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Voyou ou escroc ?

La polémique enfle en France, depuis la parution par l’hebdomadaire Marianne (n° 694) de sa page de couverture montrant Nicolas Sarkozy accompagné du texte suivant : « nationalité, immigration, délinquance LE VOYOU DE LA RÉPUBLIQUE xénophobe et pétainiste ? Certes pas. Mais aucun interdit ne l’arrête. Et, pour garder le pouvoir, il est prêt à tout ».
Voyou, est-ce le terme approprié ?
De Pierre Moscovici à Nadine Morano, on déplore un mauvais choix du terme.
L’évolution du langage tend un piège redoutable à tout écrivain « qui se veut de son temps ». Ainsi le sens de « voyou » a beaucoup évolué sur cent cinquante ans. Qu’on en juge.
Le père des dictionnaires, le Littré, référence 1869, définit le mot :
« Se dit populairement, à Paris, d’un enfant du peuple malpropre et mal élevé ».
Après cette très courte définition, on n’en saura pas plus. C’était en ces termes que la société désignait le pauvre, sous le Second Empire.
Le La Châtre de 1856 ajoutera à la définition du Littré « Les voyous de Paris sont malins et braves » incorporant dans les voyous l’ouvrier parisien et celui des faubourgs.
On voit que la polémique entre la référence (Littré) et le contestataire (La Châtre) ne portait pas que sur la sémantique. Gavroche de Hugo est un voyou. Toussaint Maheu, le vieux Bonnemort, la Maheude, travaillant dur au puits de mine du charbonnage du Voreux, dans le Germinal de Zola, sont des voyous.
Marianne a donc tort d’appeler Sarkozy un voyou, même si le dictionnaire Logos de 1978 étend la définition à « l’individu louche, aux manières brutales ou à l’allure inquiétante, sans moyens d’existence avouables, susceptible de commettre des délits graves, des actes de violence, des agressions… ».
Le locataire de l’Elysée est loin d’en être là.
Soit dit en passant, l’évolution du mot qui part d’une catégorie sociale défavorisée et pauvre pour finir dans le sillage « des petites frappes, des macs ou des gangsters » en dit long sur la façon dont la bourgeoisie qui règne dans le monde de la grammaire et de l’étymologie considère le monde du travail et comme l’usage est influencé de leur concept du « bon usage ».
Sarkozy n’est ni malpropre, ni pauvre, ni venu d’un faubourg mal famé (Passy !), quoique assez mal élevé (casse toi, viens le dire ici, etc).
Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la Famille, n’est la « chienne de garde » que de son maître, pour le reste, bonne éducation, bonnes écoles, bon milieu, etc. C’est elle qui a dénoncé sur RMC le « voyou de la République » de Marianne comme une insulte ; tandis que Jean-François Kahn, trouve que le mot va bien au président actuel.
Ils auraient tort l’un et l’autre.
Le mot voyou n’est pas propre à qualifier le président de la République. En, l’employant, on n’attente ni à la République, ni à la fonction de son président.
On attente à la langue, tout simplement.
J’aurais tendance à qualifier Sarkozy de malhonnête dans le sens de « qui agit sans franchise, qui use de tromperie ».
Mais ce mot n’a pas la portée de « voyou » et on comprend que Marianne ait préféré un mot inexact à un mot sans impact, que même la sourcilleuse Nadine Morano n’aurait pas relevé.
Malhonnête disqualifié, crapule détone dans le sens opposé.
« Crapule : Eléments les plus abjects et les plus viles de la société », est plus fort que « voyou », mais s’écarte davantage d’une peinture au plus juste de Sarkozy.

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Par contre « escroc » pourrait mettre tout le monde d’accord. Le mot se rapproche de la personnalité de l’homme critiqué.
Définition du Logos : 1° Individu qui pratique l’escroquerie, qui vit d’escroquerie.
2° Celui qui trompe, qui promet ce qu’il ne peut pas ou ne veut pas donner, qui abuse de la naïveté de ceux qui lui font confiance, qui est malhonnête en affaires, les démagogues sont des escrocs.
Séduit par la trouvaille, j’ai vérifié. Le Littré est laconique. Un escroc est quelqu’un qui pratique l’escroquerie. Ce dernier mot s’entend au XIXme siècle comme un simple terme de jurisprudence.
Sa définition moderne colle mieux au personnage.
Je le considère plus approprié.
Marianne devrait réfléchir au mot pour une nouvelle version.
Quant aux aboyeurs de l’Etat UMP, faut-il leur rappeler que le respect dû à la fonction n’est en rien bafoué quand celui qui n’en est pas digne se révèle être un escroc.
Et puis, il est bon que le public sache que la nature de l’homme ne l’empêche nullement d’être un président de la République escroc… ni même voyou.
Le respect fout le camp, certes. Mais on a vu par le passé que le respect, comme valeur supérieure, fait tomber le peuple dans l’idolâtrie pour subir alors la dictature des « élites ».

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