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Dexia : et d’une !

La dette souveraine ou la souveraine connerie, les premiers ministres peuvent y atteindre des sommets.
Les politiques ont tort de se surestimer par rapport au reste de la population. On a hissé Jean-Luc Dehaene sur un piédestal. Mieux, il s’y est mis tout seul. Il s’est fait la réputation d’un premier ministre extraordinaire et d’un démineur hors-pair, aidé par les gazettes et ceux qui reniflent les bonnes pistes à suivre.
Dehaene, contorsionniste et âpre au gain ? La suite n’est pas triste.
Chef de gouvernement, il n’a résolu aucun des maux dont souffre la Belgique. Usé par le pouvoir, vétéran du CD&V, on a récompensé son talent en le bombardant président du conseil d'administration de Dexia.
Entre-temps, Albert qui n’en rate aucune, avait fait de sa rondeur un ministre d’Etat.
A l’époque, le club très fermé des « grands » de la politique s’était rassuré. Il fallait sauver le soldat Jean-Luc. L’esprit de corps et l’ancienneté tenant lieu de savoir faire et de référence, le CD&V sans faille, fut fait banquier.
Jusqu’à mardi passé, personne n’entendit plus parler de lui. Il ramassait son pognon en fermant sa gueule. On voulait croire de cette manière qu’il était moins con qu’on ne pensait et que la planque bien juteuse allait faire de lui, dans peu de temps, un retraité dont les héritiers le rêveraient en victime d’arrêt cardiaque, comme d’un instant de pur bonheur.
Et puis, il y a le communiqué Dexia de mardi.
On a tout de suite senti « la patte » de l’Homme d’Etat.
Dexia, dans une tourmente permanente depuis trois ans, publie un communiqué de presse d’une rare insignifiance, les ministres français et belge des finances s’en émeuvent, les gogos épargnants se prennent la tête, c’est du Dehaene tout craché, du pseudo intellectualisme pour lecteurs de Ciné Revue.
Quoi de plus naturel puisqu’il a été premier ministre, prince du compromis, champion du parler-pour-ne-rien-dire. Sauf qu’on n’amuse plus le tapis quand les clients risquent d’y laisser leurs grisbis. Dehaene n’était qu’un parolier (pas très bon bilingue comme il se doit) pour un film de propagande électorale.
Le fric à la banque, c’est du sérieux. Que Jean-Luc ait fait n’importe quoi comme premier ministre, le Belge est habitué ; mais, que le même fasse perde de l’oseille, le client lui arracherait bien les couilles avec les dents. Il est comme ça le Belge. Sa vocation, ce n’est pas le bien des autres, c’est son bien derrière une porte blindée.
Pendant qu’on lisait que Dexia allait aviser et qu’on n’avait rien à craindre, l’action chutait de plus de 20%.

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Du coup revoilà Didier Reynders, comme en 2009, sur la brèche en sauveteur de banques avec l’argent des contribuables et de rappeler que les clients de Dexia bénéficient de la garantie de 100.000 euros… dame, avec - 20% en Bourse, soit 584 millions d'euros de capitalisation boursière partie en fumée, le petit discours du démineur n’a plus de sens.
Cependant, rien n’est sûr qu’on va s’arrêter à Dexia, Christine Lagarde du FMI n'exclut pas une récession au niveau mondial en 2012. Voilà longtemps que les meilleurs économistes – dont le pouvoir se fout - disent la même chose depuis 2009.
D’accord, ce sont les banques les plus mal embringuées dans des dettes souveraines, comme celles de la Grèce, qui dévisseront les premières, Dexia en tête de gondole. Mais si le jeu de domino s’enclenchait, Reynders et Baroin ne pourraient pas éteindre partout l’incendie.
Résidus de la crise des subprimes ou crise actuelle autour de la dette souveraine ?
On voit par là que les réformes des banques à la sortie de 2009 et des grands discours sur les assainissements nécessaires qui ont suivi, n’ont débouché sur rien, sinon que les faillis sont restés en place et ont scandaleusement augmenté leurs salaires.
Dehaene chargé du redressement de Dexia a échoué dans la mission qui lui avait été confiée.
Après avoir franchi l’obstacle communautaire, justement Elio Di Rupo va se lancer sur le budget et la dette. Il s’agira de trouver dix milliards. Aura-t-il l’audace de disposer d’une partie de cet argent pour sauver une deuxième fois le système bancaire ?
Est-ce qu’il va tenir le même langage aux chômeurs et aux vieux sur lesquels la bête va prélever une partie du sang neuf dont elle a besoin et en même temps ouvrir des écluses financières à la crapulerie des systèmes financiers, sous prétexte de préserver l’emploi des milliers d’employés de banque qui n’en peuvent ?
Un ouvrier qui n’honore pas ses dettes, un petit artisan en faillite, les huissiers saisissent leurs meubles et les mettent sur la paille. Le cran au-dessus, c’est moins sûr. Plus haut encore, c’est l’impunité complète. Dehaene peut dormir sans cauchemar. Si Dexia disparaît, on pourra toujours lui trouver autre chose.
N’a-t-il pas été premier ministre ?
Si ça se trouve, les banques qui auront besoin d’un démineur ne manqueront pas dans l’avenir d’avoir recours à lui. Dehaene a encore de belles années derrière les distributeurs de billets, à se moquer du monde.

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