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De Clausewitz à l’abbé Bridaine.

Bernard-Henry Lévi poursuit une bizarre carrière de chef de guerre, à la grande surprise des Etats alliés, après avoir doublé Gérard Longuet, ministre de la défense, et Alain Jupé, ministre des affaires étrangères de la France, dans le processus du déclenchement des frappes aériennes contre le colonel Kadhafi, en Libye.
C’est comme si un philosophe de chez nous… bon, je cherche et n’en trouve pas de ce calibre (par contre dans les hommes politiques persuadés qu’ils pourraient avoir un grand destin…) , convainquait Leterme d’intervenir militairement au Congo afin d’éviter un génocide.
On voit déjà le ramdam autour du voyage de Laurent à Kinshasa pour des raisons semi commerciales, semi écologiques. Que n’aurait-on entendu et pas que de la seule N-VA, s’il s’était mêlé de sauver des gens au lieu des bêtes !
En France, BHL circonvient Sarko et voilà ce dernier reconnaissant les mandataires libyens de l’insurrection. Sur sa lancée, le philosophe parisien met Hillary Clinton dans sa poche et multiplie les contacts. L’OTAN se détermine, après que la France et la Grande Bretagne aient obtenu le feu vert de l’ONU pour neutraliser l’espace aérien du colonel Kadhafi. Bernard-Henry Lévi triomphe ! C’est son œuvre !
De la part d’un simple civil, sans mandat d’un gouvernement, armé de sa seule conviction de philosophe « mondain », voilà bien une chose inouïe et pas prête d’être surpassée !
A sa décharge, il faut bien avouer que sans cette accélération de l’histoire, Kadhafi entrait dans Bengazi et faisait couler le sang à en rougir toute la ville.
Les chicanes des règles du système démocratique empêchent les simples citoyens de se mêler de ce qui les regarde. Faut-il s’en plaindre ou s’en réjouir ? Et quand le système a des lenteurs, comment jouer le rôle d’un citoyen utile ?
Dans les Anciens Régimes, l’initiative n’était pas toujours sanctionnée par une condamnation à mort du téméraire. Socrate a inauguré la série des philosophes conseillers des puissants en se mêlant des affaires de Denys, tyran de Syracuse, à la demande de ce dernier, faut-il préciser.
Après Michel Onfray, voilà toute la métaphysique qui s’émeut de l’impétuosité du philosophe-guerrier. Onfray, pacifiste à tout crin, ne voit dans son confrère qu’un opportuniste « plus doué pour écrire la légende de soi-même que l’histoire du monde ». Bruckner salue l’homme fidèle à ses engagements profondément respectable. En général l’opinion des philosophes est plutôt favorable.
Politiquement, cette affaire fait des dégâts en France. Alain Jupé cherche à répliquer au passe-droit dont il est victime. De la part de Longuet, ministre de la défense, c’est moins sûr. Créateur avec Alain Madelin du mouvement Occident, organisation de militants d’extrême droite, on sait que ces gens-là sont fort souples dès qu’ils touchent au pouvoir.
Le droit d’ingérence pour raison humanitaire, depuis Kouchner, a déjà fait couler beaucoup d’encre. La Belgique, petite puissance accueillant les services de l’Otan, a érigé ce droit en dogme insurpassable. Elle n’a pas la capacité de passer de la théorie aux actes. La gloire lui rapporte plus que ce qu’elle lui coûte. A la remorque des USA, elle joue volontiers les bouche-trous, comme en Afghanistan. Quand on a besoin d’elle. Elle rend de menus services. Notre pays a toujours raffolé de ce genre de morale. Elle s’est même dotée de la capacité juridique de juger des citoyens étrangers, pour des faits relevant de crimes contre l’humanité. C’est beau, c’est grand, c’est vertueux, sauf qu’elle se garde bien de traduire devant la justice belge tous les tyrans en activité. Elle s’est contentée jusqu’à présent de citer à comparaître quelques lampistes.
Le nouveau dada de madame Lalieux sur le devoir de repentance dont elle accable le pauvre Léonard qui n’aurait pas assez dit son horreur de l’évêque scélérat Vangheluwe procède du même prurit moral, mais qui, hélas, s’arrête à la porte des usines.

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Reste que l’intervention en Libye ne se passe pas comme en Tunisie ou en Egypte. Kadhafi est de la trempe des Ahmadinejad, il compte sur ses troupes bien armées et défendra Tripoli jusqu’au bout, mieux, il repart à l’offensive.
Du coup, c’est toute la stratégie de Bernard-Henry Lévi qu’il faudrait revoir. Et s’il devenait nécessaire d’envoyer des troupes au sol, pour un conflit qui s’éternise ?
Et tandis que les généraux de l’OTAN se grattent le menton, voilà l’homologue Syrien de Kadhafi, Bachar al-Assad, qui tire au petit bonheur dans la foule de ses détracteurs, sans que BHL, l’OTAN et Hillary Clinton fassent autre chose que rappeler le dictateur Syrien à la raison. Et pour cause : Israël est très content de Bachar qui respecte bien le cessez le feu du Golan. Pourquoi vouloir changer de partenaire ?
Alors, faut-il sélectionner les dictateurs qui doivent être remplacés, et les autres – nombreux – qui peuvent poursuivre tranquillement leurs petites affaires ?
Nul doute qu’on va trouver en Belgique une nouvelle loi pour régler le problème. En attendant, c’est la Flandre qui fournit les cartouches et la Wallonie les mitraillettes.
Voilà enfin une situation qui permet à Di Rupo et Waferman de se serrer la main.
Comment n’y a-t-il pas encore pensé ? Jean-Mi Javaux serait parfait dans le rôle d’un Bernard-Henry Lévi à la belge… portant la bonne parole là où on ne l’attend pas.
Si ça tourne mal chez les Ecolos, notre pieux député-président sait ce qu’il lui reste à faire.

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