et d’ici à ce que Lippens et Davignon réclament des dommages et intérêts…
Bien sûr, du côté du bourgeoisisme politique, quelques seconds couteaux de la Commune de Charleroi ont passé quelques jours en prison, jamais un ancien ministre n’a écopé du moindre jour de tôle, si l’on excepte Alain Van der Biest, qui avant son suicide passa un temps en détention préventive. L’exemple de Guy Coëme est édifiant. Condamné à une peine assortie du sursis, le socialiste n’a jamais été privé de liberté. Pendant sa traversée du désert, il a été nommé directeur de l'APRIL, une ASBL. Bref, un parachute doré offert par les camarades socialistes, grâce à un financement public. Revenu en politique à partir de janvier 2008, l'APRIL lui a versé 4000 € par mois pour des services de consultance, jusqu’à ce qu’il y renonce par peur du scandale.
Seconde différence de la justice américaine avec notre justice, lorsqu'un accusé est condamné pour plusieurs délits ou crimes, le code pénal belge prévoit la confusion des peines.

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L’évolution des mœurs conduit à plus de sévérité aujourd’hui pour viol sur mineure. Si Polanski est extradé et condamné, il eût mieux valu pour lui qu’on l’eût jugé en 1970. Aujourd’hui les « petites gâteries » en Belgique, relèvent des Assises et peuvent atteindre cinq à dix ans de prison. Quand il y a eu crime, cela peut valoir la perpétuité. Aux USA, c’est à peu près le même tarif, sauf circonstances exceptionnelles, à cette différence que les peines s’exécutent jusqu’au bout.
Pour ma part, je pense que trente ans après les faits, c’est un autre Roman Polanski que l’égrillard de 1970 qui attend dans une geôle, que la Suisse l’extrade vers les USA.
Il y avait bien une autre manière de passer en jugement, c’était de se faire condamner en France avec un dessaisissement de la justice américaine. Avec un bon avocat et les circonstances atténuantes, d’autant que les parents de la victime avaient retiré leur plainte suite à un arrangement à l’amiable, Polanski eût été condamné à six mois avec sursis et voilà longtemps que plus personne n’aurait entendu parler des frasques hollywoodiennes d’un playboy de 40 ans au faîte de la gloire.
Crier avec les loups qu’un homme de 76 ans doit absolument finir ses jours en prison pour une affaire ancienne et qui ne laissa apparemment aucune séquelle, si l’on en juge par les déclarations de la femme épanouie et mère de famille que cette jeune fille de treize ans à l’époque est devenue, me paraît exagéré.
Suffoqué d’indignation avec « l’élite » parce qu’une justice ose réclamer un coupable qui n’est pas n’importe qui, n’est pas mon fort non plus.
C’est la Justice suisse qui s’en sort le plus mal. Le sale boulot qui paraît bien méprisable, c’est elle qui l’a fait !
C’est tout ce qu’on peut en dire.
Quant à comparer cette affaire à celle d’Oscar Wilde, c’est franchement exagéré. « Le crime » de sodomie entre adultes qui conduisit le poète et romancier à la Geôle de Reading, d’où il écrivit la célèbre ballade, son partenaire était consentant. A l’époque, on ne plaisantait pas quand on coinçait un gay. Encore que, pour ceux qui connaissent l’affaire, si Oscar n’avait pas provoqué le père de Douglas, il n’y aurait eu qu’un scandale dans la gentry.
En résumé, que Polanski qui n’a provoqué personne, retrouve sa Mathilde et qu’on n’en parle plus.
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1. Egalitaire dans le sens qu’elle traite aussi bien les puissants que les petits. Bien entendu, sans argent, le prévenu au niveau de sa défense est d’une grande vulnérabilité. Dans ce domaine, la justice américaine n’est pas meilleure que la nôtre. Elle est même pire puisqu’elle a étendu son système de caution aux crimes de sang, ce qui a permis à Polanski de s’éclipser après le viol.

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