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Convenu et convenable !

Pour ratisser, les élus ratissent. Mais pas n’importe comment. Les énergumènes qui ont signé au CDH un papier mystifiant Reynders sur son décès n’ont guère été violents, ni même irrévérencieux. Ils n’ont été que médiocrement « amusants ». Les blogs sont pleins de détestations de Reynders plus musclées, plus drôles et bien mieux écrites.
Pourquoi Reynders a-t-il réagi avec vigueur pour un faire-part raté dans sa vocation humoristique ? Parce qu’il n’avait pas été écrit de façon individuelle par des gens qui ne comptent pas, mais par des anonymes en association, ce qui change tout, reconnus naviguant sous le sigle du CDH.
Ratisser large, c’est ne pas répondre aux questions pertinentes, ne pas s’émouvoir des reproches, voire des invectives, quand ils viennent d’individus insignifiants; mais monter sur ses grands chevaux dès que l’écho fait nombre et que le bruit se répand jusque dans les gazettes. Voilà qui pose un homme et l’assied dans l’opinion publique.
Les gazettes jouent évidemment un grand rôle dans l’appréciation ou la dépréciation des vedettes du show politique.
Béatrice Delvaux dans son hommage appuyé de Guy Spitaels n’a pas fait œuvre de journaliste, elle n’a fait que gloser sur l’intelligence de l’homme, sur sa gentillesse par rapport à elle et sur sa disponibilité à l’écouter se plaindre de la perte de son poste de rédactrice en chef, hésitant à prendre la porte, pour se contenter d’un prix de consolation. Il lui a conseillé d’accepter de faire l’éditorialiste en chef, puisque « chef », mot auquel son égo était sensible, restait dans ses attributions.
Rien n’aura donc été écrit de Spitaels, homme politique, responsable de la droitisation du PS, homme de Loge, manœuvrier et finalement condamné pour concussion. Rien aussi de son rôle dans les luttes intestines du PS entre l’influence liégeoise d’André Cools et J-M Dehousse, contre la coalition Centre-Hainaut. La victoire boraine permit l’avènement de Di Rupo et peut-être causé l’assassinat du Liégeois !
Spitaels, même retraité, n’a pu s’empêcher de « ratisser large », parce que c’était dans sa nature et Delvaux n’a pu s’empêcher de lui servir la soupe « parce qu’il s’était préoccupé d’elle ».
Il est certain que Spitaels qui « aime les gens », personnage attachant dans la galimatias officiel, se fichait éperdument, comme Reynders et bien d’autres, des gens dont le témoignage ne compte pas, dont les dires ou les écrits resteront anonymes.
Il n’est point mauvais que ces Messieurs-Dames de la presse sachent qu’on ne les aime que parce qu’ils font du mauvais journalisme et ne sont bons qu’à faire-valoir des personnages que sont les ministres et les élus, bien qu’ils aient fichu le pays dans une merde noire.
Cette incapacité à percer le jeu des politiques provient en grande partie de leur inculture.
Je n’en veux pour preuve que le dernier titre du Soir : « Des funérailles sobres et intimistes pour Guy Spitaels ». S’il y avait bien un mot à ne pas employer c’était « intimiste ». Bien sûr, intimiste fait mieux qu’intime ou « dans l’intimité » pour faire correct ; mais, le mot ne s’adresse qu’aux artistes et à une certaine forme « personnelle » de leurs créations. Il n’a pas le sens d’intime.
Que je sache, Spitaels n’était pas peintre !
Le journaliste récidive dans le corps de l’article « La cérémonie sera simple et intimiste ».

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Voilà qui n’a l’air de rien, mais bien d’autres preuves donnent la mesure de l’incapacité de la presse à se hisser au niveau des enjeux de la société actuelle.
Dans le ratissage et la quête de notoriété, les journalistes jouent les dents du râteau. Ils apportent à ceux qui sont au bout du manche le foin nécessaire à leur fenaison personnelle.
Il y aura vraiment un début de démocratie, le jour où l’information jouera un rôle pour lequel l’école de journalisme ne prépare pas : celui de la critique d’une société en pleine transformation.
Pour cela il faut de la culture, du recul, un sens de l’Histoire des peuples et aussi une forte remise en question des hiérarchies, laissant pour ce qu’elle vaut – c’est-à-dire pour pas grand-chose - celle qui s’établit par l’argent.
Bref, toutes qualités que le lecteur curieux attend encore. Les temps approchent où il s’impatientera, puisque d’autres supports, moins convenus et plus libres, sont en passe de supplanter la presse classique.

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