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Le drame social.

Nous ne supportons pas l’injustice. Nous sommes irrités tous les jours par ce que nous rapportent les journaux. Est-ce vrai, est-ce faux ? Le débat n’est pas là. Il y a bien dans tout ce qu’on nous rapporte quelques injustices patentes. Cela nourrit notre ressentiment et nous pousse à reconsidérer tout ce qu’on nous dit à propos du néocapitalisme, de l’abolition de la lutte des classes, et de la justesse d’un devenir social-démocrate. Nous sentons bien que l’apologie de tout cela ne sonne pas juste, compte tenu de la situation dans laquelle nous barbotons.
Nos amis politiques, enfin ceux pour qui nous avons voté, eux aussi – enfin dans leur discours – ne supportent pas l’injustice ; mais s’il s’agit bien de parler de la même voix avec nous et surtout de la même chose, il y a un « je ne sais quoi » qui sonne faux dans ce qu’ils nous disent. Ils abordent l’injustice par la conscience qu’elle pourrait exister en-dehors d’eux, tandis que nous, nous la vivons !
Et c’est tout à fait différent.
Lorsqu’ils se disent au courant des injustices, ne se sentent-ils pas gênés d’en parler alors que cela ne meurtrit pas leur chair, qu’ils ne la vivent pas tous les jours ?
Comment ne sont-ils pas gênés d’oser parler de patience à ceux qui subissent tout depuis si longtemps ?
Il y a un abîme entre la théorie et la pratique.
Ainsi nous savons par notre expérience ce qu’eux supposent par l’expérience de laboratoire. A considérer la belle brochette d’avocats et d’économistes à éplucher les lois, fort peu sont disposés de passer de la théorie à la pratique. Le cas de figure, c’est sur autrui.
C’est ainsi que nous savons qu’aujourd’hui, en Belgique, un homme ne vaut pas un autre, qu’un savoir n’est pas récompensé de la même manière qu’un autre, qu’une naissance dans un certain milieu ne vaudra jamais une naissance dans un autre, etc.
La justice passant par la parole de Sartre : « Un homme parmi les hommes et que vaut n’importe qui. » n’est pas dans nos mœurs.
Nos amis politiques ne le savent pas. Ils n’en ont pas vécu la souffrance tous les jours et même s’ils l’ont vécue, ils ne peuvent plus en débattre parce qu’ils l’ont dépassée. Ils vivent dans un autre monde.
Ce qui est curieux, c’est que le monde dans lequel ils vivent n’est pas essentiellement issu du système.
Les mondes totalitaires eux aussi n’en sont pas épargnés.
Avant le communisme en Chine, les castes n’avaient jamais existé. Le mandarinat n’était à proprement parlé qu’une société de lettrés qu’il fallait dissocier du seigneur local, ou même le très lointain empereur et sa cour retranchée dans la cité interdite.
Avec Mao et la venue d’une société « juste et égalitaire », chaque citoyen eut droit à un casier social. Le maoïsme, sous prétexte de justice, venait de créer les castes. La couleur rouge était évidemment la bonne et la noire, la plus mauvaise. Ces couleurs-là fixaient les destins.
Du petit bourgeois au gros industriels, des petits fonctionnaires aux gros, en l’espace d’un jour, tous se virent dotés de la case noire. Ils n’avaient plus aucun droit.
Seule la case rouge autorisait les porteurs d’entrer au parti, de fréquenter les écoles et de bénéficier des bontés du régime.
Ce serait évidemment une contradiction difficile à comprendre surtout de la part de ceux qui souhaitent établir un système plus égalitaire que le système capitaliste, si la réponse ne se trouvait pas dans la théorie du marxisme-léninisme.
A long terme, l’Etat doit se dissoudre. En attendant, la période dite transitoire passe par ce que Staline estimait être l’accentuation de la lutte des classes.
L’URSS n’a jamais dépassé cette transition. La Chine de Mao s’y était inscrite. La Corée du Nord en 2010 y est encore.
Ce qui n’avait pas été prévu alors et qui survint de façon paradoxale, ce sont les cadres du parti – un peu comme dans le système capitaliste, nos élus – qui se sont organisés en classes privilégiées. C’est-à-dire qu’ils ont reconstitué à leur seul usage une classe supérieure.

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Lorsque nous aspirons à une société plus juste, nous ne pouvons admettre que ce serait pour en recréer une autre, dans une autre forme sans doute, mais tout aussi injuste.
Pour parvenir à une société moins injuste, il faudrait qu’une volonté d’égalité naisse dans le cœur des hommes. Cela n’est pas le cas dans une conjoncture hautement consumériste.
Cependant, il existe un moyen simple de remettre le train fou dans ses rails.
Ce serait de casser les castes sociales en détruisant les statuts qui confèrent des droits illégitimes. Cela consisterait à envisager une fourchette entre les salaires, selon une échelle à fixer entre le plus bas et le plus haut et inclure les revenus extérieurs au travail dans ce calcul.
Tout ce qui dépasserait le plafond reviendrait à alimenter les salaires inférieurs en les augmentant d’une sorte de bonus à l’envers de ce qui est pratiqué aujourd’hui.
La première difficulté viendrait des réticences de ceux qui ont un certain pouvoir dans la vie publique et sociale, principalement du personnel politique, en bref de tous ceux qui à tort ou à raison se croient bénéficiaires du système et qui ne veulent en changer à aucun prix.
Resterait à leur faire comprendre que c’est ça… ou Mao !
Tout est possible par la volonté du plus grand nombre.
Force est de constater qu’elle n’existe pas.
C’est là notre drame.

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