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Le point de fusion.

Grève générale lundi, c’est entendu. Contre la politique du gouvernement, j’en suis bien aise.
Mais cette grève tout en étant générale, n’est qu’une grève d’un jour. C’est-à-dire que le mardi, tout le monde part au travail, les journaux relatent le succès ou l’insuccès du « mécontentement général » de la veille, les flics estiment moitié moins que les syndicats le nombre des participants, le gouvernement fait comme si de rien n’était, tandis que le parti du premier ministre fulmine contre les gauchistes, selon une habitude des socialistes qui ne date pas d’hier.
L’autre présomptueux revient de ses tapis rouges et de ses présentations aux pays amis. Il n’ose pas encore embrasser Merkel comme Sarko, mais ça viendra. Lundi soir, on l’entendra tonner sur les grévistes, ils vont tuer dans l’œuf son mirobolant projet. Il lui semblera que Marcel Genet a raison et que les Liégeois « sont un peu biesses », mais il ne nous le dira pas.
Ce n’est jamais le moment de faire la grève pour les Hauts-Placés.
On aura pris du bon temps et on se sera défoulé, ce qui est fort appréciable en ces temps grincheux ; mais on n’aura pas avancé d’un poil dans une situation bloquée dans laquelle ceux que nous avons élu s’obstinent à s’enfermer dans un dilemme purement financier avec une économie ultra libérale.
Thierry Bodson dira qu’on peut avoir une vue différente des fins de l’économie. Il aura raison.
Et puis après ?
Le seul point réellement positif aura été de voir le PS, parti de gouvernement, défendre la position du premier ministre et donc pieds et poings liés par des accords qui conduisent à faire des travailleurs les dindons de la farce. Ainsi, on apprendra qu’on ne peut pas compter sur la social-démocratie au bout du rouleau !
C’est positif, parce qu’ainsi les gens qui nourrissaient encore quelques illusions sur la capacité de ce parti de défendre les travailleurs et le social, auront pu juger que sa seule capacité est de nuire.
Je ne conçois une grève générale qu’au finish.
Alors, on voit tout de suite les vrais rapports de force : l’état d’exaspération du citoyen, d’une part, et, d’autre part, la capacité de résistance du gouvernement.
Et c’est là que le bât blesse. Bien sûr, les gens du dessous sont accablés les premiers par la défaite de l’économie, le surplace meurtrier qui en fait les premières victimes ; mais les autres ?... ceux qui ne s’en tirent pas trop mal, et les égoïstes absolus qui pensent que d’autres feront le boulot à leur place, et enfin, les obéissants qui observent les règles, les plans, les lois, les définitions sans avoir d’autre avis que celui des autorités.
Dans une grève d’un jour, on peut penser que les trois catégories de citoyens seront représentées, sinon en restant chez eux à regarder la rue de leur fenêtre ou profiter d’un jour sans, pour repeindre la cage d’escalier. Les organisateurs le savent bien, la météo est importante. Qu’il pleuve, et c’est fichu à l’avance pour les grands rassemblements.
Une grève au finish, ce n’est pas pareil. On s’arrête parce qu’on en a assez de servir de serpillère. On part avec la conviction de ne reprendre le collier que lorsque les choses auront changé.
Il faut un large consensus, et encore, on sait bien qu’une semaine les bras croisés, c’est le bout du monde. Quand la grève durcit, qu’il y a de la casse, les plus timorés rejoignent les modérés ou les militants de droite qui n’ont jamais cessé de soutenir le patronat et le gouvernement qui font cause commune.
Il faut donc pour qu’une grève générale réussisse qu’elle renverse le gouvernement ou que le gouvernement donne raison aux grévistes en lutte contre les conditions de travail et le patronat.
La Tunisie est un cas d’école.
Avec une forte densité de population au chômage, un énorme pourcentage de jeunes sans travail, la population est spontanément descendue dans la rue, après son interprétation d’un fait- divers (l’immolation par le feu d’un commerçant ambulant).
Elle n’avait plus rien à perdre.

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Nous n’en sommes pas encore à ce dernier degré de la colère populaire.
La population belge se divise en deux camps. Le premier croit que le système économique va s’en tirer et que la machine va repartir, il faut tout simplement serrer les dents et faire des efforts. Les seconds, encore très minoritaires, pensent que le système est fichu et qu’on ne s’en sortira pas, enfin que l’avenir est ailleurs dans d’autres formules. Ce sont ces minoritaires qui ont raison selon mon point de vue ; mais, qu’ils ne convaincront pas encore les autres cette fois-ci.
Tout en saluant les syndicats de l’initiative d’une grève générale d’un jour, il serait utile de surveiller de près, par la suite, la montée en puissance de la colère populaire, de sorte que si les circonstances s’y prêtent, dans six mois, dans un an, ou dans dix, ils ne ratent pas une grève décisive. Le point de fusion entre les mous, les tièdes et les durs ne procède pas de la stratégie, mais de l’imprévisible.

Commentaires

"Une grève au finish, ce n’est pas pareil. On s’arrête parce qu’on en a assez de servir de serpillère. On part avec la conviction de ne reprendre le collier que lorsque les choses auront changé."Nous n’en sommes pas encore à ce dernier degré de la colère populaire.
Mais, je crois que nous n'en sommes plus très loin et je ne serais pas étonné si le 31 la grève continuerait, l'avenir nous l'apprendra vite..
Bonne journée mon cher Duc, je colle votre article sur FB.

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