« Les grands hommes meurent trop tard ! | Accueil | La vernation de printemps… »

La chronique du règne.

La Libre consacre un article à Patrick Rambaud pour sa troisième chronique du règne de Nicolas Ier. (Grasset, 176 p).
Le texte de cet écrivain est jubilatoire. Les événements qu’il rapporte à la cour de Sa Compulsive Grandeur sont à la fois grossis ou imaginés et pourtant tellement vrais, que l’on se demande si l’actualité ne s’en nourrirait pas, plutôt que l’inverse.
Ce Prix Goncourt 1997 avec «La bataille», sait discipliner sa plume et comme il nous dit être un fervent lecteur du duc de Saint-Simon, il ne serait pas peu flatté si on lui disait que par son style, il en approche.
Henri Tisot a été l’imitateur quasi officiel du général de Gaulle. Au départ à la retraite de ce dernier, Henri Tisot eut bien des difficultés à refaire surface au théâtre. On lui doit quelques livres qui ne sont pas des pastiches du général. Patrick Rambaud n’a pas débuté sa carrière dans l’imitation de Saint-Simon, qui décocha quelques flèches à Louis XIV dont il était mal vu pour avoir quitté trop tôt son service, aussi nous n’avons aucune crainte pour l’avenir de Rambaud, qui n’a jamais été au service du président, par contre on n’en dirait pas autant de son modèle.
Patrick Rambaud serait plutôt un chroniqueur de la trempe de Joinville qui s’illustra sous Saint-Louis.
Pourtant, il se défend d’asseoir sa célébrité en souhaitant que Sarkozy doublât le temps de son règne en 2012. Non pas qu’il lui manque le souffle de Saint-Simon qui arrêta sa chronique à la Régence du neveu du roi, mais il se voit mal passer du père au fils, le prince Jean, en 2017 !
C’est bien la première fois qu’un écrivain programme la fin d’une série, ce que n’ont pas fait Romain Roland et Georges Duhamel. S’ils avaient vécu cent ans, ils eussent rempli les rayons de la Grande Bibliothèque.
Le dernier opus de l’écrivain court du 1er juillet 2008 à l’été 2009. Il déroule la fresque comme sur une tapisserie de Beauvais de Nicolas Ier, «Surempereur providentiel» présidant six mois l’Europe.
Saint-Simon décrivait le règne d’un roi, conquérant, certes, mais pas dans la démesure de Napoléon 1er. Choisissant Bonaparte, l’auteur semble avoir pris son parti de nouer les deux règnes, si bien que sur l’ensemble de son pastiche, on voit tour à tour Sarkozy sous les traits de Fouquet à la cour de Chirac, s’évadant de Pignerolles et en Napoléon-le-grand, alors que lui conviendrait mieux le neveu, Napoléon-le-petit, épousant la Montijo, d’un sang chaud espagnol, pour s’en repentir et convoler avec une Diva comparable à Hortense Schneider, quoique venant d’Italie, la Carlita !
Evidemment, vous ne trouverez pas cela dans l’œuvre du moderne Saint-Simon, c’est aussi un privilège de lecture d’imaginer d’autres égéries du règne.

22.jpghgfds copie.jpg

Patrick Rambaud est plus transparent que moi dans le décrit de « sa » cour : la comtesse Bruni y a des yeux de porcelaine, il la dépeint superbement en deux mots. La baronne d’Ati « qu’une lettre de cachet expédie au Parlement de Strasbourg », fait partie de ce monde du pouvoir aussi gesticulant sous une apparente maîtrise que les marionnettes du Muppet’s show.
Ecrire la chronique d’un règne n’est pas une sinécure, c’est une entreprise de tous les jours qui tient aussi bien par les informations et donc la lecture de journaux et revues, mais aussi d’une transposition caustique des informations.
Rambaud est tout autant archiviste-documentaliste qu’écrivain.
Il écrit, dit-il, du mois d’avril au mois de novembre, gardant pour le mauvais temps la découpe des articles et leur classement.
Il écrit sur une vieille Remington comme un privé de Hadley Chase ou de notre Simenon..
Que trouver de plus, sinon que des écrivains comme lui, on n’en fait plus !
Nous éprouvons soudain une certaine angoisse : et si sous l’avalanche des protestations, des projets avortés et du mécontentement montant, même à l’UMP, Nicolas 1er venait à rendre son sceptre à la République ?
Rambaud n’aurait plus qu’à changer le premier de ses « a » en « i » et faire le pastiche d’une « Saison en enfer ».

Poster un commentaire